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Résumé Le Provencal

du 27 juin 1971

 

 

LE TITRE ET LE SOULIER

40.000 spectateurs ont participé au couronnement de l'O.M.

L'O.M. est champion de France.

Il y avait un très léger doute avant la rencontre. Il a été vite levé. Adieu suspense.

Ainsi donc se termine, sur une brillante 26me victoire, une saison qui avait débuté au mois d'août passé par un premier succès à Strasbourg, aux dépens de la même équipe alsacienne.

Nous savions que l'O.M., même battu, pouvait conserver le titre. Mais l'immense foule provençale venue hier soir au Stade Vélodrome méritait mieux.

Elle voulait une fin triomphale, une apothéose. Elle l'a eu. Comme elle a vu aussi son idole Skoblar, monter symboliquement sur la première marche du podium des buteurs européens.

Ce public de gala fait de tous les supporters de l'O.M. - les plus calmes et les plus fanatiques - n'a même pas eu à peser de tout son poids sur la rencontre.

Le triomphe de l'O.M. a été aussi celui du football et du sport.

Tout s'est passé clairement, simplement, à la bonne franquette et dans le meilleur esprit. Une grand fête populaire, à la marseillaise.

Une victoire qui ouvra l'O.M. une large porte sur la plus grande compétition européenne.

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  Un O.M. royal

Il y a eu un match.

Il faut tout de même en parler, bien qu'il ne soit plus déjà qu'une simple péripétie, au demeurant prévisible, noyée dans l'ensemble des festivités devant suivre la conquête du titre.

Strasbourg, ce qui peut paraître un comble, était venu en l'été à Marseille dans l'intention d'y geler le jeu. C'était évidemment la mauvaise méthode.

Il y a trois ans, contre la France, le numéro d'Osim n'avait été payant que parce que, devant et derrière le grand Yougoslave il y avait une défense de fer dirigée par Pantelic.

Entre l'équipe nationale de Yougoslavie et celle de Strasbourg, il n'y a aucun point de comparaison. Mieux encore, puisqu'il faut être objectif, les Strasbourgeois, déjà inférieurs aux Olympiens et ayant, semble-t-il, choisi la mauvaise manière, furent involontairement trahis par leur gardien Schuth.

L'O.M. n'avait pas encore passé sa quatrième vitesse, et de loin, que Bonnel, l'opportuniste, profitant des deux fautes de débutant du gardien alsacien, ex-international, marquait deux buts.

C'était beaucoup pour cette infortunée équipe qui, lancée dans une course-poursuite sans espoir, eut au moins le mérite de réduire l'écart.

SKOBLAR : UN RECORD À LA BEAMON

Tout à fait décontracté par la réussite du précieux "Jo", l'O.M. prit alors complètement la direction de la rencontre, et les buts s'accumulèrent.

Mais que Bonnel ait marqué deux buts, dont un précisément sur une passe de Skoblar, n'arrangeait en rien les affaires du futur "soulier d'or". Ce but, ou plutôt ces buts de Skoblar, on les voulait, et les partenaires de Josip, plus encore que les 40.000 spectateurs.

Il nous est agréable de noter que trois joueurs mirent le pied à la pâte, pour permettre à leurs prestigieux partenaires de distancer nettement et définitivement Keita : Gress, Novi et Couecou.

Quarante quatre buts, c'est une performance qui, un peu comme le fabuleux record du saut en longueur de Beamon, sera difficile à battre à moins que Josip, la saison prochaine.

CHARLY EST PARTI EN BEAUTÉ

Il y a tout une hiérarchie. Le plus joli des trois buts de Skoblar et des neuf marqués au cours de la rencontre fut le troisième par maître buteur olympien.

Un centre de Couecou, lequel venait d'entrer, et une reprise en pleine extension, suivie d'un coup de tête fulgurant. Encore un but modèle, un but de grand gala. Celui de Loubet, fut aussi fort joli, mais on peut se demander si le placement de Schuth, sur ce tir d'angle fermé, était bien celui qui s'imposait.

