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Résumé Le Provencal

du 29 décembre 1958

 

Les footballeurs marseillais rendus à la terrible réalité d'un championnat sans pitié

L'O.M., taillé en pièces à NICE (6-1)

malgré son inaltérable courage le onze olympien

s'est brisé sur la solide équipe niçoise

(D'un de non envoyés spéciaux : Lucien D'APO)

NICE (par téléphone) - Les traditions se perdent. L'O.M. d'abord ne sait plus décrocher le cocotier sur le stade du Ray, ou l'O.G.C. Nice connut souvent de cruelles déceptions. Ensuite, le public lui-même rompt avec le tradition, puisqu'il a supprimé de son répertoire ce traditionnel concerto de vociférations, de cris et de lazzis, qu'ils répandait autrefois avec une générosité toute latine. Il est vrai qu'en ce bout d'année, les Aiglons azuréens se parent du titre de leader, et qu'en la circonstance, l'équipe de l'O.M., qu'il se doit de sacrifier sur l'autel du championnat, occupe une place à faire rougir le front d'un vrai sportif.

Les Niçois ont renouvelé leur garde-robe. Ils ont vêtu de la manière de l'équipe nationale du Tour de France : maillot azur et deux bandes aux glorieuses couleurs noire et rouge sur fond blanc. C'est presque maillot tricolore vu de loin.

Est-ce une promesse ?

Dans les tribunes, il y a beaucoup de Marseillais. La solidité de leur esprit régionaliste ce se révèle dans le déploiement des oriflammes de toutes dimensions. En deux matches, les hommes de Célestin Oliver ont réussi à s'accrocher au cœur de leurs supporters l'espoir le plus pur. Mais en trois minutes, Claude Milazzo l'inter "aiguille" de Nice, va éteindre d'un seul jet cet enthousiasme renaissant.

Car le match a commencé depuis trois minutes, lorsque Milazzo s'infiltre à travers les lignes marseillaises, sème un à un ses adversaires entre deux feintes et, comme ça, sans donner l'impression d'arriver à ses fins, se retrouve seul, ou presque, devant Fischbach. Ici, ce n'est plus une impression. Milazzo a bel et bien trompé toute la défense olympienne et d'un shoot aussi vicieux que calculé, bat le keeper marseillais.

Un à zéro !

Mettons qu'il se ne s'agisse là que du but surprise, ce cliché dont on se sert à profusion. Mais ce qu'il y a de plus dramatique c'est que la surprise va durer 90 minutes, ou presque.

Par Farmanian, Tillon et Oliver, l'O.M. essaie avec le courage qu'il est maintenant sa marque, de répliquer du tac au tac. C'est Fischbach qui doit encore intervenir.

Et puis l'on assiste à un court récital Muro-Barrou.

Un second but et du talent

...Jusqu'à la 7me minute, que choisit Muro pour attaquer en diagonale. Sa course est décisive. Dans le même temps, Barrou s'élance dans le trou, mais au passage, il colle à sa semelle la balle que Muro lui a transmise, sans même le regarder, d'une talonnade remarquablement réussie. Barrou, très près du but, fusil Fischbach.

Ça fait deux buts à zéro. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le talent n'a pas été absent de la réalisation de ce second but.

Après quoi, Foix fait à son tour du slalom dans la défense inquiète des Marseillais. Il obtient un corner, puis il shoote au but. Pendant que le sénor Gonzales ne laisse que des miettes à ceux qui osent se risquer dans une tentative.

Et pourtant, ce que réalise l'O.M. n'est pas mal du tout. Malgré un étonnant Lamia, malgré le dit Gonzales, malgré cette paire de demis qui se déplace à la vitesse de météore, le quintette offensif des Marseillais peut croire pendant un quart d'heure à une heureuse conclusion de ses entreprises.

Un incident mettra d'ailleurs un terme à cette période. Il se situe à la 25me minute, Guix shoote aux buts de loin. Tir très dur, que Lamia, le goal niçois, ne peut bloquer vers. Il lâche la balle. Tillon, accouru, la reprend et la pousse dans les buts. Il y a beaucoup de monde. Cafouillage confusion, et pour les Marseillais l'affaire est très claire : Milazzo ou à notre niçois a repris cette balle de la main alors même qu'elle était promise au filet.

