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Résumé Le Provencal

du 05 juin 1972

 

ET DE HUIT !

 

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ECONOME, PRUDENT... ET REALISTE

L'O.M. A GAGNE SA FINALE

COMME IL A CONDUIT SA SAISON

PARIS - Malgré la pluie et le soleil réunis, une ambiance de 14 juillet. Du folklore, de l'enthousiasme, des pétards, des feux de Bengale, quelques pas de danse du président Lorenzi... mais sans excès.

Cette finale, dont on pouvait tout redouter, a finalement conservé sa dignité, sans perdre de son caractère coloré et méditerranéen. Le Midi a bougé, ce qui était attendu et même espéré, mais dans la joie, le naturel plaisir des supporters de participer à la grande fête nationale du football.

Cette grande fête au caractère forain a eu son roi... Magnusson. Un monarque pacifique et déroutant par ses improvisations.

L'O.M. a remporté, avec assez de logique, son premier doublé. Bastia après un début timide a mérité, par sa seconde mi-temps de sortir du Parc avec les honneurs de la petite guerre perdue d'une courte tête : un contre deux.

Réussite totale, dont les convient de féliciter nos amis Olympiens et Bastiais, joueurs et supporters réunis, même si nous devons, ci-dessous, apporter quelques restrictions au plaisir que nous a procuré cette rencontre.

Le résultat, très indécis de cette finale tient dans deux images. Magnusson dribblant, la tête en l'air. Kanyan fonçant la tête baissée.

Il ne s'agit pas d'une critique. Nous venons de citer les deux meilleurs joueurs du champ. Tosi et Kula ne nous démentiront pas.

Et si le Néo-Calédonien avait eu le quart de la clairvoyance et du sang froid du Suédois, aujourd'hui, on fêterait la victoire de Bastia.

Le sort d'une partie, surtout quand il s'agit d'une finale, tient souvent à quelques millimètres gagnés ou perdus sur les réflexes de l'adversaire.

Bastia, pendant ses premières bonnes périodes, a fait un trop grand gaspillage de ces précieux millimètres.

Erreurs de jeunesse et d'inexpérience, que l'on pardonnera volontiers aux généreux représentants de la Corse sportive.

En revanche, le métier et le calme olympien sont à la base de ce succès.

Le fait n'est pas nouveau. L'O.M. à jouer sa finale très exactement comme il avait conduit la saison.

Avec prudence, économie dans l'effort et réalisme.

Magnusson et Skoblar apportant, au moment opportun, le piment indispensable à toute bonne bouillabaisse...

Et voilà comment on réussit à donner à l'O.M. le premier doublé de sa longue et glorieuse histoire.

Bravo messieurs !

 "CE BLOND QUI RÉPAND LA TERREUR"...

Sur notre fiche de la première mi-temps, nous venons de relever une note soulignée :

"Ce blond qui répand la terreur"...

Inutile de préciser son nom.

Rarement avait-on vu, au cours d'une finale, un joueur prendre un tel avantage sur son adversaire direct.

Pendant les premières quarante-cinq minutes, en gommant littéralement Tosi, Magnusson a permis à son équipe de jouer pratiquement à 11 contre 10.

C'est énorme et l'on se demandait à la mi-temps comment l'O.M. n'avait pas réussi le K.O.

Roger avait été royal, ne perdre aucune balle et tranchant, par l'extraordinaire qualité de son jeu, sur la monotonie de cette première période.

En deuxième mi-temps, l'O.M. connu, pendant 29 minutes, l'étonnante erreur de garder dans sa manche le meilleur atout de son jeu.

Erreur qui aurait pu coûter très cher et l'on s'en aperçut mieux, quand le ballon revint à nouveau vers l'inimitable Magnusson.

 LE QUART D'HEURE CORSE DURA 22 MINUTES.

Il ne fallait pas être un bien grand sorcier, pour se dire pendant la pause :

"Bastia a paru très contracté et a manqué de dynamisme pendant la première mi-temps. Mais, grâce à son doublement grand gardien Pantelic, il n'est mené que par 1 à 0. Donc, il faut s'attendre à une flambée offensive corse, durant le premier quart d'heure.

"Si les Bastiais égalisent, l'O.M. va être en très grand danger. Sinon un nouveau "truc" de Magnusson, Skoblar au Couecou permettra aux olympiens de parfaire leur prévisible victoire".

C'est exactement ce qui se produisit, à une petite différence près, ce quart d'heure dura 22 minutes.

Elles furent terribles pour l'O.M., contraint d'user de toute sa force défensive et de tous les stratagèmes, pour protéger le but de Carnus.

Ce fut le grand moment de la rencontre, celui où la victoire balançant entre les deux équipes.

Le moment, aussi, où les Bastiais gaspillèrent le plus ces fameux millimètres dont il a été question au début de cet article.

Le but de Franceschetti vint beaucoup trop tard. Une sorte de récompense du mérite malheureux.

Entre temps, était venu le but Magnusson-Skoblar : un grand classique de l'O.M.

 UNE FINALE À L'IMAGE DU TEMPS

En définitive, la réaction corse, malgré son caractère d'inachevé, a sauvé cette finale du pire des mots : l'ennui.

Généralement baptisée du soleil, la grande finale méridionale a été l'image du temps.

Le grand soleil de la classe lui a été défaut...

À peine, comme au Parc des Princes, quelques rayons venant chauffer la pelouse : la virtuosité magnussonienne, les débordements de Kanyan, la forte présence de Pantelic, quelques coups de patte de Skoblar ou de Dogliani.

Le reste sombra dans l'anonymat, sur un rythme d'une lenteur parfois désespérante.

 GARDONS LES PIEDS SUR TERRE

Nous fêterons ce premier doublé de l'O.M. comme il convient qu'il le soit. Les titulaires de l'équipe ont fait une saison exemplaire.

Nous féliciterons les Bastiais, lesquels sont passés de très près à côté d'un véritable triomphe.

Le plus sévère des censeurs ne saurait leur tenir rigueur d'avoir été battu (2 à 1) par les champions de France, dans le cadre d'une finale.

Mais gardons les pieds sur terre et évitons le ridicule d'un enthousiasme délirant.

Ce que nous avons vu aujourd'hui confirmant nos impressions de toute une saison, prouve que nous devons encore beaucoup travailler en France.

Maurice FABREGUETTE

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Et maintenant

que vais-je faire ?

PARIS - Pour les puristes, cette finale ne fera pas référence. Mais pour les amateurs de folklore, en revanche, elle demeurera.

Rien avant elle n'avait mieux illustré l'incroyable passion que les hommes de notre temps ont pour le football.

Ils en perdraient le boire et le manger.

