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Résumé Le Provencal

du 22 février 1971

 

VICTOIRE DU COURAGE

L'INTELLIGENCE, LA FINESSE ET LA TECHNIQUE

ONT FAIT PENCHER LA BALANCE

SEDAN - La dernière image de cette rencontre fut celle d'un corner. Le seizième pour Sedan. L'arbitre avait déjà le sifflet à la bouche.

Le ballon qui retombe dans la surface de réparation de l'O.M. une nouvelle mêlée ouverte, le maillot vert d'Escale, la chevelure blonde de Tripp, des coups de coude, des genoux qui s'égarent, de la grogne, de la rogne... et c'est la fin.

L'O.M. a conservé sa précieuse victoire mais ce fut une très chaude affaire. Un vrai match de coupe, comme on pouvait le prévoir, et qui, tout en accordant à l'énergie sedanaise le coup de chapeau qu'elle mérite, se termina assez logiquement.

La victoire avait choisi d'accorder ses faveurs à l'équipe qui sut utiliser avec le plus d'intelligence, de finesse et de technique, les quelques occasions que l'inlassable pression ardenaise lui permit de se procurer.

Victoire donc à l'italienne, une fois encore, victoire de la contre-attaque, mais victoire seulement rendue possible par l'esprit de corps, l'abnégation et le sang froid aussi de défense et de tous les autres joueurs, pas qualifiés de défenseurs et qui, pourtant, ne craignirent pas de mettre la main à la pâte en 90 minutes.

Avant tout, et en dépit de quelques brillants solides ténors attaquants de l'équipe, ce fut la victoire d'une collectivité, d'un groupe de camarades désireux de démontrer que la classe, fût-elle grande, n'est rien sans l'esprit de combat.

Un grand combat

Car la rencontre que nous venons de voir, sous la pluie et sous le soleil alternativement, sur un terrain spécifique de l'Est par sa lourdeur, peut-être qualifié de grand combat.

L'équipe de Sedan est sans doute assez limitée en finesse technique, on peut reprocher à ses attaquants un réel aveuglement mais dans l'art de récupérer le ballon, de se battre pour empêcher l'adversaire de passer, elle ne mérite que des éloges. Demandez à Magnusson, à Skoblar, et à Loubet principalement, ce qu'ils reçurent comme coups, combien de fois ils furent bousculés, saisit à bras-le-corps jetés au sol, et ils vous répondront tous en choeur :

"Mais ils sont fous, c'est sedanais !".

En tout cas, fous ou pas fous, ils imprimèrent à la rencontre un rythme infernal quatre-vingts dix minutes durant, et le mérite de l'O.M. n'en est que plus grand d'avoir subi cette bourrasque avec le minimum de dégâts.

Aussi, pardonnera-t-on aux défenseurs olympiens d'avoir sacrifié l'agréable à l'utile, le trop bien joué à la prudence.

Devant Escale, au sujet duquel on s'est réjoui tout le long du match qu'il fut là, ils formèrent un bloc homogène et efficace, confirmant ce que nous écrivions la semaine dernière, à savoir qu'ils étaient plus à l'aise quand leur équipe est dominée que quand elle domine.

Il ne faut pas vouloir sans cesse transformer une équipe, mais la prendre comme elle est, avec ses qualités, et ses défauts.

Ce serait la meilleure leçon de ce match victorieux, qui vient bien à point pour relancer l'O.M. vers les sommets.

Pas si petit que ça

ces Sedanais !

Si, dans son ensemble leur rencontre fut acharnée et fort indécise, on put croire cependant pendant le premier quart d'heure, qu'elle allait se terminer au net avantage de l'O.M.

La tactique olympienne paraissait se résumer ainsi : "Laissez venir à moi ces petits Sedanais" et ça marchait de façon merveilleuse, miraculeuse !

Skoblar avait marqué d'entrée, un tir de Loubet s'était écrasé sur le poteau, et pendant que les Sedanais fonçaient têtes baissées, sans causer encore le moindre souci à Escale, les contre-attaques olympiennes se développaient comme à la parade.

C'était presque trop beau pour être vrai.

Puis, on commença à s'apercevoir que les Sedanais n'étaient pas si petits que ça, et qu'il faudrait sans doute lutter à mort jusqu'au bout pour arracher la victoire, ou à défaut le point du match nul.

