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Résumé Le Provencal

du 24 février 1975

 

DE TRES GRANDS MOMENTS

... mais Bastia a joué le jeu

Exception faite d'une flambée de violence au milieu de la deuxième mi-temps nous avons assisté hier à un des meilleurs matches de la saison au Stade Vélodrome.

La raison en est assez simple, l'équipe visiteuse n'était pas venue pour tuer le jeu, essayer de conclure au mieux un misérable match nul. Tout au contraire, Bastia, dans les progrès par rapport aux saisons précédentes sont évidents et considérables, ouvrit tellement le jeu qu'il obtint douze corners à huit et se créa un nombre d'occasions de but au moins aussi nombreuses que celles de son adversaire.

Pour une équipe de "quatre sous" c'est là un résultat remarquable et la conséquence d'un travail de masse aussi sérieux que pertinent.

UN BUT IDIOT MAIS RÉGULIER

C'est surtout en première mi-temps, grâce à un milieu de terrain rayonnant et des attaquants de pointe très remuants que Bastia domina franchement le jeu. Malheureusement pour l'équipe insulaire, elle fut à la fois malheureuse et maladroite dans le domaine des tirs et se montra en deux occasions dont une capitale, négligente en défense.

Nous ne poserons pas la question de savoir si Jair était hors jeu ou pas sur le premier but de l'O.M. : comme il avait bénéficié d'une imprudente passe en retrait d'un défenseur bastiais, il se trouvait remis en jeu. Car, on l'ignore généralement, les lois du jeu - qui n'ont pas été modifiées - sont formelles à ce sujet.

Il n'en reste pas moins que, pour les Corses, il s'agissait d'un but idiot, mais le football n'étant fait que de fautes, il faut savoir les éviter, surtout quand on a pour mission de gagner en déplacement.

WELLER A ÉVITÉ LE BONUS

Le grand tournant du match se situé à la 55e minute. Papi ayant d'abord égalisé de façon d'ailleurs superbe, Vergnes, servi par Trésor et Victor Zvunka, l'un gênant l'autre et vice versa, se trouva seul devant Charrier. Il de vit pas Lenoir sur sa gauche et ainsi fut raté un but pratiquement immanquable.

Encore une de ces fautes qui pèsent lourd dans la balance.

Là-dessus, l'O.M. qui pour avoir eu très chaud, n'était pas encore brûlé, puisa dans son énergie et dans ses fonds de tiroirs brésiliens pour offrir enfin à son public une période de grand football. Deux buts en deux minutes tout à fait la tradition de ce que l'on appelait autrefois le "droit au but".

Une tête plongeante de Buigues sur un centre d'Emon et un tir percutant de Jair après un contrôle de la poitrine à la suite d'un centre de Bereta : il s'agit là sans doute du meilleur but marqué par le "puncheur" brésilien depuis qu'il est à l'O.M. ; mais le mouvement collectif qui l'avait précédé était aussi tout en beauté.

ZIMAKO AURAIT PU TOUT CHANGER

En fin de match Paulo Cezar ayant apporté son grain de sel très fin (il n'était que temps), l'O.M. faillit même obtenir le bonus.

À la 90e minute, un extraordinaire réflexe du jeune Weller sur un tir d'Emon épargna aux Corses cette humiliation.

Soyons objectifs, sur l'ensemble du match ils ne la méritaient pas, tant s'en faut.

D'après ce match, la tenue de Bastia sur l'ensemble de la saison s'explique aisément.

Franceschetti, Broissart et surtout le technicien Papi forme l'un des meilleurs milieu de terrain existant en France en ce moment.

La défense dirigée magistralement par l'Allemand Heidkampg est de qualité, même si elle commit parfois l'erreur de vouloir forcer son talent.

En attaque, Vergnes est toujours l'un des bons avant-centre français et il ne manque à Zimako, vif et souvent insaisissable, même par Bracci, qu'un peu de sang-froid dans le dernier geste.

En fait, si Zimako eut au bout de son pied trois belles occasions de modifier totalement les données du match.

L'O.M. : DE TRÈS GRANDS MOUVEMENTS

L'O.M. présenta à son fidèle et généreux public une production très inégale. Des moments de flottement très net, la défense ayant elle-même commis des fautes impardonnables et des flambées de football supérieur à tout ce qui peut se faire en France actuellement.