A se demander si nous fanatisés dominicaux ont d'autres occupations ou d'autres ambitions dans la vie que celle de hurler de joie ou de peur à chaque rebond d'une balle, simple morceau de cuir gonflé d'air pour avoir une forme.

On s'inquiétait pourtant à propos de cette O.M. - Bastia.

La ferveur démentielle qu'il avait provoquée depuis son annonce engendrait un esprit régionaliste démesuré, voire indécent.

La confrontation de ces foules de verves et de feu, à l'âme ensoleillée, venues de l'Ile et du Continent, pouvait avoir des prolongements inattendus, graves peut-être, car les gens passionnés ne se contiennent pas lorsqu'ils sont piqués par l'aiguillon de l'amour-propre.

Par bonheur, de tout cela rien n'est arrivé.

Mort-nées les inquiétudes d'avant match. Dès les premières mesures dans le tumulte d'un stade chauffé à blanc, on sentit bien que cet affrontement entre homme du Sud serait celui du sport, celui que l'on enseigne et que l'on recommande.

Animés de la même fois, gonflée du même orgueil, les vingt-deux joueurs, dont les seules couleurs sont celles de la vierge, n'étaient influencés en rien par le débordement de leurs supporters.

Dès l'abord, la supériorité de l'O.M. apparut. Ce fut peut-être ce qui tempéra ce match jusqu'à le faire assoupir à certains moments.

Il est heureux, il faut aussi écrire, que toute une région mois, voire une nation entière, ait pu s'enticher de cette rencontre, fût-elle celle d'une finale. Il est réjouissant que l'essentiel de ses cohortes de fans, ayant traversé la France après avoir économisé, sou par sou pour ce voyage, soit constitué par des jeunes, beaucoup de jeunes, dont l'enthousiasme est sain dans sa simplicité.

Il est estimable que deux villes, Marseille et Bastia, si souvent décriées et pour des raisons que tous les Marseillais et tous les Corses connaissent bien, aient pu affirmer avec autant de volonté d'originalité et d'efficacité, le désir qu'elles ont de vivre joyeusement, sans formalisme, pour se débarrasser des tares et des miasmes de cette époque.

Oui, Marseille et Bastia sont allés crier leur joie sur les grands boulevards parisiens, dans la nouvelle arène du Parc des Princes, et sur les routes de leurs conquêtes. Vingt-cinq mille hommes et femmes, sourire et chansons aux lèvres, ont fait ce pèlerinage de la finale sans que leur enthousiasme exubérant indispose leurs hôtes ou tombe dans les lamentables travers du médiocre, de la vulgarité ou du vandalisme.

Le football sudiste a décidé d'attirer à lui tous les feux de la célébrité. Avec l'O.M. se fut Bastia, et ce sera peut-être demain, Nice, Avignon et Aix.

C'est cela que vingt-cinq mille de nos Corses et Provençaux sont allés dire - en chantant - à Paris.

Puis leurs vingt-deux joueurs se sont partagé la gloire et les malheurs d'une finale : l'ogre marseillais toujours en appétit, s'étant réservé le plus gros de la première part.

Cela dit, nos spécialistes vous le confirmeront, on ne saurait se satisfaire de la qualité de ce match témoin. Hormis quelques éclairs que la classe inspira aux dénommés Magnusson, Skoblar et Pantelic, pour ne citer que les meilleurs - curieusement étrangers -cette finale aura donc davantage passionné que plu.

Pourquoi ?

Peut-être, en reprenant un vérité de toujours, parce que l'enjeu tue quelquefois le jeu.

Peut-être parce que les Corses, habituellement chargés de foudre, ne se montrèrent pas tels qu'on les attendait.

Peut-être, les mêmes probablement, parce que l'O.M., en deux courtes périodes, infligea à son rival le luxe d'une démonstration technique que Magnusson créa et communiqua à ses partenaires, avec l'insolence involontaire qui est la sienne lorsque tout lui réussit.

Tout ce qui fit la différence, et à la marque et dans la conception originale du jeu, vint du Suédois. Cette balle en or qu'il expédia sur un centre, d'un tir aussi raide que celui d'une Winchester, Couecou ne pouvait la manquer. Il la dévia de la tête pour déchiqueter la défense corse et laisser Pantelic dans le désespoir.

Hier, Magnusson, voyait tout. Dans le maquis la défense insulaire, l'objet de toutes les visée, il trompa tout son monde. Comme la parade.

De la naquit la victoire de l'O.M.

Une finale sans violence, en définitive, quelquefois, répétons-le jouée au petit trot par une équipe qui eut très tôt son capital au tableau d'affichage.

Jamais l'O.M., qui redoutait pourtant Bastia, fit de ce match un "marche ou crève". Il parut se complaire dans la facilité.

Disons que son ensemble était plus expérimenté que celui qui, en toute bonne foi et au nom de l'espérance la plus logique, justifiée par son titre de finaliste, s'était forgé un moral d'acier.

L'O.M. aura donc réussi son "doublé".

C'est à partir de ce triomphe bicéphale que la vie va redevenir délicate pour les joueurs et les dirigeants. On va désormais leur demander davantage. On va devenir tout naturellement plus exigeant.

La gloire est une chose que l'on n'abandonne jamais de gaieté de coeur. S'il est difficile de la conquérir, il est encore plus ardu de la conserver.

Marcel Leclerc va probablement passer un été préoccupant. Il a certes sa Coupe de France. Mais il va devoir maintenant penser à la Coupe d'Europe. C'est-à-dire à se renforcer, à trouver l'oiseau ou l'oisillon rares, et organiser sa vocation européenne.

Il va devoir penser à tout cela.

En même temps qu'à Gilbert Bécaud, qui lui souffle : Et maintenant que vais-je faire !

Lucien D'APO

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Le Baptême du Parc

PARIS - L'on vous dira sans doute par ailleurs que la qualité du football produit au cours de cette finale de la Coupe de France fut moyenne. Il reste donc à savoir si l'on a fait tout de même au nouveau Parc des Princes une inauguration royale.

L'approche du stade donne l'impression que l'on va se heurter à ses immenses murs de béton, sorte de mur de l'Atlantique qu'une organisation Todt ressuscitée aurait érigé pour arrêter tout envahisseur aux portes de Paris, celle d'Auteuil et de Saint-Cloud pour plus de précisions, que l'invasion vienne d'une autre planète... ou du midi.

La défense du bastion était massivement organisée allant du montant de choc des C.R.S. au bon vieux corps de la police municipale, en passant par cette légendaire garde républicaine qui avait bien pour mission de conserver intact son chef le plus suprême : le président Pompidou.

Bref, le Parc des Princes c'était, hier, le rond-point de la Défense. Rond-point ou Carrefour ou s'étaient donné rendez-vous les hordes de Latins au sang chaud prêts à livrer bataille.