Les deux ailiers Dellamore et Hardouin se montraient particulièrement entreprenants, et les Cardoni, Le Bihan, Wicke le trop rude Fugaldi ratissaient tout ce qui passait à leur portée, y compris parfois les chevilles de l'adversaire.

Bref, l'O.M. menait à la mi-temps, mais on pouvait tout de même nourrir quelques inquiétudes, alors que la pluie commençait à tomber.

La tête a fini

le travail

Le début de la deuxième mi-temps confirma ce pessimisme.

Malgré un soleil miraculeusement revenu, on ne voyait plus que les maillots rouges sur le terrain.

C'était le grand assaut. Sedan, Tripp le corsaire en tête, essayait de prendre l'O.M. à l'abordage.

Après l'égalisation presque immédiate, l'O.M. allait passer un quart d'heure atroce.

Vague après vague, les Sedanais déferlaient vers le but d'Escale, en nombre, en force, et en usant de tous les moyens de persuasion.

On dira ce que l'on voudra, au nom d'un certain purisme, mais c'était un admirable match de coupe, qui, à défaut de beauté technique, vous prenait aux tripes. Sans jeu de mots bien entendu. L'O.M. plia mais ne remplit jamais. Cependant, on peut se demander ce qui se serait passé si Zwunka, Lopez, Hodoul, Kula et Novi aidés par de très près par l'indomptable Bonnel ne s'étaient donnés à fond pendant cette période d'angoisse.

Il appartenait d'ailleurs à Bonnel d'apporter la première pierre à la construction de la victoire.

Il réussit à sortir balle au pied, de la zone d'ombre, remonta le terrain, et passa à Magnusson. Ce dernier, qui ne voit jamais aussi bien le jeu que quand il ne peut exercer totalement ses talents de virtuose, servit immédiatement Gress sur la droite.

La suite, vous la connaissez, si vous avez vu le film du match.

Et c'est ainsi que la tête put finir le travail, un travail seulement rendu possible par la bonne santé et la force tranquille du goal.

 M. FABREGUETTES

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  LE FAIT DU MATCH

Le premier de Gilbert

SEDAN - A la 19e minute de la seconde mi-temps, Roger Magnusson attira sur la gauche toute la défense sedanaise et glissa royalement la balle sur la droite à Gilbert Gress. Quelques foulées de l'Alsacien, un splendide tir croisé et l'affaire était dans le sac.

C'était le but de la victoire obtenu à un moment psychologiquement crucial, le véritable tournant du match.

On ne donnait pas cher, depuis la 51e minute, des chances marseillaises après l'égalisation sedanaise. Les locaux dont on connaît le courage et l'engagement total, se lançant sans relâche à l'assaut du but très bien défendu par Jean-Paul Escale. Contrastant avec la fougue des entreprises ardennaises, ce but Magnusson - Gress fut celui de la classe et de la technique. Il fallut, pour le marquer, la conjonction des deux talents indiscutables du Suédois et de l'Alsacien.

À lui seul, il symbolisait la supériorité foncière de l'O.M. sur son ardent mais souvent maladroit adversaire.

Dans la petite histoire de la saison, il prendra dans le déroulement du feuilleton O.M. une place privilégiée : c'est en effet le premier but marqué par Gilbert Gress sous le maillot blanc, un but qui vaut un point.

S'il n'avait eu sur le résultat une influence aussi grave, c'est à Loubet que nous n'aurions donné la palme du meilleur homme du match. Depuis qu'il est revenu d'Amérique du Sud, Charly manifeste une santé, une joie de jouer, une force de pénétration qu'il ne montrait pas régulièrement avant la trêve.

Il est incontestablement en super-forme et encore mieux une forme qui ne se dément pas.

L.D.

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 Ils disent

Ne faisons pas la fine bouche

SEDAN - Le public n'avait pas accueilli de gaieté de coeur le nouvel insuccès de son équipe favori. Revenant aux vestiaires, les Marseillais avaient le net sentiment de s'être bien tirer d'une affaire difficile.

Lucien Leduc était extrêmement satisfait.

"Nous n'avons jamais pensé jouer à Sedan un match facile. Et notre voyage imprévu n'a pas arrangé les choses. Vous savez douze heures de train la veille d'une rencontre au lieu d'un déplacement en avion de tout repos, ce n'est pas tellement recommandé. Tenez, à la place de mes garçons, je ne sais pas trop bien dans de telles conditions comment je me serais comporté.