Il n'en reste pas moins que Charly, l'ancien et futur Niçois, a quitté le Stade Vélodrome en beauté, applaudi par son public marseillais.

On le regrettera, et il regrettera l'O.M. c'est certain.

LES FUTURS GRANDS ADVERSAIRES

EUROPÉENS DE L'O. M.

Voici maintenant, puisque demain sera à peine dans un mois, quels seront les principaux grands adversaires européens de l'O.M.

Nous vous les donnons de la tête. En voici quelques-uns et des meilleures en vrac : l'Inter de Milan, Benfica, le Standard de Liège, Feyenoord et Ajax, Grassophers de Zurich, Arsenal, le Celtic, Travna, Moenchenglabach, Dresde, pour l'Allemagne de l'Est, etc...

Que voila déjà du beau monde et quelques matches de gala pour la saison prochaine !

Mais restons en 1971. L'O.M. est champion de France, c'est déjà magnifique. Il faut à présent fêter ce succès comme il convient. À la saison prochaine des tâches supérieures.

Maurice FABREGUETTES

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  LA GUERRE PSYCHOLOGIQUE

Quarante-cinq minutes avant le coup d'envoi, M. Imbert, directeur du Stade-Vélodrome était très ému : "Il n'y a plus une place à vendre ! Je vous assure que ça fait plaisir".

Une centaine de candidats spectateurs ne purent pénétrer dans l'enceinte du Stade Vélodrome et s'en retournèrent déçus, mais nous avons rencontré en ville des gens qui n'avaient pas envie d'assister au match de l'année. Cela paraît pourtant incroyable, mais cela est vrai.

Le carnaval de Rio vous connaissait ? Au fond, le Stade Vélodrome en folie lui ressemble beaucoup.

Tirs de masse de fusées multicolores, coups de clairon, floraison de drapeau bleu et blanc...

Les joueurs strasbourgeois n'ont pas été sifflés à leur entrée sur la pelouse, non parce que les spectateurs ont fait preuve brusquement d'un fair-play étonnant, mais parce qu'ils arboraient le maillot blanc immaculé tandis que les Phocéens étaient en rouge.

La guerre psychologique a commencé bien avant le coup d'envoi, puisque les spectateurs se sont mis à scander d'un seul choeur : "On a gagné !"

L'entraîneur Lucien Leduc désirait que le public appuie son équipe par des encouragements fervents ; il n'a pas été déçu, car les supporters n'ont pas ménagé leurs efforts dans les rayons les plus divers.

Quand un défenseur strasbourgeois se plie en deux après avoir reçu le ballon dans l'estomac, le soigneur alsacien voulut se précipiter à son secours, mais l'arbitre M. Uhlen, le lui interdit. Il ne voulait pas d'un arrêt de jeu pour ce qu'il estimait n'être qu'un vulgaire petit bobo.

Beaucoup de transistors, au stade, pour suivre en parallèle Nantes - Saint-Étienne, avec l'O.M. - Strasbourg. À la 20e minute, les chers auditeurs exultent, Nantes menait par 1 à 0 devant le tenant du titre 69-70.

Au moment où Leclerc a réduit le score pour les gens de l'Est, un fan de l'Olympique a blêmi et s'est écrié : "Oh ! les gars, faites attention, souvenez-vous du Red Star !

Alain DELCROIX

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  Du stade au Vieux Port

Le cri de joie de 40.000 Marseillais

Comment décrire l'indescriptible ?

La langue française est désespérément pauvre pour traduire l'intraduisible. Quand je pense que Racine a écrit "Phèdre" avec six cents mots ! Il m'en faudrait au moins le double pour raconter ce que j'ai vu.

Pour qualifier cet inextinguible estrambord, ce délire collectif, qui, dès le début, gagna le stade, et qui, dans un extraordinaire crescendo, se répandit ensuite aux quatre coins de la ville.