Napoléon avait sorti de ses célèbres réserves posthumes onze vaillants maréchaux que Franceschetti, le numéro dix de la brigade, avait pris sous ses ordres. Dans Bastia, en folie, dans Calvi la douce, dans Bonifacio la lointaine ou dans l'impériale Ajaccio, on avait levé en masse les combattants du Parc.

Bien avant que Skoblar arme ses premiers tirs, avant que Bastien l'on ait les premiers coups de Kanyan, tout autour de l'enclos on vit partir les slaves. Pour préparer l'attaque ou masquer la défense, les artificiers de Bastia couvrirent de fumées bleues et blanches, aux couleurs de leur club, la partie de terrain qui leur était donné... Des hauteurs de l'Olympe marseillaise des fusées bien lancées en faisaient voir de toutes les couleurs, présageant sans doute ce que les joueurs marseillais réservaient aux Bastiais.

Le Parc ayant pris son baptême du feu, le match commença donc aux odeurs de la poudre.

Georges Raynaud

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MAGNUSSON, le prince

Bravo à Kanyan et Pantelic

 

M. Gaston Defferre : "Souhaitons maintenant un O.M. européen"

PARIS - M. Gaston Defferre, député-maire de Marseille, est venu féliciter les joueurs de l'O.M. dans leurs vestiaires, quelques minutes après leur brillante victoire. Faisant peu de cas du protocole, M. Defferre a crié sa joie en reprenant en choeur le célèbre : "On a gagné, on a gagné". C'était on ne peut plus sympathique.

À notre question de savoir quel était son sentiment, le député-maire nous a répondu :

"Je suis très heureux et très fier pour Marseille. Je félicite le président Leclerc et toute équipe pour ce fantastique doublé. En tant que maire de Marseille, je suis content d'avoir aidé l'O.M. pour lui permettre d'arriver à ce résultat. Je suis d'autant plus heureux que ce fut un match très disputé. Je suis moi-même un sportif et je sais que tant que la compétition n'est pas terminée, la victoire n'est pas acquise. Alors, je vous le dirai franchement, j'ai passé quelques moments d'inquiétude dans la tribune présidentielle. Certes, l'O.M. avait plus de maîtrise, mais la volonté de Bastia est aussi à souligner.

"Vous avez vu, quand les Corses ont marqué leur but, ils se sont littéralement rués vers la cage de Carnus. À ce moment-là, on pouvait craindre le pire. Heureusement, les joueurs marseillais ont su confirmer qu'il était la meilleure équipe de France, maintenant, nous pouvons savourer notre joie. La municipalité avait fait de réels efforts pour amener l'O.M. au sommet de la hiérarchie nationale. Ces deux types de champion et cette deuxième victoire en Coupe de France depuis 1969 sont notre plus belle récompense.

"Il reste à souhaiter que l'équipe poursuive sa route sur le plan international. Pourquoi ne pas envisager désormais un titre de champion d'Europe ? Car je le rappellerai que l'O.M. a été la seule équipe à marquer deux buts au redoutable Ajax. En considérant le chemin parcouru tout est possible".

En conclusion, devait dire M. Defferre, "Ce succès au nouveau Parc des Princes et celui de Marseille tout entier et en tant que député-maire, j'en suis très flatté".

J.F.

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Signes trompeurs

Paris - La justesse des proverbes ne se vérifie patte toujours. Les Bastiais l'ont constaté hier.

Ils n'ont pu réussir la passe de trois, pas plus ils n'ont pu offrir la Coupe à leur président qui fêtait son 72ème anniversaire.

Ceint d'une écharpe aux couleurs du club (et non pas de celle de maire de Centuri), M. Victor Lorenzi a vu son rêve s'envoler : ramener en Corse la Coupe de France que les supporters insulaires s'étaient promis d'emmurer, qui à en payer une autre à la fédération.

Le médium qui avait prédit à Félix une défaite en 1971 et une victoire 1972 s'était également trompé, au grand désappointement de l'avant-centre bastiais : "Ah ! Si je le tenais..." disait-t-il dans les vestiaires.

Par ailleurs, d'aucuns avaient cru voir en la victoire des minimes bastiais, aux dépens de leurs homologues de l'O.M., un signe prémonitoire.

Hélas, il ne s'agissait que d'un signe trompeur... à l'image de tout le match.

Trompeur parce que l'on mit sur le compte de la maîtrise (marseillaise) ce qui n'était que fatigue (sur la fin). Trompeur aussi parce que le S.E.C.B. fut battu au moment où l'on pensait qu'il pouvait rejoint son adversaire. Trompeur enfin, quand on put imaginer que le but de Franceschetti allait en amener un autre.

Le "Dio vi salvi Regina" que l'on avait appris religieusement, n'eut point d'écho.

Il ne sortit jamais des gorges se serrant au fil des minutes, au fur et à mesure que l'on approchait de la fin de l'aventure.

Une meilleure aventure tout de même qui pourrait annoncer une autre ère pour les Bastiais... dans la mesure où il ne s'agira pas d'un notre signe trompeur.

Ils ont, en effet, remporté une victoire morale, entraînant derrière eut tout un département dont l'enthousiasme et la ferveur ne tombèrent au coup de sifflet final.

Pour les Bastiais, ce fut le match des désillusions peut-être, mais surtout celui de l'union.

Insigne qui, lui, ne trompait pas.

D.F.

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M. ZUCARELLI, maire de Bastia :

"Une victoire morale"

PARIS - Le maire de Bastia assista à la réunion aux côtés du président de la République.

"Bien que battu, les joueurs de notre chère ville avaient déjà remporté une grande victoire avant le coup d'envoi : celle d'arriver au Parc des Princes à ce stade de la compétition. Sur l'ensemble du match, ils pouvaient prétendre à un meilleur résultat. Ils ne furent absolument pas ridicules.

"S'en faut, et n'eut été une première mi-temps assez timide que l'on peut expliquer par une expérience insuffisante des grands événements, on peut affirmer sans craindre d'être contredit qu'ils auraient pu bousculer et inquiéter bien davantage les Marseillais.

"Ils ont également manqué de réussite en certaines circonstances. Mais, à diverses reprises, ils ont démontré qu'ils pouvaient largement rivaliser avec leurs adversaires.

"Je suis très satisfait du comportement de l'équipe dans son ensemble.

"Il fallait un vainqueur. Ce fut Marseille. Mais Bastia sort grandi de cette aventure. Bravo encore à ses représentants".

C'est bien l'avis général.