"Et puis il n'est jamais aisé de gagner ici. Nos plus proches rivaux en ont fait l'amère expérience. Nous avons pris deux points très précieux avant de les recevoir et aussi pratiquement rattrapé notre faux pas de dimanche dernier contre Nîmes. Aussi nous ne ferons pas la fine bouche".

Le président Leclerc, de son côté, estimait :

"Il est certain qu'aujourd'hui nous n'avons pas eu la manière. Mais on ne peut pas fournir en toute occasion un spectacle de première qualité. Je le regrette certes pour le public, mais il n'est pas drôle d'être à chaque sortie l'équipe à battre.

"Aujourd'hui, donc, en attendant de faire mieux, nous nous contenterons des deux points de la victoire".

Cette victoire, le capitaine Zwunka la savourait pleinement avec ses camarades :

"On nous avait déjà mit le pied sur la tête" (sic) après notre échec de dimanche dernier. Nous avons largement rattrapé le coup aujourd'hui. Rappelez-vous que Saint-Étienne a encaissé ici un 3 à 1 sans bavure. Nous avons donc réalisé une très bonne opération".

René Gallian reprenait les mêmes termes mais ajoutait :

"Je crois qu'aujourd'hui Jean-Paul Escale a joué une partie non seulement excellente, mais méritoire après tous les incidents de cette semaine. Il a eu sur ce mauvais terrain des parades extrêmement difficiles et il a raté sur les nombreux corners aucune de ses sorties".

Nous félicitons Gilbert Gress pour son premier but marseillais. Il eut tout d'abord un de ses sourires habituels qui voulaient dire : "Cela m'est déjà arrivé" mais il nous dit simplement "Savez-vous, nous aurions tous signés des deux mains pour cette victoire par 2 à 1".

Roger Magnusson soupirait : "Il était tout à fait impossible de jouer dans des conditions pareilles, mais je suis très content du résultat lui-même".

Nous n'avons pas tiré grand-chose de Jean-Paul Escale :

"Ca va, ça va !"

C'est tout ce que nous lui avons entendu dire : ce joyeux garçon aurait-il choisi le silence ?

L.D.

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 Louis DUGAUGUEZ : "Après l'égalisation, j'y ai cru !"

SEDAN - On n'était pas gai dans les vestiaires ardennais, la rencontre terminée, et c'est bien logique, mais il y régnait aussi une certaine dignité dans la défaite. Louis Dugauguez, qui avait beaucoup crié pendant la partie n'avait pas encore retrouvé son deuxième souffle. Il put cependant nous dire : "Après l'égalisation de Le Bihan, j'y ai cru. Mais ces diables de Marseillais sont très dangereux en attaque, parce qu'ils sont beaucoup plus adroits que nous.

"Nous n'avons pas dans notre équipe des attaquants de la classe de Skoblar, Loubet, Magnusson et Gress. C'est ce qui, à mon avis, a fait pencher la balance. J'ai trouvé que l'O.M., avait joué avec un excellent esprit collectif offensif et je l'en félicite. Ce n'est pas une équipe très brillante, mais c'est une équipe qui se bat et qui possède dans ses rangs quelques joueurs de très grande valeur".

Maurice Laurent : Gress n'était

pas hors jeu.

Le frère du président sedanais avait une grande discussion avec l'arrière gauche de son équipe Rastoll.

Ce dernier disait : "C'est un scandale, quand Gress à marquer son but, il était largement hors-jeu".

Maurice Laurent intervint avec beaucoup d'autorité pour lui dire : "Pas du tout, tu as mal jugé. Pour moi Gress n'était pas hors jeu. Au demeurant que l'on croit que l'adversaire soit hors-jeu ou pas, on ne s'arrête pas de jouer. C'est une faute de votre part".

Lucien Laurent : Nous

n'en ferons pas un drame

Le grand président de l'équipe de Sedan avait conservé son calme et son sourire. Il nous a dit : "C'est une rencontre perdu, nous n'en ferons pas un drame. Il est certain que l'O.M. a une équipe supérieure à la nôtre. Aujourd'hui, je crois que mes joueurs ont fait de leur mieux pour l'abattre, mais il leur a manqué un rien de sang-froid ou de classe pour concrétiser leur domination. Je souhaite à l'O.M. d'être champion de France. C'est une grande équipe, qui le mériterait".