Il est certain que quand le ballon peut passer par les pieds de Bereta - qui fit hier son meilleur match olympien au Stade-Vélodrome, de Jair - en forme de haute compétition - du fantasque Paulo, O.M. peut paraître irrésistible.

La classe supérieure ne s'invente pas. Il est seulement dommage que Paulo, dont le talent ne se discute pas, soit un peu trop ménager de sa force. S'il est économe dans la vie comme sur le terrain, doit être milliardaire en cruzeiros... ou en dollars.

BRAVO M. WURTZ

L'arbitrage M. Wurtz ne mérite que des félicitations. Personne ne lui a facilité la tâche et l'on peut s'étonner qu'il y ait sur le terrain, à chaque incident de jeu, une bonne trentaine de civils. Donc, dans des conditions très difficiles, M. Wurtz a réussi à limiter la violence, s'il n'a pas pu complètement l'exclure. Mettez-vous à sa place et essayez de faire mieux.

Maurice FABREGUETTES

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Surprises en tous genres

Les journalistes qui traitent des choses du football sont volontiers considérés comme des journalistes spécialisés. En conséquence, bien avant que M. Wurtz donne le coup d'envoi de cet O.M.-Bastia, ils s'étaient penchés (nos spécialistes bien sûr) sur ce qui, à leur avis, devait être la physionomie de ce derby méditerranéen.

Et vous avez quelques instants à perdre, lisez et relisez leur papier d'avant match et vous constaterez qu'aucun d'entre eux n'avait vu juste.

Il faudra les excuser. Et pour cause.

90 minutes durant, nous avons vécu une partie aux multiples rebondissements et immanquablement, c'est ce à quoi on s'attendait le moins qui se réalisait au fur et à mesure que les minutes s'égrenaient.

En quelque sorte, parfaite illustration de ce que l'on a coutume d'appeler la glorieuse incertitude du sport.

Voulez-vous des exemples, on n'en manque pas.

Prenez la 1re mi-temps, les Corses qui, en théorie, auraient dû aborder la rencontre craintifs après le désastre de Gerland et 3 semaines d'inaction, dominèrent les débats de la tête et des épaules. Calme et sang-froid en défense, maîtrise du ballon au milieu du terrain, vivacité en attaque, autant d'atouts majeurs que Bastia étalait avec brio devant 32.000 personnes médusées et inquiètes quant à la suite des opérations.

On s'acheminait donc vers le repos sur un score nul et vierge, quelque peu flatteur pour les Phocéens, lorsque le grand et rouquin Heidkamp, jusque-là irréprochable, allait commettre une monumentale erreur en donnant la balle à Jairzinho, une balle qui fila jusqu'à Emon, lequel ne laissa pas passer pareille occasion pour le score 1 à 0 pour l'O.M.

À mi-parcours, c'était inespéré.

Puis, c'est logique, il y eut la 2e mi-temps.

Sans prétendre lire dans le marc de café, il était logique de prévoir que les équipiers de Trésor allaient chercher le K.O. face à des bastiais sans doute mal remis de ce coup du sort.

Ce fut très exactement le contraire qui se produisit et Papi obtint l'égalisation au terme d'une action d'une limpidité absolue.

Tout était à refaire et tout était encore possible. Cette fois, l'unanimité s'était faite. Le match, disait-on autour de nous, se jouerait sur coup de dé. Ce ne fut pas le cas, mais alors pas du tout !

Jusque-là, timides, voir timorés, les Olympiens comme par enchantement trouvèrent leur second souffle et, en deux temps, trois mouvements, en tout cas en beaucoup moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire, sous l'impulsion de Bereta, anonyme jusque-là et soudain rayonnant, Buigues et Jairzinho ajoutèrent deux buts splendides qui firent se dresser le stade.

Cette fois, c'est le bonus, murmurèrent avec un bel ensemble les spécialistes dont nous vous parlions plus haut. Le bonus ! Ils en avaient de bonnes !

Paulo Cezar, eut beau sortir de sa coquille, Jairzinho multiplier les feintes de corps, Bereta relancer sans cesse ses attaquants et Emon donnera le tournis aux défenseurs Corse, le 4e but que chacun attendait, nous l'attendons encore et tout ça parce que Weller, le gardien de but insulaire, celui-là même dont on disait qu'il était le point faible de la défense bastiaise, multiplia les exploits.