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M. Victor Lorenzi : "Nous méritions mieux"

PARIS - M. Victor Lorenzi, le président bastiais, rêvait de fêter son 72e anniversaire par une victoire de son club en finale de la Coupe de France. Mais cette joie lui fut refusée :

"L'arbitrage a été scandaleux. M. Frauciel - qui se refuse à venir arbitrer à Bastia - nous a ostensiblement défavorisés. Nous méritions au moins un penalty.

"C'est M. Wurtz qui aurait dû être au centre.

"On aura beau nous dire que nous avons réussi une bonne performance, il n'en reste pas moins vrai que sur le socle de la Coupe, c'est le nom de l'O.M. qui figurera. On ne connaîtra que le nom du vainqueur lorsque l'on consultera le palmarès. C'est vraiment bête d'être battu de cette manière. Nous méritions mieux".

Le président bastiais que nous vîmes sautiller à l'image des joueurs, lors de la présentation des équipes ne décolérait pas en dépit des mots de consolation du Dr Lucioni, le médecin de l'O.M.

D.F

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M. POMPIDOU : "FINALE EMOUVANTE ET RESULTAT LOGIQUE"

"Animée, émouvante, presque parfaite, M. Georges Pompidou qui présidait la finale de la Coupe de France pour la première fois depuis son entrée à l'Élysée, selon ses propres mots, a apprécié le spectacle que lui ont offert les équipes de Marseille et de Bastia.

En remettant la coupe au capitaine victorieux Jules Zwunka et une médaille de consolation au capitaine bastiais, Franceschetti, le chef de l'État a tenu à englober les deux équipes dans les mêmes félicitations pour leur jeu. Il a cependant estimé que "le résultat a été logique".

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Cahuzac : "L'arbitrage et les occasions ratées."

Au milieu de l'agitation qui régnait dans les vestiaires bastiais, un homme gardait la tête froide. Pierre Cahuzac qui, pourtant, n'était pas tellement heureux :

"Ce n'est pas tellement l'O.M. qui nous a battus. C'est plutôt l'arbitre, car il aurait dû siffler un penalty en seconde mi-temps lorsque sur un centre de Kanyan, un défenseur marseillais renvoya la balle de la main. C'était au moment ou nous dominions nettement et le score était toujours nul.

"Indépendamment de l'arbitrage, il faut tout de même avouer que nous n'avons pas su concrétiser les occasions créées. Un furent plus nombreuses que celles de l'O.M. Mais, c'est là que le bat blesse chez nous. Nous savions que les Marseillais sur trois occasions, sont en mesure d'en réussir deux en moyenne. Pour obtenir le même résultat chez nous, il faudrait dix occasions. Mais nous n'avons pas à rougir de cette défaite, ce que nous avons réussi est déjà extraordinaire. Dommage aussi que mes garçons se soient montrés trop contractés dans le premier quart d'heure. Ils étaient oppressés."

D.F.

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Le président Leclerc : " On essaiera de faire mieux la prochaine fois"

En général, quand un président de club vous fait ce genre de confidence, c'est que son équipe a perdu. Rien de tel pour M. Leclerc qui n'était pas le moins heureux dans le camp olympien.

Mais le patron de l'O.M. pensait bien entendu à l'avenir. "C'est vrai, je suis pleinement satisfait, nous dit-il. Il n'en reste pas moins que notre équipe, par la conquête de ce doublé, a fait la loi sur le plan national. Désormais il faut voir un peu plus loin. C'est la raison pour laquelle je vous dis qu'on essaiera de faire mieux la prochaine fois.

"Je sais que nous avons encore pas mal de chemin à parcourir pour nous hisser au niveau d'une équipe comme Ajax par exemple. Nous devons désormais nous y employer. C'est un travail qui demandera peut-être plusieurs années. Mais, vous le savez comme moi, rien de solide ne peut créer en un seul jour. Surtout quand il s'agit d'une équipe de football.

"Enfin, pour l'instant, songeons à fêter notre beau succès, avant de partir en vacances. Nous aurons le temps de reparler de tout cela au début de la prochaine saison."

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Mario Zatelli : "Je peux reprendre ma place de directeur sportif..."

PARIS - Nous n'avons plus repos reconnu Mario Zatelli quand l'arbitre ayant sifflé la fin du match nous le retrouvâmes aux vestiaires. Lui, si tendu avant la rencontre, était maintenant rayonnant.

D'ailleurs sa première réaction fut de nous donner l'accolade. Un geste qui parlait du coeur.

"Oui, nous dit Mario, j'ai rempli mon contrat. Je peux laisser ma place à Kurt Linder en toute sérénité. Je redeviens le directeur sportif mais vous savez, mon plus grand bonheur et d'avoir tenu ma promesse envers deux de mes joueurs.

"J'avais dit à Skoblar et à Couecou que je leur ferai gagner la Coupe de France. Voilà qui est fait. Que dire sur le match ? Nous avons fait une bonne première mi-temps. Puis avec nos deux buts d'avance, nous aurions dû terminer en roue libre. En sauvant l'honneur à quelque cinq minutes de la fin, Bastia m'aura obligé à souffrir jusqu'au bout. Mais je ne pense pas, en fin de compte, que notre victoire soit contestable..."

J.F

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Jules ZVUNKA :

"Le couronnement de ma carrière sportive"

On imagine, sans trop de peine, qu'elle fut l'ambiance dans le vestiaire marseillais une fois que tous les joueurs furent assurés de leur victoire.

Les cris de joie, des embrassades, tandis que la coupe, ce fameux trophée chèrement acquis circulait de main en main.

Les olympien avait une piscine à leur disposition. Ils s'y jetèrent tous têtes premières, les uns après les autres, ce qui fit, bien entendu, le bonheur des photographes. Le premier à me dire sa joie fut le professeur Lucconi : "Un fait m'a heureusement impressionné dans cette équipe marseillaise, c'est son métier et sa maîtrise ensemble, nous dit-il. L'O.M. a manoeuvré son adversaire avec un brio qu'il me plaît de souligner. Jamais les joueurs ne se sont affolés. Même quand les Bastiais ont jeté toutes leurs forces dans la bataille.

"Les Corses attendaient peut-être que notre équipe aborde le match à cent à l'heure. Notre calme, au début, les a sans doute désorganisés. Croyez-moi c'est une belle victoire".

M. Gallian, lui, avait passé des moments pénibles pendant toute la rencontre. Il fut même au bord du malaise. Après, ses couleurs étaient redevenues, mais il était toujours sans voix.

"Je ne peux même pas crié avec les autres, dit-t-il. Mais qu'importe, dans des moments pareils, les meilleures joies sont intérieures. Vive l'O.M. quand même".

Les autres dirigeants, MM. Bicais, Caussemille, Poleski, Martinelli ne trouvaient pas de mots eux non plus pour exprimer leur bonheur.

