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Résumé Le Provencal

du 14 octobre 1955

  

L'O.M. A IMPOSE SA LOI A L'O.G.C. NICE (2 - 1)

au terme d'un match remarquablement

conduit par les vainqueurs

(De notre envoyé spécial : Lucien D'APO)

NICE (par téléphone) - L'O.M. a réussi, hier, à Nice, sa toute meilleure performance de la présente saison. Et cet exploit de vaincre le leader actuel, éternel rival niçois, sur son propre ground, a eu autant plus de saveur pour les supporters olympiens accourus en foule, qu'il fut construit avec un brio, une habileté et une audace auquel le team olympien ne nous avait plus habitués.

Nous étions donc, hier, au stade du Ray, sur le coup de 15 heures, sous ceux d'un soleil d'été attardé, persuadés, ou à peu près d'un nouveau succès niçois.

On nous avait dit les Azuréens irrésistibles. On nous avait promis une couvée "d'aiglons" aux serres plus acérées que jamais.

Par ailleurs, la composition de l'équipe marseillaise avait, depuis la veille, ouvert la porte aux commentaires.

Mais il y a, en football comme ailleurs, des choses que l'on n'explique pas, ou que l'on explique trop bien.

Ainsi ce match que l'O.M., non pas méconnaissable mais nettement en progrès, a mené avec une prodigieuse fermeté.

Tactique

Pour jouer à Nice, l'O.M. avait fait fi de toute orthodoxie. C'est ainsi que Mesas, annoncé ailier jouait en fait quatrième demi avec pour consigne de surveiller Bravo, le centre avant adverse.

Johansson était donc libéré et adroitement disposé pour bétonner.

Scotti jouait un rôle de winger oscillant entre le demi et l'ailier, et cela en toute liberté.

Andersson se retrouvait dans une fausse position d'ailier.

De leur côté, les Niçois avaient installé leur intérieur Milazzo en pointe et Bravo, comme dit plus haut, pratiquait très en retrait. Si bien qu'il n'y avait pas d'avant centre dans les deux équipes en position franche.

Cette disposition des joueurs au blanc maillot eut pour premier effet de dérouter dans le premier quart d'heure le onze niçois.

C'est pendant ce temps que précisément, Marcel et Scotti s'attachèrent à harceler leurs adversaires pour parvenir finalement à leur imposer leur jeu.

Marcel lance l'offensive.

Durant les dix premières minutes qui avaient suivi la présentation - copieusement sifflée - les Marseillais, Marcel et Scotti poussèrent leurs avants, comme pour les fixer à une place qu'ils voulaient définitive.

Deux interventions, deux montées offensives de Marcel (10me et 17me) suivi de trois actions dangereuses dessinées par Rustichelli, Andersson, Scotti et Constantino allaient marquer ce premier quart d'heure qui s'acheva sur un tir fulgurant d'Andersson, né d'un coup de pied au centre de Rustichelli et qui vint s'écraser contre la balustrade.

Les premières cloches et crécelles des supporters de l'O.M. tintaient dans les tribunes.

Les Marseillais neutralisaient leurs rivaux et construisaient plus efficacement par des passes bien ajustées, courtes et qui arrivaient toujours à leur destination.

Dès lors, le style défensif des "Aiglons" était disloqué.

Tandis que Mesas bouclaient Bravo, tandis que Rustichelli commençait à faire voir ses talents à Bonvin, Constantino, Scotti et Marcel alimentaient leurs artificiers.

Derrière Ujlaki cherchait toujours le moyen de tromper la vigilance de Palluch.

Par ailleurs, Johansson déblayait un implacablement.

Constantino marque

Nous en étions à la 16me minute quand Scotti perça profondément au centre. Il transmettait à Marcel, accouru à ses côtés. Ce dernier crochetait Gonzales, puis Poitevin. Mais avant d'être bousculé, il donnait en retrait. Calmement Constantino, seul à quinze mètres des buts bloquait cette balle dorée et, placidement, il ajustait un splendide tir que le keeper niçois n'eut que la ressource d'aller chercher au fond des filets.