Le "happening" totalement "dingue" auquel donnèrent lieu les quatre vingt dix minutes de la partie, je ne vous en dirai rien. Vous connaissez le scénario. Ça commence par des slogans, des pétards et des fusées, qui, les uns et les autres, fusent de toutes parts dans des odeurs de merguez et de poudre. Ça continue par des sonneries de clairons et des "airs des lampions". Ca finit dans un déchaînement. Quarante mille voix et un seul cri : "On a gagné ! ". Plus un déluge de "sous-cul", de boites et d'objets divers.

Je vous dirais simplement qu'en fait de sons et lumières, les supporters marseillais avaient mit le paquet. On n'avait jamais vu pareil festival.

 Vous venez du stade ?

Pourtant, ce n'était rien par rapport au spectacle de la rue, lorsque, vomie par toutes les bouches du stade, la horde sauvage s'est répandue dans les avenues, devenues subitement trop petites.

Le défilé de la Coupe, de joyeuses mémoires, de fut qu'une aimable procession de patronage à côté de ce carnaval démentiel ! Pris dans le flot des voitures, avec un groupe de fanatiques, j'ai vécu une partie de cet inoubliable spectacle.

22 h. 50, rond-point du Prado : les agents sont pris d'assaut. La bise ! la bise... Bonne pâte, ils sourient. Que pourraient-ils faire d'autre. Ce soir tout est permis.

Le défilé se forme. Il y a les "à-pied" et les "en-voiture". Ceux-ci vont moins vite que ceux-là. Mais on n'est pas pressé. La victoire... ça se savoure lentement !

Clairons, trompettes d'harmonie, cors de chasse, crécelles, tambours de Basque, Corne de brume, sifflets à roulette... le plus grand orphéon du monde joue sans aucune mesure l'hymne ohémiste, une espèce de concerto dont les solistes sont les tonitruants avertisseurs des "quatre roues".

Les bagnoles, parlons-en ! Il y a presque autant de monde dessus que dedans. Mon compagnon claironnant a laissé le volant à un de ses complices. Il est maintenant sur le toit et sonne la charge. Il engage la conversation avec les passagers des autobus - qui se trouvent être à son niveau - vous venez du stade ? Qui c'est qui a gagné ?"... Grosse astuce entendue mille fois sur le parcours Rond-point - Félix Baret...

 Dans la grande fraternisation

Sur le pas de sa porte, une jeune femme en chemise de nuit se fait chahuter. Dame, on est Olympienne ou on ne l'est pas ! Elle aussi veut participer...

Il est 23 h. 15. Castellane. La démence n'épargne personne. Hommes, femmes, enfants de tous âges sont pris dans l'exaltation du triomphe. C'est la grande fraternisation. On ne se connaît pas. On se reconnaît !

Rue de Rome vers. On suit le mouvement. On ne sait pas où on va, mais on y va... Sur le trottoir, un père dominicain (grave) regarde (gravement) le défilé. Puis loin, des gosses à leur fenêtre rappellent les sacres de Broadway : ils ont mis en morceaux l'annuaire des P.T.T. et en fond une pluie de confetti.

Ici, un vieux couple s'interroge : "Ca doit être pour l'O.M.". Là trois belles de nuit, en rupture (provisoire) de job, se mêlent à la voix et du geste à la joie unanime. Pour célébrer l'événement, il y a plus ni jeunes ni vieux, ni homme ni femme, ni bourgeois ni ouvriers, mais quarante mille Marseillais merveilleusement heureux.

23 h. 30. Arrivée devant le siège de l'O.M. J'abandonne mon chauffeur et ses amis. Je quitte la fête. La folle nuit commence...

Jacques BONNADIER

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SKOBLAR : "Le plus beau jour de ma carrière sportive"

Les vestiaires sont envahis par les journalistes, photographes et opérateurs de télévision. Tous les Olympiens, le sourire radieux, répondent aux interviews et aux félicitations.

