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Résumé Le Provencal

du 09 décembre 1957

 

MATCH DE MAUVAISE QUALITE AU STADE DE LA PRAIRIE OU LES DEFENSES ONT PRIS LE PAS SUR LES ATTAQUES

L'O.M. ENCORE BATTU, ALES GAGNE 1 à 0

Le but a été marqué après 60 minutes de jeu

par... LEONETTI

(De notre correspondant alésien : Maurice LAURENT)

ALES - Les Alésiens sont tout de suite dangereux par Tokpa, qui perce d'entrée et file droit au but.

Mais Ramon, qui surgit en trombe, détourne in extremis la balle en corner. C'est le premier de la première minute, d'une longue série. Il ne donne d'ailleurs aucun résultat.

La réplique ne se fait pas attendre et Marcel dans une contre-attaque fulgurante, va loin. Il faut que Ben Fadah crochète irrégulièrement l'international marseillais pour arrêter la brillante action de celui-ci.

Sur le coup franc qui s'ensuit, Scotti donne à Marcel, dont le tir passe à côté.

À la 4me minute, Sergent obtient intelligemment un second corner, servi par Nagy... derrière la ligne.

La pression alésienne se manifeste de plus en plus nettement au fil des minutes, et il ne faut pas moins de toute autorité de la défense visiteuse, dans laquelle Gransart et Molla brillent d'un vif éclat, pour parer au danger.

Dixième minute :

MESAS hors de combat

A la 10me minute, Mesas touché au pied, doit se faire soigner sur la touche, puis s'exile à l'aile gauche ou il ne sera plus d'une grande utilité pour l'O.M.

C'est là, incontestablement, un lourd handicap pour les visiteurs.

Alès domine que davantage, et à la réception d'une balle servie par Sergent, Tokpa et Zapata se gênent considérablement. Belle occasion de perdue.

C'est à la 12me minute, que Mallet intervient pour la première fois, sur tir de Curyl, dans le shoot n'est d'ailleurs pas tellement appuyé.

Tout de suite, après Zapata s'échappe. Son centre est repris de l'extérieur du pied par Tokpa.

La balle va au-dessus.

Une reprise de volée de Ben Fadah est ensuite parée avec décision par Predal.

À la 20me minute, Mesas réussit à percer. Mais Pelazzo surgissant avec autorité met la balle en corner. Aucun résultat.

Pour l'instant, l'O.M. attaque avec décision, et la défense locale s'affole quelque peu.

Jensen obtient un second corner, sur lequel Mallet intervient brillamment.

Mais ce n'était qu'un feu de paille, et Alès reprend avec autorité la direction de la partie.

Sur un shoot magistral de Nagy, Marcel supplée son goal battu et dégage in-extremis la balle qui allait franchir la ligne de but.

Nous assistons alors à plusieurs brillantes actions de Nagy qu'on n'avait pas eu l'occasion de voir à l'oeuvre jusqu'à là.

Un tir du Hongrois est paré par Predal, lequel intervient encore brillamment sur un nouveau centre shoot de ce même joueur. Le repos survient peu après sur le score nul : 0-0.

Deuxième mi-temps

Les équipes rentrent sur le terrain, pendant que quelques gouttes de pluie tombent du ciel gris. L'O.M. joue un instant à 10, Mesas tardant à rentrer.

Les locaux reprennent d'emblée leur domination et obtiennent coup sur coup quatre corners. Aucun ne se révèle bien dangereux pour l'O.M. Il est vrai que l'O.M. opère à présent avec beaucoup d'autorité.

La facture du jeu est assez indigeste. Les avants alésiens s'enferrant à tout coup dans les filets défensifs toujours tiré à bon escient.

DELSET aidé par LEONETTI

marque pour ALES

Encore deux corners pour Alès ! Sur le dernier, que Nagy sert avec précision, Delset bien placé shoote au milieu d'une forêt de jambes. Leonetti ne peut que détourner la balle hors de portée de Predal qui n'en pouvait mais...

C'est la consternation dans le camp marseillais. On exulte dans l'autre... Il y a 60 minutes de jeu. Alès : 1 -Marseille : 0.

Un moment encore, Alès continue sur sa lancée et un shoot de Nagy et brillamment paré par Predal. L'arbitre donne un avertissement à Leonetti et Zapata pour jeu irrégulier. Dès lors, Marseille fait feu de tout bois et jusqu'à la fin domine nettement une équipe alésienne dont l'organisation sur le terrain n'est pas des plus heureuses.

Mais la défense locale se montra alors à la hauteur des circonstances et Rebello ou Campo sont toujours là pour éloigner le danger.

