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Résumé Le Provencal

du 29 décembre 1960

 

L'O.M. à perdu à ROUBAIX (2-1)

un match qui était à sa portée

le tournant du duel ? A la 80e minute VESCOVALI rata un but "tout fait"

et une minute après CORAZZA encaissa un but stupide

(de notre envoyé spécial : André HATCHONDO)

ROUBAIX (Par téléphone) - Les Roubaisiens se lamentaient avant le match devant opposer leur club à l'O.M.

Non, ils ne se plaignaient point de leur sort d'éternelles gens condamnées à vivre dans un décor lugubre, propre à engendrer des idées noires comme... le charbon.

Le motif de leur courroux ? Ne cherchez pas ailleurs : les footballeurs actuels du cru sont indignes des traditions dont l'enchanteur Hilt fut un des plus beaux fleurons.

Morts, évidemment, la belle efficacité et le beau réalisme attachés à l'histoire glorieuse du vieux C.O.R.T. !

Et les supporters, pour être plus... discrets que ceux des équipes méridionales n'en sont pas moins aussi virulents dans leurs commentaires. Longtemps, ils ont mentalement cloué au pilori les attaquants, car pour eux, le jeu du ballon rond consiste avant tout à marquer des buts. Puis, en faisant le bilan de cette première moitié du championnat, ils se sont rendus compte que la défense aussi été coupable. À preuve, les buts qu'ont concédés les défenseurs lorsqu'ils ont évolué à l'extérieur du stade A. Prouvot.

Du même coup tous les joueurs locaux ont été logés à la même enseigne. C'est ce que nous apprîmes au bistrot du coin, en face de la gare, dès que nous eûmes déclinés notre identité.

Les commentaires d'avant match de nos confrères nordistes laissaient percer ce climat de vengeance qui suit inévitablement une longue et sombre période de défaite.

"Manque de chance" disait M. Zaraya dans le train l'amenant à Roubaix, entre la lecture de deux pages d'un roman et la série... noire - décidément c'est la couleur symbolique de circonstance - qui aime à répéter de sa voix éraillée cette formule disant "passe partout".

Effectivement les craintes de M. Zaraya paraissaient justifiées par anticipation.

L'O.M. se présenter sans l'un de ses atouts majeurs, Jean Molla, et un autre de ses atouts Lefevre, s'il était présent physiquement auprès de ses camarades, n'en était pas moins absent par l'esprit. Au cours de la traversée de Paris, il devait, en effet, apprendre que sa mère était souffrante.

Ajoutez à ce manque de chance évident, auquel M. Zaraya faisait allusion, celui qui consiste à rencontrer un onze adverse décidé coûte que coûte à conjurer le sort, a montré à son entraîneur Maurice Blondel qu'il vaut mieux que son classement actuel, vous avez une idée de la drôle d'atmosphère qui entourait ce match, bouée de sauvetage pour les uns, mission accomplie par la force des choses pour les autres.

M. Zaraya était tellement inquiet, voire même désabusé, avant l'heure H qu'il allait jusqu'à souhaiter le renvoi du match à une date ultérieure... pour la deuxième fois. Les dieux du football ne l'ont pas suivi jusqu'au bout.

Le temps était maussade et froid. Il soufflait une bise sibérienne. Le terrain, quoi que très gras, était parfaitement praticable. La chorale roubaisienne était au complet, à en croire les affirmations du chauffeur de taxi qui nous conduisait jusqu'à l'entrée du stade. Les usines de filature avaient en effet accordé un congé exceptionnel aux ouvriers pour qu'il puisse assister au dernier duel de l'année 1960.

Une première faute de Corazza

Maurice Blondel avait pris son air grave des mauvais jours aux vestiaires avant la rencontre : "De grâce mettez tout en oeuvre pour arracher ce match ! "avait-il dit en substance à ses joueurs.