Josip Skoblar, lui, est tout seul dans un coin de banc, la tête entre les mains. Il répond à la poignée de main de M. Gaston Defferre et des personnalités de la ville. C'est son premier mouvement.

- Alors Josip ?

- Je suis fatigué, exténué même, mais content, vous pensez bien !

L'O.M. est champions et moi j'ai gagné mon soulier d'or. Que pouvais-je souhaiter de plus ? Pourtant, au début du match, j'étais contracté. Maintenant je peux dire. On ne sait jamais ce qui peut se passer au cours d'une rencontre de football. Ç'aurait été trop bête de perdre, si près du but. Si c'était possible.

"Enfin, j'ai le trophée du meilleur buteur, et je crois l'avoir bien mérité. J'ai toujours été en avance sur Keita, et il ne m'a rejoint qu'en fin de saison.

"Oui, le sort a été juste avec moi, en me permettant d'inscrire trois buts ce soir, mais s'il m'avait fallu choisir, j'aurais préféré, bien sûr, le titre pour l'O.M.

"Nous avons les deux et, pouvez me faire confiance, c'est le plus beau jour de ma carrière sportive !"

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Nos reporters seuls témoins de...  

La dernière feinte de Josip

Josip SKOBLAR était le premier rhabillé, hier soir. La couronne du premier but européen ne parvenait pas à lui faire perdre ce visage sombre de comploteur aux aguets.

Et, sur les coups de 23 heures, Skoblar complotait effectivement. Chemise bleue, lunettes noires, le cheveu court et ruisselant, il profita d'un moment d'inattention des supporters-cerbères à la porte du vestiaire, pour se diriger d'abord vers la piste cycliste du stade.

Pantelic l'y attend. Les subtilités de la langue slave nous étant totalement étrangères, il faut se résigner. Les comploteurs de l'Adriatique gardent leur secret...

Mais il semble que le sujet de leur préoccupation ne soit pas si grave, au fond. Non, rien de grave. Josip dans l'index vers les tribunes Ganay. Voilà nous allons enfin compris.

Comment sortir du stade sans courir trop de risques ? C'est pour le premier buteur européen de l'année, un problème peut-être aussi difficile à résoudre que de devancer Salif Keita au classement du "Soulier d'or".

Les Yougoslaves évaluent leurs chances. Trois minutes de "gamberge"... Le projet est abandonné.

Nouvelle tentative, banale, celle-ci, vouée irrémédiablement à l'échec : Josinp pensait sortir, comme tout le monde par la porte donnant accès aux vestiaires. Il lui faut 30 secondes pour renoncer, le temps de dédicacer une photo à un jeune invalide Cloué d'admiration et d'une tristesse émouvante sur les marches donnant accès aux tribunes Jean-Bouin.

C'est la retraite précipitée vers les vestiaires. Cinq minutes d'indécision.

- Attendez le car des joueurs, propose un dirigeant.

Josip Skoblar hausse les épaules... Il connaît les débordements de certains supporters. Et puis, je crois qu'il prend peur tout à coup. Les pompiers ne cessent, depuis un long moment, de parcourir les coursives du stade, une civière pendue à leurs bras. Tout à l'heure, un brigadier de police gisait, le crâne en sang : une bouteille lancée à toute volée par un sot, que l'on n'ose identifier à un vrai supporter, a traversé son képi.

Tout de même, cela fait réfléchir, même un garçon connu pour avoir des réflexes rapides.

Troisième tentative. Ce sera la bonne. Josip et Ilya reviennent vers la piste cycliste.

Allons-y...

Pour les deux hommes, il s'agit de gagner le boulevard Michelet, sans se faire reconnaître. La ligne droite n'est pas ce soir le plus court chemin. Jusqu'à la sortie derrière les praticables noyées dans la nuit, il n'y a pas de problème. Le plus dur reste à faire cependant. Comment contourner le stade à pied ? Cela paraît impossible. Jusqu'à l'arrivée providentielle un supporter gastronome : notre homme partage sa vie entre les gradins du Stade-Vélodrome et son fourgon pizzeria à l'enseigne de "Chez Francis".

