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Résumé Le Provencal

du 05 mars 1956

  

L'O.M. taillé en pièces par l'ardente attaque

de NANCY qui marque six buts

les Marseillais menés par 2 buts à 0 après 13 minutes

de jeu ratent un penalty "psychologique" à la 33me

(De notre envoyé spécial : LUCIEN D'APO)

PARIS (Par fil spécial) - Quand un soleil de printemps apparut dans le ciel de Paris ce ne fut qu'un cri parmi les nombreux supporters marseillais accourus dans la capitale : "Voilà la promesse de la victoire. Pour beaucoup, l'astre solaire était une arme de plus qui venait s'ajouter à l'arsenal dont l'O.M. disposait pour cette rencontre.

Mais dans le même temps, les hommes de Camille Cottin, fournissaient, eux, des armes au rendement moins problématique. Le coach nancéien avait tenu à ses hommes un discours dans le ton eut pour principal effet de secouer leur coeur et leurs muscles. Tant et si bien que lorsque ces derniers pénétrèrent sur la pelouse molle et brûlée par le sel du Parc, ils trépignaient comme des juniors un jour de finale de Coupe Gambardella.

Les Olympiens firent une entrée plus calme, plus réservé... mais aussi moins applaudi. Par contre, le nom de Andersson fut ovationné. Pour tous - vingt cinq mille spectateurs au total - ce choc de Coupe devait être équilibré, serré.

Ce pronostic devait s'estomper rapidement quand M. Miel libérant les deux équipes, on notait deux charges susceptibles des maillots rouges de Nancy. C'était du travail net. Piantoni au bord du but, se trouvait finalement hors-jeu. À cela l'O.M. répliquait d'abord par un tir (au-dessus) de Mesas puis par une attaque fort bien amenée de Scotti que Rustichelli ratait d'un cheveu. Mais soudain la défense marseillaise craquée du côté de Molla. L'ailier lorrain Baden s'infiltrait à plusieurs reprises à la manière d'une couleuvre dans le feuillage. Un premier moment d'affolement gagnait la défense marseillaise. Gransart, heureusement gardait ses deux pieds sur la pelouse et avec autorité balayait sans ménagement. Rolhion avait du reste fait changer de côté à Gransart. Le blond arrière avait pour mission de museler l'ailier Hédiart, un attaquant vif argent particulièrement redoutable.

La série commence

Les renversements de situation étaient malgré tout suffisamment nombreuses pour que l'on puisse penser - pour que l'on continue de penser plus exactement - que le match serait indécis. Nancy s'installa alors pendant cinq minutes dans le territoire marseillais. Jusqu'au premier corner. Le coup de pied de coin admirablement tirait trouva Piantoni en excellente position. Léger pivot, un tir tendu et les filets de Poncet tremblaient pour la première fois de l'après-midi.

Nancy : 1 - O.M. : 0.

Cela se passait à la dixième minute. Le temps d'échanger quelques balles au centre du terrain et Baden échappait à Molla (13me minute), course rectiligne, centre au cordeau et l'avant-centre Keller disposait de tous ses anges gardiens pour ajouter le deuxième but de volée mais avec calme et précision.

Nancy : 2 - O.M. : 0.

Les Marseillais alors étaient décontenancés, perdus, semble-t-il. Nancy continuait sur sa lancée pendant que l'O.M. relâchait dangereusement son marquage et laissait trop de liberté à un adversaire qui n'en demandait pas tant. Seul Mesas, dans ce dramatique quart d'heure, s'acharnait à défendre dans le style qu'on lui connaît. L'O.M. reprenait un peu le sens des réalités parvenant néanmoins à créer quelques occasions. Aux cafouillages succédaient les cafouillages. Pas d'ouvertures en profondeur, pas de poussées vers les buts franches et droites. Le petit jeu, incapable bien entendu de surprendre la méthodique disposition défensive de Nancy.

Il en fut ainsi durant la première demi-heure. Cependant le coeur des supporters marseillais les espoirs se réinstallaient à la 33ème minute quand l'arbitre signala le point du penalty en face des buts de Nancy. J.J. Marcel venait d'être fauché dans la surface de réparation par Bottollier. Le Marseillais avait réussi à forcer la défense lorraine et s'apprêtait à shooter. L'arbitre siffla la faute.