Ces paroles émoustillées vraisemblablement les Roubaisiens. Ils s'engagèrent sans restriction dans la bataille dès la première seconde. Au point qu'au bout d'un quart d'heure de jeu Leonetti avaient tiré quatre fois vers les buts (1re, 2me, 3me et 9me minutes) et la défense marseillaise avait concédé deux corners (10me et 15me minute).

Le second corner concédé par Bedelian avait sauvé une situation très compromise. Devlasemink s'était présenté seul devant Corazza. Leonetti tira ce corner. La balle s'éleva à la hauteur des buts. Corazza jaillit au milieu d'un paquet de joueurs se saisit de la balle mais, hélas la lâcha. Buge en profita (16me minute) pour loger cette balle dans les filets.

Rien n'était perdu pour l'O.M. Tellechea abattait une besogne considérable, n'hésitant pas à contre attaquer pour alimenter ses avants de pointe.

On crut que, sur un tir de Lefevre (32me minute) l'O.M. allait égaliser. Samoy fut mis en difficulté. Vescovali surgit avec une fraction de seconde de retard, mais Samoy avait entre-temps, retrouver ses esprits.

Au contraire la défense olympienne, bousculer, concéder le troisième corner.

Après un long moment pendant lequel la balle voltigea d'un camp à l'autre - ah ! que de passes à l'adversaire ont fait les deux rivaux !- un long moment de jeu primaire, survint l'éclair que nous attendions.

Après une passe de Vescovali à Kominek (41me minute), ce dernier glissa la balle à Aygoui. La défense roubaisienne ne se pressait pas. Elle n'avait aucune raison de s'affoler. Le jeu se déroulait à plus de trente mètres des buts gardés par Samoy. Un shoot du pied gauche, extraordinaire de puissance et de précision d'Aygoui... les défenseurs roubaisiens et Samoy virent passer le ballon transformé en météore qui se logea dans le coin des filets (1 à 1).

Peu avant le repos, Corazza, sur un tir de Rocco, à la suite d'un coup franc accordé par l'arbitre, M. Bondon - Gransart avait malmené Meynard - nous avait renseigné sur le l'état de sa forme. Il avait fait encore sauté... et raté la balle.

Un tournant du match qui sort de l'ordinaire

Les deux premières minutes de la seconde mi-temps réconcilièrent avec l'O.M. traditionnel, dont les actions sont marquées du sceau du panache. Ce fut un festival et un miracle que les Roubaisiens empêchassent la balle de pénétrer dans leur but.

Aïe, aïe, aïe ! Un feu de paille en réalité. À 58me minute, Roubaix réagissait violemment. Quatrième corner pour le C.O.R.T. Corazza lâcha encore la balle mais la reprit.

5me corner (67me minute)... Les Marseillais malmenés connurent quelques difficultés pour écarter le danger...

Un centre de Lefevre, qui avait trompé son garde du corps Christophe et s'était approché de Samoy, obligeant ce dernier a concédé le premier corner en faveur de l'O.M. 65e minute.

Le tournant du match se situe à la 80me minute. Précisons qu'à ce moment-là le C.O.R.T. avait bénéficié de huit corners et l'O.M. de 2 seulement. Revenant à cette fameuse 80me minute.

Kominek adressa la balle à Aygoui lequel la glissa à Lefevre. D'un centre du pied gauche dont il a le secret, l'ailier olympien expédia la balle par-dessus Samoy, à l'intention de Vescovali qui s'était opportunément lancé. Derrière le dos du goal, Vescovali était donc seul et il reçut le ballon sur le pied droit, à deux mètres de la cage adverse. C'était du travail cousu main. Mais Vescovali gâcha tout. La balle frôla le montant droit des buts de Roubaix, à l'extérieur.

Nous n'étions pas au bout des surprises. La contre-attaque du C.O.R.T. surprit les marseillais. Devlasemink se présenta seul devant Corazza, mais Tellechea expédia la balle en corner (le 9me en faveur des locaux).

Sur ce corner, Bravo marqua le but, après un coup de pied retourné. Le malheureux Corazza avait plongé dans un angle opposé de la trajectoire de la balle (2 à 1). Un but stupide s'il en fut...