Le ballon était passé par ce fatidique coin droit sans risque d'interception.

L'O.M. menait donc par un but à zéro.

La réplique vint quatre minutes après. Sur un coup de pied par-dessus la défense le noir Abderrazak, aussi vif que la poudre pouvait contrôler la balle et s'enfuir vers les buts. Indiscutablement, le Niçois avançait était en position de hors-jeu il eut suffi à Palluch et à tous les camarades de la défense agglutinée autour de leur adversaire de ne rien faire pour annihiler les chances d'Abderrazak. Mais ce dernier fut culbuté et le penalty ordonné par l'arbitre.

Penalty que Ujlaki mais très nettement marqua pour mettre les deux équipes à égalité.

Donc, à la 21me minute un but partout.

C'était évidemment une égalisation un peu arrachée par les cheveux. Néanmoins elle n'allait pas décourager les Marseillais qui continuèrent à appliquer sans relâche une tactique qui s'avérait excellente.

Successivement, on notait Scotti à l'affût, puis Rustichelli littéralement déchaîné ; un tir dangereux de Nuremberg (32me minute) puis de Mesas (39me minute) ; le tout accompagné d'une belle série de coup franc.

Nice prenait alors l'initiative des opérations jusqu'à la mi-temps.

Certes, il faisait chaud sur le stade du Ray, mais dans les tribunes, les Marseillais commençaient à bouillir. Il y avait dans l'air des parfums de victoire.

Ujlaki muselé

On pensait que l'entraîneur azuréen Carniglia allait mettre à profit ce retour au vestiaire pour indiquer à ses hommes une nouvelle tactique.

L'erreur, en effet apparaissait clairement.

Or, il n'en fut rien. La partie reprit sur le même thème des deux côtés.

Nice néanmoins par des incursions de Milazzo, Ujlaki et Abderrazak, montra les dents au début de cette seconde mi-temps.

Pas pour longtemps d'ailleurs, jusqu'à ce que Palluch ait irrémédiablement muselé Ujlaki et que les Olympiens bétonnant de mieux en mieux, vouent tous les assauts azuréens à l'échec.

La balle de match

C'est à la 54me minute que l'O.M. assure son succès. Scotti menant tout le jeu ouvrait sur Andersson en position d'ailier gauche, nous l'avons dit. L'ex-Suédois protégeait bien sa balle et shootait en diagonale malgré Poitevin. Le tir était dévié par Hairabedian vers Rustichelli, accourant en trombe avec Bonvin à ses côtés. Ce sont les deux hommes, l'un avec l'intention de la poussée, l'autre dans le but de détourner qui poussèrent la balle dans les filets.

Buts pour l'O.M. qui menaient donc par 2 à 1 à 36 minutes de la fin.

Penalty refusé

Mais dès lors l'O.M. bousculait littéralement son rival, Andersson (57me minute) réussissait à fausser compagnie à Poitevin et Martinez et, au moment ou, seul en course, balle au pied ils s'apprêtaient à tirer au but le chausson de Martinez vint l'inviter à la plus désobligeante des culbutes.

Il y avait un penalty indiscutable que l'arbitre ne siffla pas vraisemblablement pour ne pas mettre le feu aux poudres, mais qui, par contre, souleva ce que l'on appelle une tempête de coup de sifflet (marseillais bien entendu).

Nous vous aurons donc à peu près tout dit en ajoutant le très bel arrêt de Poncet (80me minute) sur un tir d'Ujlaki : essai de Tivoli : la balle manquée (miraculeusement) par Abderrazak et ces dix dernières minutes au cours desquelles Rustichelli se jouant absolument de Bonvin et d'Andersson risquèrent d'aggraver le score à deux ou trois reprises.

Le onze niçois avait renoncé. Il acceptait sa défaite.

Au trille final, le onze olympien sautait de joie sur le terrain, tandis que le président Aillaud, en tête, en faisait de même sur le bord de la touche.