Discussion autour de l'arbitre

Le match est arrêté. L'arbitre de touche, drapeau tendu estime, lui, le but de valable. Oliver, qui discute avec une fougue indomptable, entouré du délégué, des dirigeants, des joueurs, des curieux, des photographes, n'en veut d'ailleurs pas autant, il se contenterait d'un penalty. La discussion s'éternise autour de l'arbitre dont l'énergie et l'autorité sont toutes relatives. Mais les discours sont inutiles. Le jeu reviendra sur une remise en touche... avec le ballon qu'Oliver a gardé sous le bras durant toute la discussion.

Le match reprend donc sur une très belle action d'Eschman, Oliver, Farmanian et Tillon, qui se termine par un tir au but de ce dernier.

Puis Barrou se remet à l'ouvrage et en compagnie de Milazzo, Nuremberg, Muro, bien appuyé par Alba, compose quelques savantes figures de football offensif.

On notera tout de même entre-temps un très beau centre de Touré, qu'Oliver reprend sans accroc. Mais une forêt de jambes se trouvent sur la trajectoire. Puis, le même Oliver convertit un tir sur une ouverture précise de Farmanian.

La faute essentielle des Marseillais est de ne pas se porter assez rapidement sur la balle.

À quelques minutes de la mi-temps, Foix se lance dans plusieurs attaques, suivi par tous les avants niçois. Il y a une sorte d'euphorie dans le comportement de ces remuants Aiglons. Donc Foix attaque pour la troisième fois en une minute. Il déborde Alauzun, centre d'un petit coup de patte. Toute la défense marseillaise et là, mais il y a aussi toute l'attaque azuréenne. Et c'est Alba qui reçoit le ballon, face au but. Un tir net, sans éclat, mais "pensé", ce c'est le troisième but (41e minute).

Oliver réussira bien, peu après, un spectaculaire heading que Lamia cueille du bout des doigts. Mais aussi, Foix - encore - décochera en guise de réplique un boulet de canon qui siffle aux oreilles de Fischbach heureusement hors la cage.

Et tout le monde s'en retourne aux vestiaires.

Du côté marseillais, pour méditer les cruelles ambitions niçoises et pour penser Eschman que le rude Gonzales a quelque peu éprouvé sans courtoisie.

Du côté niçois, on va mettre au point la tactique nouvelle qui assommera définitivement l'ex-adversaire heureux au maillot blanc.

Plus d'espoir

Dès les premières mesures de la seconde mi-temps, on note un tir de Tillon, consécutive à une ouverture de Leonetti sur Farmanian. Puis c'est Barrou qui jongle avec la balle, Molla et Fischbach, avant que ce dernier n'arrache in extremis l'objet de ses désirs. Muro, à son tour, vient inquiéter le goal marseillais, puis deux attaques de l'O.M. se perdent dans la précision.

Eschman, qui a repris le jeu, un genou pensé, et avec sa bonne volonté, figure davantage qu'il ne joue. Il donne néanmoins une balle sur un changement d'aile à Farmanian qui shoote remarquablement. Les Marseillais et les autres croient au but. Non, car Gonzales, d'une manière acrobatique et désespérée, arracha la balle au filet. Sur la contre-attaque, Fischbach est encore à l'ouvrage devant Milazzo et Barrou.

À vrai dire, l'espoir a quitté les rangs marseillais, ceux de la tribune, s'entend. Le désespoir guette maintenant ceux qui ont rengainé les oriflammes, les drapeaux et tout autre objet identification.

Nuremberg attaque. Le stade est debout. Alauzun attend son homme, mais il manque son intervention et le fauche comme un épi de blé mûr. Penalty. Sans rémission, Nuremberg, lui-même donne l'occasion au préposé du tableau d'affichage de sortir le chiffre quatre.

Catastrophe ? Pas encore, car Oliver lance Touré au centre du terrain, et par-dessus la défense adverse. Un bolide du noir olympien et le score est ramené à 4 buts à 1.

Ce qu'il y a d'admirable, malgré tout, c'est la combativité dont les Marseillais font toujours preuve. Pendant un quart d'heure, ils vont menacer Lamia et échouer dans leurs tentatives, uniquement parce que la réussite les a abandonnés. Elle ne les avait d'ailleurs jamais habités. L'O.M. pouvait marquer. En fait deux tirs s'écrasent dehors de la cage, la barre supplée Lamia alors qu'il était battu par Tillon, et tout à l'avenant.

Par contre, les Niçois retrouvant toute leur verve après cette réaction marseillaise, seront payés de retour. C'est Foix d'abord, qui hérite, seul sur la droite, une balle malencontreusement repoussée par Fischbach (5me but, 75me minute).