Bref c'était une atmosphère de liesse que seule la victoire en coupe peut engendrer...

Et les joueurs dans tout cela ?

Quels étaient leurs sentiments après le succès sur Bastia ?

Écoutons-les nous en faire part bien que nous nous sommes demandé si chacun d'eux parvenait à réaliser quelques minutes à peine après la fin du match.

CARNUS : "Dans cette cohue des vestiaires, c'est encore plus pénible que sur la pelouse. Mais surtout plus sympathique. Vous savez, je n'ai jamais douté du succès. Quand nous avons marqué notre premier but, je savais qu'un second allait suivre. Josip n'avait pas encore dit son dernier mot. Je reconnais tout de même que Bastia a sauvé l'honneur de magnifique façon".

LOPEZ : "Que dire dans une telle euphorie ? Pour ma part, je crois que nous allons passer, avec tous les amis, des vacances sensationnelles. Et nous ne les aurons pas volées.

BOSQUIER : "Eh bien, voilà mon 3e doublé. Le public m'a sans doute reproché les passes en retrait à Carnus. Mais une finale de coupe s'est trop important. Quand on mène à la marque et que la fin approche, il ne faut pas prendre de risques. Je crois malgré tout que c'est ma finale la plus difficile. Et la plus belle, bien sûr..."

ZVUNKA : "Je crois que c'est le plus beau jour de ma carrière sportive. Qui aurait dit, lors de ma venue à Marseille que j'allais remporter deux titres de Champions et deux coupes de France ? Cette année, nous faisons le doublé et c'est un grand honneur pour moi d'être le capitaine de l'O.M.. Comme joueur, c'est le couronnement."

KULA : "Trois titres en deux ans. Vous ne trouvez pas que ces formidables. Certes, nous avons souffert sur le terrain ou les dispositions de ce stade ne permettaient guère de respirer dans de bonnes conditions. En ce qui me concerne Kanyan fut un adversaire difficile. Mais il n'a pas marqué de but. Alors, je ne m'en suis pas trop mal tiré".

NOVI : "Ce qui nous a le plus surpris, c'est encore la chaleur. Sur la pelouse, c'était intenable. Enfin, nous avons gagné et le reste n'a pas beaucoup d'importance".

GRESS : Gilbert venait d'apprendre que son épouse avait eu un malaise pendant le match. L'incident, bien entendu, était venu troubler sa joie. Mais, quand M. Poujenc vint le rassurer sur l'état de sa femme, Grèce esquissa un sourire pour mieux avouer : "La rencontre fut difficile. Je crois cependant que l'O.M. a joué comme il le fallait. Notre succès est indiscutable".

MAGNUSSON : "Je suis surtout content pour M. Zatelli. Il faut souligner ses mérites. Car je pense qu'il nous a beaucoup apporté. Ceci dit, j'étais en forme et sa victoire en coupe, la deuxième pour moi, me procure une joie rarement égalée".

BONNEL : "Désormais je peux prendre ma retraite. Vous vous rendez compte. Faire le doublé en arrivant à la fin de ma carrière. Oui, je crois qu'avec Mario Zatelli nous pouvons nous retirer sans regret".

SKOBLAR : "Que voulez-vous dire dans de pareil moment ? Je n'arrive pas à exprimer ce que je ressens. C'est fantastique de remporter enfin la coupe de France. Mais, Dieu que ce terrain est pénible. Nous étions tous étouffés, sans trouver notre souffle. J'avais personnellement l'impression de faire un match en salle. Enfin, ne pensons plus à tout cela. L'important est d'être vainqueur".

COUECOU : "Le premier but nous a décontractés. Je pense même que nous aurions pu en marquer d'autres en premières mi-temps. Mais enfin, pour se mon dernier match avec l'O.M., je n'aurais pas raté ma sortie".

Est-ce bien le dernier ? Avons nous interrogé.

"J'en ai l'impression. Tout dépend de M. Leclerc et peut-être de Kurt Linder, notre prochain entraîneur. Peut-être interviendra-t-il auprès du président pour me conserver. En tout cas, sachez-le bien, je ne partirai pas de gaieté de coeur. Disons que j'espère encore".

HODOUL : "Le geste de Bonnel, qui a demandé à sortir pour me céder la place m'a touché. Quant à la rencontre, je pense sincèrement que l'O.M. a mérité son succès. Nous avons eu beaucoup plus d'occasions que notre adversaire".

Terminons par le point de vue de Kurt Linder qui, lui aussi, avait tenu à féliciter ses futurs protégés.

"L'O.M. a tout gagné en France, nous dit-il. Cela ne va pas me faciliter la tâche dès le début de la saison prochaine. Car il faudra faire mieux et ce sera difficile.

"Mon opinion sur la partie ? Elle fut, je crois, intéressant à suivre. Mais je pense que l'O.M. a un peu joué avec le feu en se contentant de son petit but d'avance. C'est parfois dangereux.

"Enfin, ce n'est pas le moment de faire des critiques. Quand on a gagné le dernier match de la saison, ce n'est plus la peine. Maintenant, pensons à la victoire, aux vacances. Nous reparlerons de football plus tard.

Jean FERRARA

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J'étais une île entourée de Corses

Ou la finale d'un "Pinzuttu"

PARIS - Le "Pinzuttu", c'était moi. Spectateur de la rangée K, dans la tribune K, j'étais une île entourée de Corses. Insularité d'ailleurs relative, puisque non loin de moi quelques Marseillais au verbe haut tentaient d'exprimer une supériorité de principe.

Vous l'avouerai-je ? Après quatre jours passés au soleil de Bastia, dans la chaude ambiance d'une ville hospitalière, j'en arrivais à douter de mes préférences. Conscience que l'enjeu de cette finale dépassait de beaucoup le seul cadre sportif - "Je ne monte pas à Paris pour voir le match, mais pour affirmer que le peuple corse est vivant" m'avait dit un Bastiais - et poussé par mes sentiments ardemment régionalistes, j'étais tenté, moi aussi, tout Marseillais que je suis, de prendre fait et cause pour le petit contre le gros, pour la Corse contre le continent.

Tentation seulement, car, réflexion faite, je m'apprêtais à me satisfaire d'un résultat favorisant l'une ou 6l'autre des deux cités. Celle de mes frères de sang ou celle de mes nouveaux amis. Pour moi, O.M. et Bastia c'était bonnet blanc, bleu bonnet...

 OÙ ÊTES-VOUS, COEURS INSULAIRES ?