Une très belle victoire incontestablement.

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SCOTTI et MARCEL ont (magistralement)

conduit le bal

NICE (par téléphone) - C'est un succès d'une indiscutable portée que l'O.M. a remportée hier à Nice. Il vient confirmer les signes d'un redressement que la victoire de Strasbourg avait laissé entrevoir.

Le résultat en soi est magnifique, mais ce qui l'est davantage, à notre sens, c'est la manière avec laquelle il fut acquis.

Cela pour démontrer qu'à cette équipe parfois boiteuse, souvent sans caractère et sans allant, il fallait peu de choses pour lui rendre et son allant et son abatage.

Certes, le onze olympien n'a pas défait hier, à Nice, une équipe digne du poste qu'elle occupe actuellement dans la hiérarchie du football national. Cette dernière nous est apparue emprunter, manquant de vivacité, voire de virilité.

Son plus grand défaut fut de ne pas trouver un antidote au jeu olympien dans lequel elle s'empêtra littéralement.

Les Niçois furent battus dans tous les compartiments du jeu ou presque.

Marcel et ses hommes se montrèrent plus rapides, plus adroits sur la balle, plus clairvoyants mieux inspirés dans leurs mouvements, aussi bien offensifs que défensifs.

Des joueurs, Scotti a été une fois encore, le plus réfléchi. C'est lui qui commanda et dirigea le jeu avec ce discernement et ce calme dont on dirait qu'ils vont s'améliorer avec les ans.

Marcel a fait, lui aussi, un très grand match, plus pondéré, plus nette, il atteint probablement en ce moment, sa meilleure forme.

Quant à Rustichelli, il s'est proprement diverti devant le back azuréen Bonvin, trop hâtivement présenté comme l'homme qui muselait l'ailier marseillais.

Le rôle que l'on donnait à Bonvin, c'est Palluch qui l'a tenu, mais aux dépens de Ujlaki.

Enfin, Andersson, malheureux dans ses tirs, mais productif dans le jeu ; Molla, très brillant, Mesas, qui fit bien son travail ; Johansson, revenu, sont encore à citer avec Poncet, sans-faute hier.

Constantino et Tivoli ont eu des hauts et des bas, pourtant, l'un et l'autre terminèrent fort bien.

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Les Olympiens unanimes :

"Les Niçois n'ont rien compris"

NICE - Pénétrer dans le vestiaire des vainqueurs, c'est évidemment plus drôle que de rendre visite aux vaincus. Néanmoins, dans celui de l'O.M., la joie n'est pas explosive. On savoure le succès, on le délecte comme un baba au rhum autant des restrictions.

Rustichelli s'habille (en kaki) à la hâte. Il a tout juste le temps de nous dire : "Ca va de mieux en mieux. Nous avons été deux pour marquer le but vainqueur".

Johansson, qui noue sa cravate avec application, conclut :

"L'essentiel c'est d'arriver en forme petit à petit, et au bon moment".

Mesas, qui cligne de l'oeil, lance : "Ah ! Vous pensiez me voir jouer à l'aile !... Et la tactique qu'est-ce que vous en faites ?"

Gunnar Andersson se bat, devant une glace à la recherche d'une raie dans la chevelure rebelle.

"Il y avait penalty. Gunnar quand tu as été fauché ?"

- Oui ce n'est pas gentil.

C'est toute la colère du centre avant, qui revient à sa meilleure condition.

Quant à Constantino, il est plus intéressé :

"La note d'octobre sera meilleure que les précédentes".

Évidemment...

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Intermède

NICE - A la suite d'une phase de jeu qui se termina par un accrochage entre Mesas Rustichelli et le goal niçois et Hairabedian, on vit un homme surgir de la foule et pénétrer en courant sur le terrain.

Le quidam voulait dire deux mots à Hairabedian.

Bien entendu, avant même d'atteindre le but qu'il s'était fixé, notre homme (un marseillais) fut rapidement ramené à sa place désignée le col légèrement froissé par un gardien de la paix.

 

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