Bref, on le voit, ce fut le match des surprises en tout genre. Et la plus heureuse, fut sans doute d'avoir vécu, et de loin, la plus belle partie jouée cette saison au Stade-Vélodrome.

Bastia a perdu. Il fallait un vainqueur. L'O.M. a gagné. C'est somme toute logique.

Les rencontres pareilles, nous en redemandons. Tant pis, si les hommes au maillot blanc ont raté une fois encore un bonus cent fois à leur portée. Il reste sur une série de quatre victoires. C'est sans doute là l'essentiel ?

Le signe évident, en tout cas, qui annonce un printemps dont on n'a sans doute pas fini de parler.

André de ROCCA

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BERETA : "Voila qui devient intéressant"

Nous n'aurons pas besoin de faire de longs commentaires pour situer l'ambiance dans les vestiaires marseillais.

L'O.M. venait de remporter une cinquième victoire consécutive et, croyez-nous, cela se voyait. Pendant que le champagne coulait à flots, que les uns et les autres se congratulaient, nous avons essayé dans cette cohue sympathique, de recueillir d'abord l'impression du président :

"Et pour finir, nous dit M. Meric, si vous voulez tout savoir, je suis beaucoup plus rassuré maintenant qu'à la fin de la première mi-temps.

"Bastia m'avait fait une sacrée impression. Tout au long des 45 premières minutes, et le score nul ne laissait rien présager de bon.

"Heureusement, l'O.M. a su se reprendre pour nous offrir un final éblouissant.

"Alors, vous avez devant vous un dirigeant comblé, non seulement à cause du résultat, mais aussi de la manière.

"J'espère que notre public aura apprécié".

- Pas un petit regret pour le bonus ?

- Écoutez, je l'ai déjà dit et je le répète aujourd'hui, je me demande si le bonus est vraiment une réussite. C'est bien simple, après un match comme celui-là, sanctionné par une belle victoire, on en arrive à ce paradoxe d'avoir un arrière goût de déception. Il y a là quelque chose de pas très normal.

"Cela dit, n'allez surtout pas imaginer que je fais la petite bouche. L'O.M. est désormais dans le haut du tableau et sans être prétentieux, je ne crois pas que nous ayions dit notre dernier mot".

JULES ZVUNKA :

"NOUS AVONS SU RÉAGIR AU BON MOMENT"

Pour une fois, qui n'a pas toujours était coutume on le sait, Jules Zvunka affichait un calme olympien pour livrer son sentiment.

"C'est le type même du match sérieux, mais aussi difficile, nous confiait l'entraîneur. Bastia, à mon sens, a démontré cet après-midi qui n'était pas installé par hasard à la deuxième place. Les Corses nous ont posé des problèmes en première mi-temps. J'avais l'impression alors, que l'O.M. manquait de rythme, ne savait pas très bien s'organiser. Les joueurs ont su rectifier le tir après la pause est là, sans jeu de mots, nous avons vu l'étincelle jaillir. Nous enlevons donc la victoire avec l'avantage de rester sur une bonne impression. Pour le spectacle, vous ne l'ignoriez pas, il est toujours important de bien terminer un match.

"Enfin, l'O.M. a obtenu aujourd'hui sa cinquième victoire consécutive. Tous ceux qui ont joué au football vous le diront comme moi, c'est une performance peu banale".

Jean FERRARA

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Cahuzac : "La blessure d'Orlanducci

nous coûte cher !"

Dans le camp bastiais, nous n'avons pas vu un joueur découragé, les hommes de Cahuzac admettaient cette défaite comme un coup du sort immérité. L'entraîneur Cahuzac précisait avec une certaine passion :

"Au cours de cette rencontre, tout s'est lié contre nous. La blessure d'Orlanducci a pesé d'un lourd poids dans la balance ! En première mi-temps, nous avons eu de nombreuses occasions que nous n'avons pas su exploiter, ensuite nous avons connu un net fléchissement en fin de rencontre et je pense qu'une trop longue inaction est responsable de cet état de fait !

Je n'ai pas l'habitude de critiquer les arbitres, mais M. Wurtz aujourd'hui a été dépassé par les événements. Il a siffle par exemple à plusieurs reprises en faveur de Jairzinho alors que le joueur brésilien était coupable et multipliait les trucages ! M. Wurtz dans une certaine mesure nous a fait perdre ce match par ses décisions".