J'avais retrouvé dans les tribunes, les protagonistes ce drame épique - l'homme au casque de mineur, le virtuose du clairon, l'agitateur de sonnailles... - et le décor désormais familier des têtes de mort et des calicots flambeurs : "Tremblez, Europe, la Corse arrive !". Les Macchiaghioli vêtus de leurs pantalons et gilet de velours noir et de leur blouse à carreaux rouges de muletier, assuraient la nécessaire présence du folklore. Du vrai. C'était la fête annoncée avec fusées et pétards. Comme souhaiter la déroute à des troupes aussi sympathiques ?

D'autant que, sur le plan de l'exubérance, les Corses se révélaient nettement supérieurs. Les premiers, ils franchissaient les barrières pour promener leurs banderoles sur la pelouse et, téméraires et prudents à la fois, accomplir le tour d'honneur que les circonstances leur refuseraient peut-être tout à l'heure. Les premiers, ils plantaient leur fanion au milieu du terrain. Les premiers, ils entendaient leurs chants guerriers.

Remarquez, en fait de champ, je devais vite..., déchanter car après la "Marseillaise" d'ailleurs inaudible de ma tribune, j'entendais la petite fusée parachute donnant le signal du "Dio vi salvi Regina" qui aurait exhorté les joueurs au combat. Elle n'est pas venue. Et au lieu des mille cantiques appris et répétés je dus me contenter du seul et banal "Ave Bastia". Dommage ! Car lorsque les Corses poussent la romance, ça fait du bruit, croyez-moi. On l'a bien vu l'autre soir au départ du "Fred Scamaroni".

Bref, à 14 h. 55, je me disais : "Si l'O.M. gagne, ce sera formidable et si Bastia l'emporte, je serai très content".

Vous allez croire que je voulais ménager la chèvre et le chou. Et que je ne tenais pas à me mouiller. Détrompez-vous. C'était sincère.

À peine donner le coup d'envoi, je me suis laissé porter par l'ambiance regardant d'un oeil l'évolution des joueurs, de l'autre les réactions des supporters bastiais et essayant de conserver à l'égard des un et des autres le froid regard de l'observateur.

Très vite, je dois le dire, j'ai été gagné par une curieuse émotion que je n'avais pas éprouvée depuis longtemps. Est-ce l'ambiance qui se faisait oppressante, la fatigue qui commençait à peser ou ma simple nature de Marseillais ? Je ne sais. Toujours est-il que mon stylo s'est mis à trembler dans ma main et que je me suis assez surpris à crier "Allez l'O.M. !"

Le but superbe de Couecou m'a comblé. Il a anéanti mes voisins de tribune. Ou étiez-vous coeurs insulaires ? C'est à ce moment-là qu'il fallait sortir le répertoire ! Que n'avez-vous compris que c'est alors qu'il fallait sonner la charge !

 ENVOLÉE, LA FIÈRE ASSURANCE !

Il est vrai qu'à ce coup de massue a succédé une morne période où le jeu économique des Olympiens n'avait pas de quoi déclencher les passions. Et sauf quelques rares crescendo, ponctuant les accélérations bastiaises, les fans du S.E.C.B. n'ont guère eu à donner de la voix.

À la mi-temps, ils espéraient encore. Confiance, m'a dit un Corse, on gagnera 2 à 1. Ça manquait de conviction. Le parachute annoncé et alors apparu. Mais le chant patriotique qui aurait dû éclater dans le Parc des princes comme le 'Land on the fathers" dans Arms Park de Cardiff est resté coincée dans les gorges nouées les supporters bastiais. On n'y croyait plus.

Pourtant tout était possible. L'O.M. jouait un football de "retraité", que des Marseillais pourtant fanatiques stigmatisaient devant moi.

Un contre favorable, une erreur de défense, et c'était l'égalisation. Une égalisation que j'avoue avoir souhaitée, pour relancer un match menacé par l'ennui.

Elle aurait pu se produire plusieurs fois, mes voisins corses l'ont bien senti. Certains même se sont estimés léser lorsque, à deux reprises, l'arbitre a négligé de siffler des mains marseillaises de la surface de réparation, donc sous leurs propres yeux. Je vous prie de croire qu'ils ne sont offert un brave chalut et qu'à l'occasion du quart d'heure de domination bastiaise qui a suivi ils ont retrouvé l'ardeur et conviction.

À mon tour, j'ai encouragé le Sporting. Il méritait d'égaliser face à onze promeneurs trottinants. Le sort et Skoblar en ont décidé autrement. Un quart d'heure avant la fin, c'était réglé. Les Corses ont plié drapeaux et banderoles, avalé leur trompette et essuyé quelques larmes... Juste avant la fin, un but d'un des leurs sauva superbement l'honneur de toute l'Ile.

Mais c'était trop tard. Vous pouvez ressortir la panoplie, redonner de la voix, pousser un "ave Bastia" supplémentaire. Il n'y avait plus d'espoir.

Alors, ils ont hué ces blancs qui jouaient la montre.

C'est avec ça que vous allez disputer la Coupe d'Europe ? me suis-je entendu dire. Vous êtes des rigolos !

Tout en reconnaissant (enfin) : " Ils sont les plus forts".

La fière assurance s'était envolée. J'ai pensé un instant au président Lorenzi et à ses projets de fête. À tous les propos échevelés entendus à Bastia depuis une semaine. Aux cris de victoire que lançaient le matin même sur les Champs-Élysées d'innombrables supporters en goguette. C'était déjà loin.

Et dans l'avion nocturne qui nous a ramené sous les cieux plus cléments de l'île de beauté, ceux dont j'avais jusqu'ici partagé la folle espérance ont alors confié leur déception. Une déception qui est aussi un peu la mienne.

J.B

Consternation à Bastia

BASTIA - La finale de la Coupe de France a été suivie aussi intensément à Bastia qu'à Marseille. Mais la défaite de l'équipe corse a causé à travers la ville une déception d'autant plus profonde que la certitude de la victoire avait été grande et que chacun avait accordé à celle-ci une importance démesurée. C'est pourquoi les supporters consternés commentent avec amertume cette défaite et font preuve d'une extrême sévérité à l'égard des joueurs qui étaient devenus leurs idoles.

D'une manière générale, les supporters corses estiment que leur équipe a manqué de détermination, de dynamisme.

Après avoir vécu dans un fol enthousiasme une grande espérance, tout Bastia était plongé hier soir dans la consternation. 

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La folle équipée provençale

PARIS - Samedi, 21 heures, gare Saint-Charles : Ils sont venus, ils sont tout là...

Le flot des supporters, monstrueuse marée humaine submergeant tout sur son passage, s'étale dans un grondement de tempête.

Tout objet propre à faire du bruit est ici utilisé au maximum : il y a des trompettes, des sifflets, des klaxons, des crécelles, des clochettes, des cornes de brume et j'en oublie certainement : "Pour un bel inventaire, il faudrait un Prévert..."