Deux corners sont encore accordés aux Alésiens, tandis que Curyl, blessé, doit quitter le terrain. Décidément c'en est trop pour Marseille, qui accuse le coup et accepte dès lors sa défaite.

Et c'est ainsi qu'après une partie qui fut loin de tenir ses promesses, Alès gagne de justesse mais ne s'en évade par moins de la zone dangereuse. Ce qui, pour l'instant comble tous ses voeux.

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L'O.M. N'A TOUJOURS PAS RETROUVE

LE CHEMIN DES FILETS

(D'un de nos envoyés spéciaux : Jean PEYRACHE)

ALES (par téléphone) - L'O.M. a donc perdu chez son homonyme alésien par le minimum d'un but.

Un petit but, un tout petit but, l'oeuvre de Leonetti contre son propre camp, a suffi pour que le "onze" cévenol empoche deux points qui lui seront très certainement précieux lorsque sonnera l'heure du règlement final.

Une nouvelle fois, l'attaque marseillaise n'a pas su faire pencher en sa faveur le résultat d'un match que très longtemps, la défense s'efforça de sauvegarder.

Jean-Jacques Marcel et ses camarades de l'arrière tinrent le coup pendant 60 minutes. Un tour complet d'horloge. Et l'on peut même qualifier le but alésien d'assez heureux en ce sens que, sur le 5me corner consenti par les hommes au maillot blanc dans ce quart d'heure après la reprise, la balle courut un pied marseillais à un pied alésien et inversement, si bien que l'on attribua, sur la minute, le tir victorieux à Delset alors que Leonetti avait bien involontairement battus Predal.

Alès à méritée de vaincre

L'O.M. faillit donc arracher le match nul et il faut bien reconnaître que ce partage des points aurait désavantagé l'équipe du calme président Sadoul.

Elle n'a pas emballé, cette équipe, mais elle eut l'avantage sur sa rivale de rechercher des occasions de buts avec obstination.

Les essais de Tokpa et de Nagy entre autres auraient pu aboutir sans la complicité de l'inter-droit marseillais si, de Predal à Marcel en passant par Gransart, Ramon, Molla et Scotti les défenseurs de Jean Robin n'avaient fait flèche de tout bois avec succès pendant cette heure d'horloge au cours de laquelle ils eurent un certain mérite à conserver leurs filets inviolés.

L'Olympique Alésien domina dans l'ensemble hormis Zapata qui manqua, à l'aile gauche de précision et d'esprit de décision, on peut avancer que les quatre autres avants tirèrent leur épingle du jeu.

Nous conservons l'impression très nette qu'avec les seuls Tokpa et Nagy incorporés à l'aile droite et au centre de l'attaque marseillaise le "onze" entraîné par Jean Robin aurait pu largement regagner ses pénates avec une victoire qui eut été précieuse...

Mais cela, évidemment, demeure toujours dans le domaine de suppositions.

Mesas blessé :

une circonstance atténuante

mais...

L'O.M. eut la malchance de perdre mesas dès la 10me minute de jeu. En effet, en disputant la balle à un Alésien qui ne put d'ailleurs identifier, le bouillant demi-aile eut son pied gauche, écrasé sous celui de son adversaire. C'est en faisant un violent effort pour se dégager qu'il provoqua en quelque sorte lui-même la fracture du métatarsien. Dès lors, il ne fut plus qu'un figurant, exilé le plus souvent à l'aile gauche. À la reprise il ne rentra même que quelques minutes après ses coéquipiers et ne parvint à se rendre utile que... sur les entrées en touche.

Il serait, certes injuste de nier que la mise hors de combat de Mesas désavantagea l'O.M. Mais de là à porter au compte de ce seul et unique accident de la défaite marseillaise, il y a tout de même un pas que nous ne franchirons pas.

Curyl le seul danger permanent

Dès le coup d'envoi qu'on ne fut nullement étonné de voir Roger Scotti opérer en retrait.

La blessure de Mesas normalisa en quelque sorte le rôle du plus ancien des joueurs au maillot blanc en ce sens que, de faux demi-centre d'attaque, il devint véritable demi-aile parce que obligation lui fut faite de tenir la place laissée vacante par le titulaire initial.

Mais, pendant ces dix minutes en assista au spectacle d'un Curyl seul danger permanent pour Mallet.

L'ailier gauche devait d'ailleurs assurer cette permanence 85 minutes durant, c'est-à-dire jusqu'à sa blessure provoquée par un coup à l'aine qui l'obligea à regagner le vestiaire soutenu par Manu Giraud avant ses coéquipiers.