Et c'est Nuremberg, lancé par Muro dans le trou, qui vient porter le coup de grâce à Fischbach (6me but à la 87me minute).

Dans ce dernier quart d'heure, les Niçois déchaînés submergent le onze olympien. Fischbach ne sait plus où donner du poing et du pied. Il se bat avec les siens un peu comme ceux dont on nous a parlé dans les livres d'histoire à propos de Waterloo.

Et c'est fini.

Disons, si voule le voulez bien, que la correction est trop sévère. Ce score est beaucoup trop éloquent pour l'un, pas assez pour l'autre. Mais allez donc expliquer aux sceptiques l'injustice de cette aventure. Si toutefois on peut parler d'injustice.

De fait, six buts à un, ça ne s'explique pas. Ca s'enregistre. Un point c'est tout.

Tillon n'a-t-il pas raison quand il dit : "Ne nous perdons pas en discussion. Ce sont les premiers, nous sommes les derniers. Ils sont plus forts que nous. C'est tout."

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L'O.G.C. Nice : une équipe sans fissure

L'O.M. a oublié les conseils d'extrême

Prudence de l'entraîneur Louis Maurer

(D'un de non envoyés spéciaux : André HATCHONDO)

NICE (par téléphone) - Un seul être vous manque et tout est dépeuplé... Nous sommes tentés d'en arriver à cette conclusion inattendue dans le domaine sportif, à laquelle Lamartine n'avait sans aucun doute, nullement songé, pour résumer impression pénible que nous a laissé l'O.M. à Nice, privé d'une seule pièce maîtresse : Gransart.

Car - une fois n'est pas coutume - c'est la défense qui craqua, étant entendu définitivement que le pouvoir des attaquants ne dépasse une honnête moyenne dans le domaine offensif.

Deux buts des niçois en sept minutes, aussi clair que l'eau de roche !... Les jeux étaient, semble-t-il, déjà fait, malgré l'incident que l'on vous a narré dans ces mêmes colonnes, qui priva l'O.M. d'un penalty flagrant (27me minute).

Ce point eut-il changé la face des événements ? Sincèrement nous pensons que la supériorité des niçois se serait affirmer de la même façon.

Il y avait d'un côté un bloc sans fissures, mobile et prudent à la fois, faisant feu des quatre fers et ce à coup sûr ; de l'autre côté une équipe désemparée balbutiante, que ce fut près de ses buts ou des buts adverses.

Nous savions que Louis Maurer avait distribué des consignes très strictes : trois avants en pointe, avec liberté de manoeuvre absolue (Tillon, Touré, Farmanian), intérieurs très en retrait, Célestin Oliver devant aider Jean-Jacques Marcel dans sa tâche de garde du corps de la "locomotive noire" Barrou.

Fut-ce le fait d'être cueillis à froid qui affola les Olympiens ?

Pas plus les inters que les demi-ailes ne respectèrent les consignes de l'entraîneur. Qu'advint-il ? Cinq attaquants niçois et quelquefois six, ne trouvèrent devant eux que trois défenseurs marseillais pour leur damer le pion. Nous fûmes le témoin d'une sévère correction infligée par le pot de faire au pot de terre.

Nous le répétons, l'absence de Gransart a pesé lourd dans la balance.

Molla ne sut ou donner de la tête face au "feu follet" Nuremberg. L'ailier de l'O.G.C. Nice craint particulièrement l'arrière titulaire. Il dut pousser un soupir de soulagement en apprenant son forfait.

Si nous examinons de près le comportement des Olympiens, peu d'entr'eux échappent à la critique puisqu'on les compte sur les cinq doigts d'une main :

Tillon, combatif mais subjugué par l'intraitable Gonzales ; Farmanian pendant 40 minutes de la première mi-temps ; Touré, en seconde mi-temps.

Marcel évolua, semble-t-il sans moral, bien qu'il sauva quelques situations extrêmement dangereuses pour son camp. Alauzun eut toutes les peines du monde à contenir les assauts de Foix et preuve qu'il fut parfois dépassé par les événements, il faucha Nuremberg qui l'avait pris de vitesse et cela coûta un penalty précieux. Eschman, avant d'être blessé au genou gauche, n'avait pas eu beaucoup de réussite, pas plus que Célestin Oliver, dont les inspirations ne sont pas toujours heureuses.