Francis a compris, vous aussi sans doute. C'est en pizzaiolo que le premier footballeur d'Europe a quitté hier soir le terrain de son plus bel exploit. Le chauffeur cuisinier a poussé la sollicitude jusqu'à maquiller totalement la vitre de son fourgon d'énormes posters à l'effigie de l'équipe complète pour tenter de masquer la présence de son passager prestigieux. Le voyage ne manquait pas, par ailleurs de pittoresque.

À la sortie des grilles, "Francis" est interpellé par ses collègues de professions parallèles les marchands de merguez :

- Oh Francis ! Je te l'avais bien dit. Té, j'avais même pronostiqué les trois buts de Skoblar. C'est le plus fort...

Francis cligne de l'oeil. Je perçois une lueur de regret chez le vrai pizzaiolo. L'envie le démange de hurler à ses amis que Skoblar, oui, le grand Skoblar, eh bien ! il est là, dans son fourgon, noyé dans la pâte à pizza, les anchois et les fromages. À s'ils savaient !

À ce moment-là, j'en suis certain, Francis laisserait toute sa recette de la soirée pour ouvrir les battants du fourgon devant ses amis :

- Té Skoblar, il est là... Il est à moi...

Pour dix minutes encore, il fait une chaleur d'enfer sous la tôle chauffée à blanc, sans doute, pendant toute la rencontre. Les pizzas se sont bien vendues et le feu couve encore, juste derrière nous. Au point de faire avorter la fuite, presque à son terme. Josip se sent mal à l'aise :

- Il fait trop chaud. Vite, on ne peut plus rester là-dedans...

Et la balade continue. Et Francis emprunte les ruelles les plus anonymes de Sainte-Marguerite. Le fourgon et ses yougoslaves retrouvent le flot du boulevard Michelet. À hauteur du passage de l'Huveaune nous décidons d'abandonner Francis.

Le plus dur semble être fait. Les Marseillais marchent pourtant par grappes serrées sur les trottoirs du boulevard Michelet. Voilà le véritable exploit de la soirée. Nous les entendons. Ils ont dû Skoblar dans la bouche. Josip est à leurs côtés. Personne ne fait attention à ces deux garçons escortés par notre photographe et de votre serviteur. Que se passerait-il si l'idole était reconnue ? Tout est possible. Le Yougoslave rentrerait peut-être en caleçon chez lui...

Les lunettes noires lui dévorent ce visage de fauve en chasse. Il ne m'a jamais paru aussi sombre, redoutable. Et, pourtant, je crois bien que ses yeux doivent se plisser de malice, sous les verres opaques.

Ah ! Il s'est encore payé un bon moment ce soir, en dehors du temps réglementaire. Pour arriver devant la porte de son ami Pantelic, où il va pouvoir se relaxer à l'abri, face au stade, il a réussi à se mêler à ses admirateurs sans se faire reconnaître. Ceci aussi n'était pas un mince exploit, hier soir.

Il franchit la porte vitrée d'un immeuble immense sur un boulevard Michelet. À 100 mètres à peine, 2.000 marseillais hurlent son nom sur l'air des lampions : "Skoblar, Skoblar, Skoblar..".

Josip ôte ses lunettes. Il sourit enfin.

François MISSEN

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LEDUC : "Ces six mois compteront dans ma vie"

La victoire finale de l'O.M. ne faisait de doute pour personne et si les intéressés se défendaient d'être déjà en possession d'un titre, c'était par pure courtoisie envers leurs adversaires et peut-être un peu par superstition.

Mais encore leur fallait-il quitter la compétition sur une large et belle victoire en harmonie avec l'ambiance extraordinaire d'hier soir et venant parachever dignement "l'apothéose".