Combien sont-ils ? Cinq mille, huit mille, dix mille peut-être... Difficile à évaluer. Mais peu importe au fond : chacun de fait du bruit pour dix...

Les tenues sont bariolées, hétéroclites : chapeaux mexicains, chasubles portant les inscriptions les plus folles, tee-shirts ou couleur de l'O.M.

De temps à autre, un spasme secoue la foule : c'est un pétard lancé à la volée dont la déflagration fait résonner de longues secondes durant les murs du vieux bâtiment.

À chaque explosion, les gens se sourient, le visage empreint d'une bienveillante complicité, de ce même sourire que vous échangez un soir de réveillon avec des inconnus au bras chargé de paquets...

Les Corses sont déjà partis. Les premiers convois de Marseillais s'ébranlant à leur tour. Mais leur départ n'arrive pas à compenser la masse des nouveaux arrivants qui doivent jouer des coudes pour parvenir jusqu'au quai.

La gare déborde, la garde craque, la gare est en folie : les contrôleurs de contrôlent plus, le bar est pris d'assaut : ceux qui sont venus là attendre un parent, un ami, promènent un visage éperdu au milieu des chants qui retentissent de plus belle.

Les derniers à partir accompagnent chaque convoi jusqu'au bout du quai, brandissant drapeaux et banderoles : "Bastiais, pour la Coupe, voyez votre coiffeur", puis reviennent au pas de course.

Dans les compartiments, les parties de cartes s'organisent déjà. Des immeubles éclairés "a giorno" qui jouxtent la voie ferrée, ce qui ne partent pas, saluent ceux qui s'en vont. Ils ont droit à une ovation.

À Avignon, à Valence, à Lyon, chaque arrêt du train est ponctué de retentissants coups de trompette.

Puis, peu à peu, l'enthousiasme décroît. On s'apprête à passer la nuit.

Il faut économiser ses forces : en aura besoin dans quelques heures...

Dimanche matin, gare de Lyon : "Il est sept heures, Paris s'éveille..."

Nul, ou presque n'a pu fermer l'oeil : le bruit, les arrêts, l'énervement ambiant, le souci (mais oui...) ont eu raison de ceux qui voulaient prendre quelque repos.

Des trains ont précédé le nôtre : mais leurs occupants attendent massés sur le quai, dans un vacarme indescriptible, l'arrivée du dernier convoi.

Et puis c'est la ruée vers les brasseries environnantes : c'est l'air du café-crème et des croissants.

Enfin restaurés, les supporters se sentent un peu tout neuf. Et sans s'être donné le mot, ils prennent par grappes de la direction de l'Étoile.

Le spectacle dans le métro dépasse l'entendement : clairons et sirènes hurlent à vous briser les tympans. Les Parisiens observent, plus intrigués que scandalisés ; un vieux monsieur, cependant, ne prête aucun intérêt à ce remue-ménage : debout, tenant en équilibre sans autre appui que ses deux jambes, il ne daigne même pas lever les yeux du livre qu'il dévore avidement.

Mais d'autres jouent le jeu avec amusement : j'en surprends certains à reprendre en refrain " Notre Cane, Canebière".

Place de l'Étoile, c'est un véritable monôme qui s'organise. On avait parlé de 6.000 marseillais : le chiffre été certainement bien en deçà de la vérité.

Les supporters, agglutinés sur des voitures roulant au ralenti entreprennent de descendre les Champs-Élysées.

Il y en a de tout âge et de tout poil : cela va du monsieur distingué en costume sombre qui porte une casquette "Allez l'O.M." à cet autre qui s'est fait tailler un habit d'Arlequin bleu et blanc, en passant par le père de famille qui tient son fils aîné par la main, et le petit dernier dans les bras. Toute la matinée durera cet étourdissant carnaval.

Pour la première fois depuis le départ de Marseille, nous rencontrons des supporters bastiais : en nombre inférieur ils n'insistent pas et après un timide "Avé Bastia" préfèrent s'éclipser.

Mais j'apprends de la bouche d'un Parisien que des défilés ont eu lieu la veille jusqu'à une heure fort avancée de la nuit. Des heurts se sont même produits entre certains protagonistes quelque peu éméchés.

12 heures 45 : les Champs-Élysées "qui vit sans folie...".

Le groupe auquel depuis Marseille j'ai attaché mes pas à décider de déjeuner de très bonne heure. Sage précaution car, lorsque après avoir mangé nous apprêtons à gagner le stade, nous rencontrons des files interminables qui attendent devant les restaurants des Champs-Élysées.

Sur la route du Parc, ambiance atteint son paroxysme : le conducteur du métro (un Marseillais sans doute) use des freins sur le rythme syncopé qu'on fait leur les habitués du Stade-Vélodrome.

Chaque station nouvelle voit déferler dans notre rame un flot de jeunes gens chargés de tous les attributs du parfait supporter. Deux d'entre eux, tels des hérauts du Moyen Âge, embouchent interminables trompettes dont ils tirent des sons suraigus.

C'est fou, c'est dément, mais après tout "qui vit sans folie n'est pas si sage qu'on croit".

13 heures 45 : le Parc des Princes : "O combien de marins..."

Le stade nous apparaît sous la pluie, formidable masse de béton parsemée de fleurs multicolores.

Les cadets d'Alsace et de Picardie nous offrent un agréable lever de rideau. Mais ce n'est pas eux qu'on est venu voir.

Lorsque, vers 14 heures 50 enfin, à lieu le cérémonial de la présentation des équipes, mon voisin me touche du coude. C'est un sentimental : "En ce moment, moi je pense aux deux capitaines, et surtout à Jules. Perdre une finale c'est terrible, pour un capitaine c'est pire encore. Et lui, à son âge, il ne la gagnera sans doute jamais plus".

À quelques minutes du coup d'envoi, le brouhaha est tel que "La Marseillaise" est jouée dans l'indifférence générale : la moitié du stade est demeurée assise, ne reconnaissant pas l'yomne nationale.

Il reste des places vides, ce qui provoque les commentaires que l'on imagine.

Dans la tribune K, où nous sommes, supporters corses et marseillais ont été placés pêle-mêle.

À 15 heures 12, tous les Marseillais sont debout : Couecou vient d'ouvrir le score.

Mais le supporter joue finement son rôle, surtout avant et après la rencontre.

Les courses folles, toutes banderoles au vent, effectuées par les fanatiques des deux camps avant le coup d'envoi n'ont eu qu'un prolongement modéré par la suite.

Dans la tribune Boulogne, où prédominent les Bastiais, les têtes de Maure demeureront invisibles ou presque, durant toute la première mi-temps qui voit l'O.M. menait le jeu à sa guise.

Elles réapparaîtront après le repos, lorsque les Corses se feront dangereux. Mais il sera trop tard...