Scotti, calme, décontracté, posa délicatement la balle sur le point fatidique. Deux à un ? Non Scotti pour la troisième fois en vingt ans de football manquait le penalty. La balle ricochait sur la barre et sauvée Nancy (33ème minute).

Trois minutes près, un peu sévèrement quand même - les compensations sont de ce monde - M. Miel sifflait une faute identique contre Palluch. Mais Deladerriere ne laissait lui aucune chance à Poncet.

Catastrophe, débâcle. Où était donc l'O.M ? Tous les malheurs l'accablaient. Les occasions perdues, les balles qui se promènent devant les buts sans trouver d'acquéreurs, les shoots qui encadrent le rectangle, tout cela défilait comme pour bien montrer aux onze marseillais, médusés, que les Dieux du ballon rond n'étaient pas pour eux en ce dimanche de mars.

Ils allaient pourtant sauver l'honneur à la 42me minute, Scotti, après avoir traversé le terrain, tirait aux buts... sur la barre Marcel héritait du renvoi et de près battait Nagy sans rémission.

Nancy : 3 - O.M. : 1.

C'était la mi-temps.

Avec beaucoup de bonne volonté on pouvait alors penser que l'O.M. avait encore sa petite chance. Nous disons avec beaucoup de bonne volonté car, en fait, les hommes de Rolhion venaient de prendre une sérieuse leçon. Il fallait toutefois convenir que les Lorrains avaient bénéficié aussi d'une réussite toute particulière. Et c'était la deuxième mi-temps.

À la 50me minute, un cafouillage se produisait devant les buts nancéiens. Les avants marseillais, comme interdits, ne profitèrent pas de cette première occasion. Une minute après Andersson échappait au contrôle de Griffiths et plaçait un shoot très sec... mais à côté (51me minute). Une deuxième fois l'avant-centre marseillais fausse compagnie à ses gardes du corps Griffith et Bottollier. Si bien qu'il se présentait seul devant Nagy. Le stade était debout, le renversement de situation était encore possible. Mais non, Andersson voyait son shoote détourné par Nagy accouru à ses devants dans un remarquable réflexe, Nagy ne pouvait bloquer cette balle qui retournait à Palluch, mais dans un nouveau bond de côté le keeper lorrain plongeait dans les pieds de l'ailier marseillais est resté K.O. sur le terrain. Mais le danger était repoussé.

L'O.M. avait encore manqué une belle série d'occasions.

Déroute

On notait encore un tir de Constantino sur la transversale, un shoot au-dessus de Palluch pour couronner cette domination de l'O.M. durant les vingt premières minutes de la seconde mi-temps.

Le chemin des filets étaient décidément barré aux avants marseillais. Nancy, dans ses fulgurantes contre-attaques préparait la retentissante défaite de l'O.M.

Le quatrième but allait se préparer sur la droite dans les pieds de Hédiart qui laissait tout son monde sur place pour aller centrer depuis le coin du corner. Keller, à la réception, déviait d'un petit coup de pied la balle que Poncet attendait du côté opposé. Quatrième but (64me minute).

Nancy : 4 - O.M. : 1.

Certes, Nagy sauvait encore sur un shoot de Palluch, mais on sentait très bien que l'O.M., accablé, acceptait son sort. Griffiths, arrachant une balle à Andersson, lançait Deladerriere, ce dernier feintait Andersson et, seul en face de Poncet, expédiait avec violence la balle dans les filets.

Nancy : 5 - O.M. : 1.

Un de plus, un de moins ? Baden, l'ailier nancéen préférait probablement la première solution quand il attaqua droit pour donner ensuite en retrait à Piantoni. L'inter international prépara alors le shoot-canon qu'il affectionne. De 25 mètres, la balle partie telle une fusée. Poncet se détendit en vain.

Nancy : 6 - O.M. : 1.

C'était fini. L'O.M. ne pouvait plus rien. Nancy, par contre, en pleine euphorie, s'acharnait sur son vaincu. La séquence finale fut un feu d'artifice pour les Lorrains et presque un chemin de croix pour les Marseillais.

La légende du Parc des Princes est morte.