Venu féliciter les joueurs victorieux aux vestiaires, en compagnie de M. le préfet Laporte, M. Gaston Defferre, député-maire de Marseille, devait leur dire :

"Votre victoire est le résultat d'un travail d'équipe. Il est dû à la conjugaison de vos efforts, de ceux de vos dirigeants et de celui de la municipalité. Je me fais l'interprète des Marseillais, fou de joie, ce soir, en vous disant que je suis heureux et fier".

Évoquant ensuite la Coupe d'Europe, le président Leclerc ajoutait : "Si le maire de Marseille veut vous faire confiance, j'espère que nous irons encore plus loin dans la voie du succès. La coupe et le championnat en quelques années d'exercice, c'est déjà un des débuts prometteurs".

Autour de nous, les joueurs et les responsables faisaient face aux exigences de nos amis de la presse parlée et télévisée.

Et nous fut difficile d'approcher Lucien Leduc, ruisselant de sueur.

"Vous savez, malgré nos difficultés et ma prudence, je n'ai jamais désespéré. Nous disputions championnat et coupe et quand la première épreuve parut nous filer entre les mains, il nous restait la seconde et vice versa.

"Je suis surtout heureux que nous ayons gagné notre titre sur le terrain en enlevant toutes les rencontres du sprint final et en marquant beaucoup de buts. Ces six mois auront compté dans ma carrière. Et je dois rendre grâce à Mario Zatelli avec lequel je me suis parfaitement entendu. Dans le fond, il a joué la première mi-temps et moi la seconde..."

Mario intervenait très discrètement :

"Oui, tout s'est passé sans le moindre heurt et nous avons gagné le titre sur notre lancée, les choses étant déjà bien avancées."

Parmi les joueurs marseillais quelques-uns ne parvenaient pas à articuler le moindre mot, comme Jean Pierre Escale ou le capitaine Jules Zwunka, qui, nous le jurerions bien, pleurait dans son coin.

Mais Charly Loubet analysait calmement la situation.

"Il est prévu que je laisserais ma place à Couecou. Je suis heureux pour lui, qui a joué une bonne seconde mi-temps et fait marquer un but à Josip. Il est mon successeur tout désigné à l'aile gauche et je ne vois pas très bien pourquoi l'O.M. irait chercher si loin ce qu'il a peut-être sous la main.

Sur le terrain, la substitution des deux hommes s'était fait de façon émouvante. Didier portant Charly en triomphe.

Roger Magnusson était certainement l'un des plus heureux parmi les joueurs marseillais.

"Vous ne le savez peut-être pas, mais c'est mon premier titre et je vis une soirée merveilleuse. Je voudrais vous demander dans toute cette joie de ne pas oublier M. Zatelli. Il a pris une très grande part dans notre succès."

Gilbert Gress avait, de son côté, appris avec stupeur la relégation de Strasbourg et pour un peu il aurait regretté d'avoir participé aux malheurs de ses anciens coéquipiers.

Nous laisserons le mot de la fin à Pantelic.

"Savez-vous que je suis le seul joueur marseillais à avoir déjà enlevé un titre chez moi, avec Vojvodina. Eh bien, celui-ci auquel je n'ai pourtant guère participé, me procure autant de joie que l'autre. L'O.M. est un si bon club et ses joueurs sensationnels".

Là-dessus le grand gardien yougoslave refuse d'aller faire un tour d'honneur avec ses camarades :

"Vous avez déjà vu un joueur de football courir habillé comme cela ?"

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6 buts à 3 !

SKOBLAR roi des buteurs européens (44 buts)

Samedi 26 juin 197. Il est 20 heures 30 et le Stade Vélodrome n'a jamais autant mérité le qualificatif de cratère.

Le premier coup de tonnerre arrive avec l'entrée des deux équipes sur le terrain, dans les formations annoncées. Le cri des 40.000 spectateurs est chargé de poudre. La clameur et presque effrayante.