À 16 heures 25, tout est joué : Skoblar a changé la face du match. C'est du délire dans les gradins : chacun saute, s'embrassent, se congratulent. Et s'élève le "On a gagné des jours de triomphe, tandis que des fusées et feux de bengale éclatent simultanément aux quatre coins du rectangle vert.

Le but de Franceschetti marquait sous un pâle soleil revenu, n'y changera rien.

C'est fini, "on a gagné".

J'abandonne pour quelques heures mes compagnons d'équipée, sachant déjà de quel délirant concert s'accompagnera le voyage du retour.

Rendez-vous à 20 heures, gare de Lyon.

Encore étourdi moi-même, c'est sans aucune appréhension que je me dirige vers ma seconde nuit blanche consécutive.

A.P.

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CHOEUR BASTIAIS : "Tête haute"

PARIS - On parlait énormément des penalties non sifflés par M. Frauciel dans les vestiaires bastiais.

Comme pour accréditer cette thèse, les séquences qu'un circuit de télévision intérieur repassait sur le petit écran donnèrent en partie raison aux joueurs, dirigeants et entraîneurs bastiais.

L'arbitre aurait pu en accordé un en seconde mi-temps, à la 49me minute exactement, lorsque Kanyan, récupérant une balle (contrée au préalable par la défense marseillaise sur un tir de Dogliani), centra sur Félix, le poing de Zwunka rabattit la balle vers le sol.

En dépit des protestations des Bastiais, M. Frauciel laissa jouer. Le film TV lui donna tort. C'était incontestable.

MM. MARIOTTI ET NATALI : LA TÊTE HAUTE

MM. Mariotti et Natali, membres du comité de gestion soulignaient :

"Nous sortons la tête haute. Il nous a vraiment manqué peu de choses pour réussir dans notre entreprise, c'est dommage, Marseille était plus expérimenté".

COEUR DES JOUEURS :

"QUEL ARBITRE !"

"Nous avions de grandes chances d'inverser le résultat car nous avez pu le constater, les Marseillais étaient plus émoussés que nous en fin de partie", disait Calmette.

"Il fallait jouer plus virilement. On a laissé trop de champ libre à Magnusson".

Dogliani : "Nous méritions un penalty au moins. Ensuite, tout aurait pu changer. C'est vraiment dommage".

Mosa : "Si Franceschetti s'était laissé tomber sur l'obstruction flagrante dont il fut victime, en première mi-temps, l'arbitre aurait accordé la sanction suprême. Il avait le sifflet à la bouche et ne savait plus quoi faire".

On discutera longtemps encore sur l'arbitrage de M. Frauciel, mais il faut reconnaître également que le premier but pesa lourd dans la balance.

Et Bastia a bien mérité de la victoire.

Dominique FIGARELLA

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Une sage finale

PARIS - Finalement - et fort heureusement - cette finale de coupe s'est déroulée beaucoup plus calmement que prévue et sans grave incident, malgré un jet de bouteille sur un agent après le match.

Les supporters des deux camps ont su faire preuve d'une relative sagesse.

La passion n'a pourtant pas été exemple. Et la passion peut être juvénile. Ainsi à 11 heures, du matin, gare Saint-Lazare, un groupe de petits louveteaux, sac en bandoulière, tournant résolument le dos au parc des Princes, pour laisser s'ébattre dans une forêt d'Île-de-France n'en scandaient pas moins : "Allez l'O.M., Allez..."

Dans ce quartier de Saint-Lazare un restaurant avait affiché : "en raison de la finale de la coupe le service du déjeuner, commencera exceptionnellement à 11 heures".

FRATERNISATION DANS LE

MÉTRO

Dès 13 heures, les métros desservant le parc des Princes, était surchargé de candidats au parc des Princes, à la station Trocadéro, nous craignîmes le pire en voyant monter des supporters de l'O.M. déjà bondé de Corses.

Mais heureuse surprise, jeunes gens et jeunes filles après avoir échangé quelques slogans en vinrent vite à une sympathique fraternisation.

Presque un flirt.

GAGNANT À COUP SUR

Le parc était quasiment complet dès 13 h. 30, et le défilé coloré des supporters apportait une belle ambiance.

Un supporter prudent (ou arriviste ?) jouait visiblement sur les deux tableaux en portant un maillot favorable à l'O.M. et une casquette aux couleurs de Bastia.

Un autre supporter disait à son copain : "Qu'on perde ou qu'on gagne : rendez-vous ici".

L'AMICALE DES ANCIENS DE L'O.M.

Lucien Troupel et Lucien Leduc deux anciens entraîneurs de l'O.M. se sont retrouvés et Leduc disait en souriant : "Les anciens entraîneurs de l'O.M., licenciés ont droit au défilé de la victoire, étant donné le nombre important que nous sommes nous devons être représenté dans ce défilé, oui, nous y avons droit".

LE BATEAU A-T-IL SOMBRE ?

Pendant toute la durée de la finale division entière du parc est restée vide de spectateurs alors que tout avait été loué. Cette anomalie a attiré que l'attention de tous et quelques commentaires.

Mon voisin a avancé une explication pessimisme en disant : "C'est un bateau venant de Corse qui a dû sombrer".

En vérité, seuls les espoirs Corses ont naufragé...

LA PART DE L'O.M.

32 MILLIONS.

Jouant à guichets fermés le nouveau parc des Princes, a pu afficher avant même le début de la finale le nombre de spectateurs payants 44.069 et la recette enregistrée 1.361.157 francs.

Sur ce chiffre de recette, il faut déduire tout d'abord 20 pour cent, de taxes et frais divers, et, ensuite, la part prélevée par la fédération de football et les ligues.

C'est ainsi que, finalement, les deux clubs finalistes de l'O.M. et de Bastia, toucheront, chacun la coquette somme de 32 millions d'anciens francs.

De quoi payer quelques primes aux joueurs.

Marcel SERRES SUBE

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Quatre gardiens de la paix

légèrement blessés

Ce ne fut qu'après que le Président de la République eut remis de la coupe au capitaine de l'O.M. que des incidents et de courtes bagarres éclatèrent entre le service d'ordre et des supporters surexcités par la victoire de leurs favoris.

Les grilles de protection du virage Auteuil qui séparaient la tribune de la pelouse sautèrent sous la poussée de quelques centaines de supporters, des jeunes gens pour la plupart, qui envahirent le terrain.

Ces incidents firent une vingtaine de blessés dont quatre membres du service d'ordre, deux d'entre eux étant atteints plus sérieusement par des jets de bouteilles.

Les quatre gardiens qui avaient reçu des projectiles divers, ont été conduits à la maison de santé des gardiens de la paix.

 

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CHAMPIONS

DE LA COUPE

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