Dellamore : J'ai terminé

la partie dans le cirage

Le jeune ailier gauche sedanais Dellamore se tenait la tête. Il nous a confié : "J'ai terminé la partie complètement dans le cirage, quand j'ai reçu un coup de tête très involontaire de Lopez. Je connais bien Lopez, c'est un adversaire très rude, mais correct. C'est dommage pour nous car je crois que nous avons fait de notre mieux, et moi aussi après l'égalisation, je pensais que nous allions gagner.

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O.M.-St ETIENNE : samedi 6 mars à 16h. 30

SEDAN - Commençons nos échos sedanais par une information marseillaise, le coup d'envoi du match fameux O.M. - Saint-Étienne, a été fixé à 16h. 30 le samedi 6 mars bien entendu.

C'est M. Leclerc lui-même qui nous l'a dit.

En ce qui concerne la télévision on en est encore au stade des discussions.

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La première chose que nous avons remarquée en arrivant dimanche matin à Sedan, est qu'il ne pleuvait pas et qu'il ne faisait pas aussi froid qu'on nous l'avait annoncé. Mais le terrain est extrêmement gras et le ciel d'un gris virant au noir par endroit, bref un temps normal à la sedanaise.

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À défaut du vrai soleil, l'accueil a été très chaleureux. M. Julien Laurent, le grand patron de Sedan a tenu à recevoir les journalistes français envoyés spéciaux de cette rencontre. Le fait est le plus en plus rare nous tenons à le signaler et à remercier le président général du club sedanais.

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Voici quelques extraits d'une conversation à bâtons rompus entre le même M. Laurent et M. Leclerc.

- M. Laurent : "Nous avons déjà battu Saint-Étienne, que pouvons-nous faire d'autre pour vous être agréable ?".

- M. Leclerc : "C'est simple, vous allez nous laisser gagner cet après-midi".

- M. Laurent : "Vous y arriverez bien sans ça. Pensez que nous n'avons qu'une petite équipe à domicile à opposer à vos vedettes professionnelles".

- M. Leclerc : "Excellente nouvelle. Nous allons porter réclamation car un club de première division doit aligner au moins sept joueurs professionnels sur le terrain".

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Nous avons fait la connaissance du plus extraordinaire des supporters olympiens. Il s'appelle Henri Anispikian, il habite Arras (Pas-de-Calais) depuis vingt ans. Et doit aller voir jouer O.M. à Nancy, à Strasbourg, à Rennes, à Nantes, à Nice et bien sûr à Valenciennes il a déjà un billet en poche pour O.M. - Saint-Étienne. Dans ce genre, c'est quand même une performance, sinon olympique au moins olympienne.

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Retenez bien de nom Dalheb, il n'a que 17 ans, est originaire d'Afrique du Nord et déjà la grande vedette de l'équipe de Sedan en CFA. De l'avis de M. Laurent, il posséderait une classe extraordinaire et pourrait être futur Kopa du football français.

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Des supporters venus de Marseille même, il y en avait assez peu, 5 ou 6 pas plus, mais 200 supporters olympiens de Paris ont fait le déplacement en cars. Le match n'était pas encore commencé qu'il faisaient du bruit comme 10.000, la plupart seront dimanche prochain à Lyon.

Signe distinctif : ils ont tout l'accent du Midi ou de la Corse.

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Max Fulgenzy, l'ex-olympien de Sedan est venu dire bonjour à son ancienne équipe. Il entraîne Mouzon. Son club est actuellement en tête du CFA.

Il travaille dans une usine de matelas.

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Avant le coup d'envoi, les poussins du club des supporters olympiens de Paris, ont fait le tour du stade en maillots bleus et culottes blanches, porteurs d'une banderole "Allez l'O.M.". Ils étaient très nettement 11, tous mignons, intimidés et légèrement frigorifiés. En tout cas une initiative sympathique qui a forcé le public sedanais à applaudir l'O.M.

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Il n'y a pas eu de round d'observation. Pendant les 10 premières minutes du match nous avons vu Skoblar marquer un but, tirer sur le poteau, et 10 corners, 5 de chaque côté, mais à la mi-temps la pluie commençait à tomber.

 

 

 

 

 

 

 

 

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