M. Uhlen siffle. C'est parti pour le dernier acte du championnat, l'heure de vérité de la saison de football. Parti, est-il besoin de souligner, sous le plus beau feu d'artifice qui ait jamais illustré illuminer le Stade Vélodrome.

Les Alsaciens s'en tirent avec une succession de corners. Mais pas pour longtemps. Un nouveau coup franc arrive, cette fois de sur Skoblar. Josip, sans attendre, donne à Bonnel démarqué. Le numéro neuf marseillais s'avance, profite d'une hésitation de Schuth et vient le battre imparablement à bout portant (12me minute).

Pour l'instant, O.M. est champion de France.

 ENCORE BONNEL.

Un petit numéro de Magnusson, maintenant ponctué par une passe sur Gress dont le tir frôle le montant droit des buts (17me minute). Les infortunés visiteurs, comme prévu, ne sont pas à la fête et l'O.M. ne relâche pas sa pression d'un pouce.

Un tir de Novi est repoussé par Schuth, mais Bonnel est encore là à la réception, et comme tout à l'heure, il ne laisse aucune chance au gardien strasbourgeois (20me).

 AUTOUR DE SKOBLAR.

Pendant ce temps-là, que fait Skoblar ? Il attend son tour qui ne tarde pas à venir. Au départ de l'action, Magnusson donne à Gress une balle de rêve. Gilbert cherche Skoblar, le trou, tant et si bien que la reprise de Josip se termine dans les filets de Schutk (24e minute).

Dans le stade, c'est une nouvelle explosion. L'O.M. mène par trois buts à zéro.

 STRASBOURG RÉAGIT.

On serait presque tenté d'écrire : qu'est donc venu faire Strasbourg dans cette galère ? Mais le grand Osim va pourtant faire sentir ses camarades de la torpeur, international yougoslave adresse une longue balle sur Leclerc, le petit et l'ailier résiste au retour de Kula, tire une première fois, Escale repousse, mais malheureusement sur le même Leclerc qui sauve l'honneur (33e).

 LOUBET ET SKOBLAR AJOUTENT.

Le moment d'émotion passé, l'O.M. reprend sa série d'attaques échevelées par Skoblar notamment qui charge dur pour servir son ami Loubet. L'ailier international s'enfonce comme un fer de lance et son tir laisse une quatrième fois Schuth sans réaction (36me).

Puis c'est Novi qui va donner à Skoblar l'occasion d'un 5me but sur un centre imparable ; Josip, comme à la parade ne manque pas une pareille aubaine (44me).

À la mi-temps, et comptant bien, cela fait du 5 à 1 dont 2 nouvelles unités pour le roi des buteurs.

 SKOBLAR, GRAVA ET MOLITOR.

La seconde mi-temps est marquée par l'entrée de Couecou à la place de Loubet (49e) ; moment émouvant quand les deux joueurs s'étreignent sur la pelouse.

Didier débute aussitôt par un coup d'éclat, de l'aile gauche et de 30 m il trouve la tête de Skoblar posté en embuscade, ce qui vaut à l'O.M. un 6me et magnifique but (50me).

Strasbourg a alors le mérite de ne pas renoncer.

Sur coup franc indirect à l'intérieur de la surface de réparation, les Alsaciens vont même obtenir un deuxième but : Prou - Grava et tir de l'arrière alsacien qui va se loger dans le coin gauche des buts d'Escale.

Le gardien marseillais, masqué par une forêt de jambes n'a pas bougé (53e).

Et les Strasbourgeois n'en restent pas là puisque sur un exploit de Molitor, ils parviennent à inscrire un troisième but qu'à vrai dire on n'attendait guère au départ. Un tir de l'avant-centre alsacien et intercepté du bout des doigts par Escale, mais la balle n'en termine pas moins sa course dans la cage (61e).

6-3, un vrai score de rugby et un festival de buts pour les spectateurs.

Jean FERRARA

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(autres photos)

 

 

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