L'O.M. venait ainsi de perdre bêtement un match qu'il avait à sa portée.

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LES ENSEIGNEMENTS DU MATCH

Timides débuts d'ALLAIX

forme ascendante d'AYGOUI

TELLECHEA et LEFEVRE

ROUBAIX. - Il est évident que l'O.M. a défaut de victoire qui n'eut pas bien représenté la physionomie de cette rencontre - un match nul n'eut été plus équitable - a raté le coche. Car un point eut contenté MM. Zaraya et Troupel.

L'absence de Molla se fit durement sentir. Extrêmement courageux, Allaix n'a pas atteint la maturité suffisante pour s'opposer victorieusement aux assauts d'un Devlaeminck qui été l'attaquant le plus dangereux des Roubaisiens, hier.

Allaix fut souvent dépassé par les événements. A preuve ces dégagements à l'emporte-pièce.

Mais si le manque d'expérience et une circonstance atténuante pour Allaix, que faut-il conclure après la malheureuse exhibition de Corazza ? La balle était-elle glissante ? Nous ne le croyons pas, puisque Samoy, de son côté, ne lâcha à aucun moment une balle après réception. Il est évident que Corazza, qui a sauvé temps de situation compromise depuis le début de saison, a été hier, le grand responsable de la défaite.

C'est précisément parce qu'il a été très souvent irréprochable, que nous voulons éviter de lui jeter la pierre. Bien sûr, il y eut aussi le but "tout fait" manquée par Vescovali.

Il y avait deux chauves sur le terrain. L'un fût divin (Bravo), l'autre eut des hauts et des bas (Kominek). De toute façon, Bravo servit la cause du C.O.R.T beaucoup plus largement que Kominek.

Les trois hommes ont laminé partenaires et adversaires ; Aygoui et Lefevre remarquables intelligence et d'aisance et Tellechea, qui travailla obstinément, empoisonna l'adversaire et ajusta d'excellentes passes à ses partenaires.

A propos de passer la balle à un partenaire... cela semble une chose très logique en matière de football. Et pourtant il y eut tellement de ballons qui parvinrent aux adversaires - Roubaisiens et Marseillais se firent beaucoup de politesse en ce domaine - qu'on peut se demander s'il ne faut pas être licencié ès football pour assurer une passe.

Mais il s'agit là d'une lacune hélas trop courante en Deuxième Division !

A.H.

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BARATTE :

"L'O.M. a perdu au moment même où il aurait pu gagner"

ROUBAIX. - L'international Jean Baratte, qui entraîne une équipe belge actuellement, n'était pas tendre : " Pauvre football ! je n'ai jamais vu un joueur raté une occasion comme celle qui a eue Vescovali. Non, ce n'est pas possible une telle maladresse ! La faute de Corazza a encore aggravé celle de l'ailier. L'O.M. pouvait gagner ce match de qualité très moyenne. Mais un match nul eut été à mon avis plus équitable que la victoire même de Roubaix."

M. Zaraya, bouche cousue, hochait la tête.

Lucien Troupel, nerveux, poussa un véritable coup de gueule : "Perdre de cette façon ! Sont ce bien des professionnels ! Vescovali avait le but au bout du pied. Le "grand" (lisez Corazza) n'a jamais commis une faute aussi grossière..."

Corazza entendit la réflexion de Lucien Troupel : "Je ne l'ai pas fait exprès Monsieur Troupel"

Lucien Troupel redoubla de violence : " Ce n'est pas une excuse. Quand on fait une telle faute, on plaide coupable ! "

Aux vestiaires de Roubaix Maurice Blondel remarquer ceci :

"Nous avons moins bien joué que contre Montpellier. Mais ceci compense cela. Nous avions bien joué et nous n'avons pas eu les fruits de notre beau match."

"Aujourd'hui nous avons peut-être moins bien joué, tout comme les Marseillais d'ailleurs, mais notre victoire es à mon avis mérité, parce que nous avons eu tout de même neuf corners contre deux seulement."

 

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