Guix était visiblement en compagnie trop relevée pour lui. Il manqua d'assurance. Les supporters tremblèrent (47me minute), lorsque le Catalan, après une hésitation passa la balle à Fischbach. Celui-ci ne s'attendait pas à la recevoir, d'autant moins qu'Alba était merveilleusement placé pour aggraver le score. Jean-Jacques Marcel rattrapa fort heureusement cette bévue

Leonetti fit de très bonnes choses. Hélas hier, le coach attendait de lui un travail exclusivement défensif, il se hasarda avec plus ou moins de bonheur à pousser quelques pointes par la défense de Nice, véritable bastion inexpugnable.

Et Fischbach ? Nous ne l'avons jamais vu autant aussi hésitant qu'hier. Le doux Camille a-t-il perdu cette foi et cette volonté qui l'animaient au point de désigné comme un "casse-cou" talentueux ?

Il n'y avait qu'un petit pas à franchir pour que, assagi, il prit place parmi les meilleurs goals de France. Nous sommes navrés de constater qu'il s'éloigne un peu plus chaque dimanche de la liste magique les gardiens de buts spectaculaires efficaces à la fois dans laquelle Lamia est rentré par la grande porte.

Il est vrai que le Niçois n'a pas à s'inquiéter outre mesure. Ses petites erreurs sont, le cas échéant vite rattrapées par Gonzales, Milazzo et Cornu.

Chorda et Ferry - bien qu'ils commit une faute sur le but réussi par Touré - sont deux arrières très sûrs. Barrou, Muro, Foix et Nuremberg ne sont plus des inconnus.

Retenez le nom d'Alba. Voilà de la bonne graine de champion ?

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Le Père Noël n'est

pas venu à Nice

Les Olympiens n'ont pas poussé l'optimiste jusqu'à prévoir deux points gagnés à Nice. Ce qu'il espérait c'était limiter la casse et, avec beaucoup de chance rapporter de nouveaux motifs d'espoir.

Leur tableau de marche qui tend, on le sait, à sauver leur place en Division Nationale, ne souffrira donc pas de cette déroute Niçoise si, toutefois, cet échec ne peut plus net n'a pas alterné leur moral.

Néanmoins, sans en parler, les footballeurs de Louis Maurer étaient bien décidés à réussir une performance : un match nul, par exemple. Mais ils n'avaient rien laissé transpirer. Ils espéraient.

Ce que déclara Jean Molla dans les vestiaires après le match et alors même que ses coéquipiers s'écroulaient sur les banquettes, se demandaient encore ce qui leur arrivait, est à ce propos significatif, Molla laissa simplement tomber :

"Le Père Noël n'est pas venu à Nice".

On ne saurait mieux traduire la pensée de tous.

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Intraitable sur le terrain Gonzalès a été très sévère en jugeant les Olympiens

Nice - C'est une réaction très humaine : les vainqueurs exultent. Les vaincus font grise mine.

On aurait pu entendre et voir voler les mouches vestiaires marseillais, sans le bruit des douches et la vapeur dégagée par l'eau chaude.

Louis Maurer chuchota à l'intention de Jean-Jacques Marcel : "Il fallait que les demis se replient très vite".

Ce à quoi l'international rétorqua, sans élever la voix :

"Il y a une chose certaine : nous avons nous sommes trouvés à trois contre six dix fois..."

Tillon nous glissa dans le creux de l'oreille cet aveu : "Ils sont plus forts que nous !"

Célestin Oliver troubla le silence en pénétrant dans la salle avec quelques minutes de retard. Il venait de poser une réclamation en bonne et due forme, concernant le penalty signalé par l'arbitre de touche après une main de Milazzo.

"Je crois que ça ne changera hélas rien", concluait-il.

Les Niçois parlaient de sabler le champagne pour fêter ce nouveau succès.

Intraitable sur le terrain, Gonzales fut d'une sévérité évidente, mais non pas excessive pour juger l'O.M. :

"Nous sommes en tête du classement. Nous évitons de jouer à l'emporte-pièce. Nous refusons de dégarnir notre défense et nous ne sommes pas sûrs que la présence des demis dans l'attaque ne nous rapportera pas un but.

"Que l'O.M. joue mal ! Bêtement, même ! J'ai eu l'impression que tous les joueurs veulent marquer chacun leur but ! Et puis cet excès de précipitation quand ils attaquent !... Croient-ils que l'on force la porte comme cela ! Non. Il faut que le but soit le résultat d'une action construite intelligemment.

"C'est navrant. Parce que tout de même une ville comme Marseille, un stade comme celui du boulevard Michelet, des supporters comme ceux que nous avons vus aujourd'hui, méritent beaucoup mieux que tout cela."

 

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