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La leçon de football dans un parc

PARIS (Par fil spécial) - L'O.M. a fait de mauvaises affaires, hier à Paris. Outre les quelques millions que les dirigeants marseillais vont voir défiler sous leur nez sans en saisir la moindre parcelle, leur équipe a probablement perdu une énorme partie du prestige dont elle jouissait dans la capitale.

Mais ce qu'il y a de plus grave c'est qu'en fait, le match à apporter la preuve que l'ensemble olympien dans sa composition présente, n'était pas de taille à jouer le rôle que l'on était en droit d'attendre. Cela nous le savions déjà, nous le ne pensions pas néanmoins que la différence serait aussi sensible entre les deux formations.

Certes le onze marseillais n'est pas tout au long de cette rencontre la réussite qui marqua le team nancéien. Nous dirons même que la malchance eut quelquefois à son adresse des airs insolents. Mais il convient cependant de souligner la supériorité technique et tactique de Nagy. La condition physique irréprochable de ses composants et cet état d'âme qui n'appartient qu'aux équipes qui désirent ardemment la victoire, pour expliquer, en gros, le succès lorrain.

Sur le plan tactique en pourra dire des vainqueurs que leur football plus aéré, plus précis et surtout plus rapide laissa toujours les Marseillais en déséquilibre. Nancy procéda surtout en contre-attaque et Dieu sait si ces contre-attaques fort bien étayées, offrirent aux Marseillais l'occasion de s'affoler. Aux ouvertures en profondeur captées d'un seul coup de pied, aux déviations de la balle, aux tirs immédiats dans toutes les positions, l'O.M. ne répliqua que par des interventions individuelles ou un jeu collectif, trop lent, trop heurté pour constituer un obstacle vraiment sérieux.

Et pourtant les occasions de marquer furent plus nombreuses du côté marseillais. Nagy somme toute, eut beaucoup plus de travaux que Poncet. Il est vrai que le premier n'eut pas à intervenir sur des tirs de la qualité de ceux que les Nancéiens décrochèrent si généreusement au portier marseillais.

Le moment psychologique de la rencontre se situa à la 33me minute quand Roger Scotti manqua le penalty on peut penser que ce penalty a définitivement cassé le ressort des marseillais.

On peut penser que les trois tirs qui échouèrent sur la transversale des buts du F.C de Nancy et ce que Nagy détourna avec l'aide du ciel, auraient pu changer la phase des choses. Oui tout cela on peut le penser, mais à la condition... d'être marseillais.

La vérité est plus cruelle. L'O.M. a été dominé hier dans la majorité des compartiments que le football moderne offre à la discussion. Les raisons sont celles que nous promettons de développer durant la semaine et dont nous avons donné un aperçu au début de cet article. Il faudrait surtout y ajouter le manque évident de conditions physiques dont firent preuves les onze joueurs marseillais.

Seuls Gransart, Mesas

Scotti et Andersson.

Gransart a été le seul olympien à tirer son épingle du jeu avec un certain brio. On peut aussi délivrer une bonne mention à Mesas qui en la circonstance fut le seul ou à peu près à ne peut rien laisser au Nancéien. Scotti essaya dans cette jungle de construire un football positif. Tout comme Andersson d'ailleurs qui ne put se tenir trop en pointe à cause d'un sévère marquage et de la position de Marcel donc on ne dira jamais assez qu'il n'est pas un inter, en ce sens qu'il que ses connaissances au poste de demi sont de beaucoup plus productives.

Andersson joua au football. Il s'évertua à servir ses coéquipiers, à chercher le trou mais la défense de Nancy était trop prompte et la position des attaquants marseillais trop désordonnée.

Les autres sont à ranger au chapitre des déceptions avec plus ou moins de délicatesse.

Quant à Nancy le moins que nous puissions dire c'est que nombre de Marseillais souhaiterait que la manière soit celle de l'O.M.

Quel solide football. Quel énergie dans l'action. Quel répertoire dans le mouvement. Piantoni, Deladerriere Hédiart restent des pièces maîtresses. Celles avec lesquelles on fait des grandes équipes et avec lesquelles on gagne la Coupe de France.

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Palluch :" Le penalty nancéien

nous a coupé les jambes

Dans le camp des Marseillais, on ne cherchait pas à minimiser l'ampleur de la défaite.