Franceschetti résumait son opinion de façon pertinente.

"C'est la blessure d'Orlanducci qui a déséquilibré notre équipe ; d'ailleurs lorsque nous avons joué à 10, nous avons encaissé 2 buts en trois minutes !"

Papi d'un temps philosophique constatait : "Nous avons eu de sérieuses occasions en 1re mi-temps et, après un peu de chance, nous aurions dû atteindre le repos sur un score de 2 buts à 1 en notre faveur. Si nous avions eu cet avantage, tout se serait passé autrement par la suite !"

A.D.

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Les réponses aux questions que l'on se pose

- Jairzinho était-il hors-jeu sur l'action qui a amené le premier but marseillais ?

D'un vestiaire à l'autre, on s'en doute, les avis divergeaient sensiblement.

Essayons de faire le point en toute objectivité en rappelant tout d'abord le déroulement de cette action : Jairzinho, lent à se relever après avoir disputé une balle dans les six mètres bastiais, était en train de revenir vers son camp lorsqu'une passe en retrait de Lenoir (et non d'Heidkamp, l'intéressé le confirmait lui-même) vers son gardien Veller lui arriva dans les pieds. Dos tourné au but, il était alors absolument seul dans la surface de réparation corse. Ayant amorti la balle, il se heurta à Weller et à plusieurs défenseurs bastiais. Emon, qui avait bien suivi l'action, put récupérer et ouvrir le score. Ajoutons que le juge de touche avait levé son drapeau.

Voilà pour la relation des faits. Passons maintenant à leur interprétation.

Un point important et tout d'abord à préciser : contrairement à ce que croient une importante fraction du public et même de nombreux pratiquants la loi sur le hors-jeu n'a jamais été modifiée : on n'est donc pas hors jeu sur une passe de l'adversaire.

M. François Eurdekian, arbitre international, nous a donné à ce propos quelques précisions.

"Je pense, nous a-t-il dit, que, dans l'esprit de beaucoup, la confusion sur la prétendue modification de la loi sur le hors jeu vient des directives qui ont été données aux arbitres voici quelques années. Celles-ci recommandaient de siffler les hors-jeu dès le départ de l'action et non plus à l'arrivée comme par le passé. Mais le texte de loi n'a jamais été modifié !"

Dans le cas présent, Jaioer n'est donc pas hors-jeu puisqu'il reçut le ballon d'un Bastiais.

En revanche, quelques instants avant que Lenoir n'adresse sa passe en retrait, les Marseillais firent plusieurs échanges de balle. Et, le Brésilien était alors bel et bien hors-jeu de position !

Cependant, beaucoup de ces hors-jeu de position ne sont pas sifflés pour des raisons évidentes de clarté et de simplicité : lorsqu'un joueur ne participe pas à l'action, ou n'y participe plus, ou se trouve éloigné, la position de hors-jeu n'est généralement pas sanctionnée.

"Heureusement, car dans le cas contraire, et en poussant le raisonnement jusqu'au bout, on s'apercevrait que beaucoup de buts devraient être annulés. Un exemple : un ailier déborde jusqu'à la ligne et centre en retrait. L'un de ses partenaires reprend et marque. Une fois sur deux, l'ailier se trouve alors en position de hors-jeu. Mais on ne le siffle évidemment pas.

"J'estime donc que M. Wurtz s'est remarquablement sorti d'une situation délicate et a fort bien arbitré !"

Le docteur Barde, lui aussi ancien arbitre international et présentement président de la Commission des arbitres, était lui aussi d'un avis sensiblement différent : d'accord sur le fond avec M. Eurdekian, il estimait en revanche que M. Wurtz aurait du sifflé le hors-jeu du Brésilien au départ de l'action, c'est-à-dire avant la passe en retrait de Lenoir.

Un point de vue défendable aussi. C'est là que joue en fait ce qu'on appelle "l'appréciation de l'arbitre".

- Paulo Cezar sera-t-il suspendu ?

C'est à craindre en effet, puisque sous le coup d'un match de suspension avec sursis, il a écopé hier d'un nouvel avertissement. Il est donc passible de deux matches de suspension.

Précisons que Jairzinho, Heidkamp et Travetto ont également reçu un avertissement.

Alain PECHERAL

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Miroir des Sports

 

 

 

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