Hormis Curyl les autres attaquants parurent considérer le shoot comme très facultatif et d'ailleurs ils ne se trouvèrent que très rarement en position de shoot. La seule fois où Mallet fut en danger, sans tenir compte bien entendu des coups francs de Roger Scotti, se situe à la 64me minute lorsque après de nombreux atermoiements, ses défenseurs lui adressèrent une passe en retrait. Il renvoya cette balle sur Leonetti qui, avant que le goal eut regagné sa cage, tenta sa chance et échoua de justesse au-dessus de la transversale.

Succès maigre

Une fois encore, donc, il s'est vérifié, grâce au concours de l'O.M., la justesse d'un point de vue vieux comme la stratégie elle-même, c'est-à-dire bien plus vieux que le jeu du ballon rond : il est plus facile de défendre que d'attaquer.

On craignait pour Predal que la succession de Domingo ne se révèle trop lourde. Après un flottement léger de 5', le portier prit la mesure de Tokpa et de ses coéquipiers et accomplit de remarquables prouesses.

On redoutait pour Molla et Ramon la comparaison avec ce même Tokpa et avec Nagy, les meilleures avancées cévenols. Les deux marseillais apaisèrent rapidement les craintes de leurs dirigeants et de leurs supporters.

Si l'on ajoute que Gransart opéra avec autorité et que Marcel confirma qu'il est véritablement un demi-aile, on aura l'explication de la marque maigre victoire alésienne.

Mais à quoi cela peut-il servir que l'O.M. perde ses matches de justesse ?

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LE MATCH DU FOOTBALL NEGATIF

(D'un de nos envoyés spéciaux : Lucien D'APO)

ALES (par téléphone) - Il y eut quelque chose d'irritant tout au long de ce match entre les deux Olympiques. Une sorte d'attente vaine, d'espoir déçu, de complicité dans le mauvais jeu, pour faire en définitive de ces 90 minutes la synthèse la plus négative des footballs.

Nous savions à quoi nous en tenir en ce qui concerne le onze marseillais, lui, qui est toujours à la recherche d'une forme de jeu, d'un équilibre moral et physique brisé il y a quelques mois sur les soubresauts internes du club. Mais nous pensions trouver dans l'ensemble alésien, a priori fort sympathique et spectaculaire nerveux, ou du moins connu comme tel, d'autres bases que celle sur lesquelles repose sa conception du jeu.

Nous voulons bien épouser, dans une certaine mesure, l'opinion finale du président Jean Sadoul sur ce match, Qui nous laissa, en quelque sorte, l'eau à la bouche.

Le leader du football alésien estime, pour sa part, avoir suivi une rencontre de très mauvaise qualité et il explique le comportement de son équipe par la non combativité du team marseillais.

"L'O.M. a refusé le combat, dit-il. Dans ces conditions, mes hommes ne pouvaient pas, ne pouvaient plus jouer raisonnablement".

Cette explication est exacte dans un sens. À savoir que l'O.M., privé de la dixième minute d'un joueur - Mesas - dut faire abandon de la tactique qu'il s'était fixée et s'était cantonné dans une position défensive à peu près constante.

Les Marseillais s'évertuèrent alors à détruire les quelques mouvements rationnellement construits par les Alésiens et à profiter des fautes pour tenter la difficile, voire impossible, contre-attaque.

L'O.M. sans avants dignes de ce nom, hormis Curyl, vainement combatif, obstrua donc le jeu. Mais à la construction propre de ses assauts dans la conduite du ballon vers les buts adverses. Ales usa d'une manière primaire et, partant, stérile. Ce football trop simpliste pour tromper l'adversaire, serait-il l'O.M. dévalué du jour, faillit coûter la victoire aux Alésiens. Ce but, sinon miraculeux, du moins heureux, que Leonetti dirigea vers sa propre cage, venu récompensait l'ardeur désordonnée des Cévenols, sauve tout de même la vérité. Car en fait, Alès, plus combatif, mieux inspiré, l'avait mérité.

Côté marseillais, en rétorquera bien sûr que les événements, à la faveur d'une situation identique dans les buts d'en face auraient pu jouer pour l'O.M. Ce ne sont là que des applications d'après match, d'où transpire plus souvent une malsaine déception.

Il nous paraît plus logique, pour servir la défense des Marseillais, de souligner le lourd handicap que constitua la blessure de Mesas dans la poursuite de cette rencontre, lourd handicap finalement en ce sens que Marcel, alors que son équipe opérait à onze joueurs, avait trouvé une position entre la défense et l'attaque dont il pouvait tirer, selon sa façon de jouer, le meilleur parti.

Nullement marqué, avec un champ devant lui, Marcel jouissait d'une liberté d'autant plus dangereuse que l'international marseillais était, hier, beaucoup plus vif et beaucoup plus talentueux que ces derniers dimanches.