L'entraîneur Roger Rolhion constatait : "Nous avons été battus dans la dispute de la balle et puis surtout ils étaient plus rapides que nous".

M. Maria affirmait : "Le penalty raté par Scotti fut indiscutablement un tournant du match. S'il avait été réussi la partie aurait pu en être modifié".

J.J. Marcel déclarait : "Nous ne méritions pas d'enregistrer un aussi lourd échec".

Roger Scotti hochait la tête en répétant : "Quelle leçon. Quel score. Ces diables de Nancéien nous ont fait voir de toutes les couleurs".

Enfin Poncet répétait : "Ils étaient très dangereux par leurs contre-attaques et nous nous sommes trop découverts".

Rustichelli s'exclamait avec une certaine rancoeur : "Il faut peut-être mieux avoir perdu aussi nettement. S'il n'y avait eu qu'un but d'écart, on aurait discuté à perte de vue".

Johansson constatait : "Comment voulez-vous l'emporter quand une formation trop nerveuse, joue crispée, tendue".

Molla reconnaissait : "Ils sont tous redoutables ses avants nancéiens, même ce Baden".

Enfin Gunnar Andersson se montrait disciple de La Palisse : "Dans tous les sports il faut un gagnant et un perdant".

Piantoni et Deladerriere ont remarquablement joué, mais je pense que Nagy est trop spectateur. Quant au jeune avant-centre Keller, il n'est pas dénué de qualité.

Palluch de son côté déclarait : "Le penalty trop sévère sifflait par l'arbitre nous a littéralement coupé les jambes. Un seul but de retard n'était pas un handicap insurmontable, mais deux c 'était trop".

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PIANTONI :

"Il aurait fallu

que Baden et Hediart

marquent aussi

PARIS - Chez les Lorrains pas d'explosion d'enthousiasme. Simplement une joie sereine lucide. L'entraîneur Camille Cottin analysa la rencontre très brièvement et clairement :

"Notre plus grande rapidité d'action a déconcerté une formation que j'ai trouvée lourde et lente à se mouvoir".

Roger Piantoni, heureux d'avoir signé deux buts murmurait : "Dommage que Hédiart et Baden n'aient pas scoré. Mais il ne faut pas trop être gourmand".

Deladerriere faisait remarquer : "Ce fut beaucoup plus facile qu'à Marseille, en championnat".

Griffiths soulignait : "on ne doit pas quitter Andersson d'une semelle, mais il n'a plus son démarrage d'antan".

Enfin Nagy précisait la phase du penalty : "La balle de Scotti a frappé le montant droit des poteaux. Je vous assure que j'ai eu chaud".

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Les supporters

Ne "supportent plus"...

Ils étaient un millier qui "y croyaient". Leur désappointement fut d'autant plus pénible que le score était lourd. Et seule une dizaine des supporters attendait la sortie des joueurs. Exaltant leur rancoeur, parmi les réflexions, les reproches les plus pertinents, nous avons cueillis...

Les responsables ne sont pas tellement à désigner parmi les joueurs qui opèrent aux postes où on les désigne. Par contre comment les dirigeants n'ont pas senti l'hérésie de laisser Marcel inter. Demi-aile, il défend contre-attaque, attire des adversaires, jette la panique. Inter il garde la balle s'avance trop. Les joueurs de l'équipe adverse se replient, mais ses partenaires ne savent plus où aller pour se démarquer..."

Un autre ajoute :

"Constantino est un joueur de classe. Nous ne le nions pas. Mais cette classe n'est pas soutenue par une condition physique suffisante. Il est trop lent. Le shoot meurtrier qu'il possédait à Nîmes s'est envolé. À preuve les deux tirs qu'il a mis très au-dessus de la barre, dans les nuages, alors que Nagy était battu..."

Dans l'ensemble les passionnés de l'O.M. portent un jugement sain sur la rencontre. Tous évidemment souligne le manque de chance : penalty de Scotti, le ballon arrêté par le visage de Nagy.

Mais tous également admettre que l'O.M. a manqué de volonté, de flamme, a "baissé trop vite les bras".

À notre opinion - avouons-le - était aussi celle du public parisien.

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