Mais nous l'avons dit plus haut, l'élimination de Mesas réduisait l'équipe à dix et fit tomber cette tactique. Elle rendit l'inquiétude dans le camp marseillais.

On vous dira par ailleurs ce que firent, bien ou mal, les hommes de ce match. Pour nous, Predal, Molla ; Gransart, Marcel et Curyl furent les plus solides défenseurs, les plus vaillants en tout cas dans ce concept peuplé de fausse note.

À Alès, Jean Tokpa, un noir d'ébène, souple comme une liane et dont le sens du but, acquis on ne sait trop comment sous le soleil du Cameroun, est un véritable force. Tokpa a justifié sa jeune notoriété. Ses audaces sont nombreuses, sa témérité constitue un danger pour une défense. Dire qu'il nous a entièrement conquis ne serait pas tout à fait exact, mais il n'était pas loin. Tokpa fut l'exception de ce match. Le rayon de soleil d'une rencontre brumeuse. Pour tout dire, une rencontre abstraite, où les mauvaises choses bousculèrent les bonnes.

Le football, c'est autre chose. Mais quand l'enjeu tue le jeu, il ne faut pas trop demander.

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Me SADOUL

Un match de "cultivateurs"

ALES - Le championnat est une épreuve de longue haleine. Mais il vaut mieux tenir qu'attendre. C'est pourquoi M. Sadoul, le "premier" alésien considérait comme très précieux les points gagnés à la Prairie aux dépens de l'O.M.

Pour être un homme très "intéressé" comme tous les présidents de clubs et surtout de clubs professionnels, l'athlétique responsable des destinées cévenoles n'en est pas moins un connaisseur.

Après le match, il préfère d'abord demeurer réticent de peur d'être trop sévère. Puis il nous dit :

"Ce fut un match de cultivateurs, bien propre à décourager le public".

C'est bien la première fois que nous n'entendons une telle expression à l'issue d'une rencontre de football.

Satisfaction alésienne

A l'image de leur président, les Alésiens étaient surtout satisfaits des deux points acquis, mais ils ne tiraient aucune gloire de leur victoire.

René Dedieu, entraîneur : "Nous n'avons pas fourni un jeu spectaculaire, mais nous avons mieux que l'O.M. désespérément stérile, fait quelque chose pour gagner".

Jules Nagy : "Roger Scotti a vraiment de beaux restes. Rien que sa façon de tirer les coups francs démontre qu'il possède la science innée du grand joueur".

Ben Fadah : "Je ne suis pas grièvement blessé. Nous avons gagné, voilà pour moi deux choses essentielles".

Tokpa : "Je ne connaissais pas Ramon, mais c'est un des meilleurs arrières qui se soit retrouvés sur mon chemin. J'espère bien que ma tâche sera plus facile".

Pellazzo : "J'ai été obligé de jouer arrière droit et de marquer un adversaire blessé, ce qui est toujours délicat. Mais Mesas ne nous a pas fait offense du but surprise marqué par celui qu'on n'attend pas. Vous m'en voyez ravi".

Mailet : "J'ai vraiment eu peur lorsque Leonetti a repris mon renvoi avant que je ne regagne les filets".

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On entre dans les vestiaires sur la pointe des pieds

ALES - On entre maintenant dans les vestiaires de l'O.M. comme on entre dans une cathédrale. Les premiers pas, on les fait sur la pointe des pieds. Il faut déchirer l'atmosphère de déception et tromper les inquiétudes pour obtenir quelques opinions.

Hier, ni les uns ni les autres n'étaient pressés de quitter leur tenue de footballeur. Ils étaient comme assommés, étendus sur les banquettes, déçus, voire écoeurés.

"Cette fois, je crois que c'est fini", gémit Scotti.

Même résignation chez Gransart qui avoue :

"Ce n'est presque plus la peine d'insister. C'est incroyable, cette petite chance que le football ne veut pas nous accorder".

Marcel résume :

"Au début tout allait bien, j'étais seul et ma liberté d'action était totale. Je pensais pouvoir en profiter quand Mesas fut blessée. À dix, plus question de profiter des circonstances".

Robin se demande, lui, si cette situation est une situation définitive.

Quant à Domingo, qui vient paternellement complimenter Predal, il conclut :

"Pour gagner, il faut marquer des buts. Mais on n'en marque pas à l'O.M. et c'est précisément là que le bât blesse.

Une légère satisfaction devait néanmoins se lire sur les visages marseillais quand quelqu'un vint annoncer les résultats du tour : Béziers écrasé ; Metz battu. Des soupirs suivirent.

  

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