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Résumé Le Provencal

du 18 mars 1957

  

GUNNAR ANDERSSON ET RACHID MEKLOUFI (SEPT BUTS A DEUX) HEROS D'UN MATCH SENSASIONNELS JOUE DEVANT PRES DE 40.000 SPECTATEURS CONQUIS

St-ETIENNE vaincu avec les honneurs de la bataille par l'O.M.

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Les Marseillais menaient par 3 buts à 0 à la mi-temps, puis Saint-Étienne obtenait l'égalisation mais Andersson (4 buts) arrachait la victoire

Le record de recette est battu

Ils étaient venus des quatre coins de Provence. Peu importait à ces quarante mille spectateurs de connaître tous les maux réservés aux foules en mouvement. L'essentiel était d'être là. De partagé ce festin de roi. Car pour une fois, nous pourrons tous dire que le contenu été pantagruélique. Ils sont vingt-deux à nous avoir régalés, sans mesure, comme au bon vieux temps ; à s'être défendus et battus selon des traditions enfuies peut-être, mais que le public, lui, n'oublie pas.

Les Marseillais ont découvert une belle et grande équipe : Saint-Étienne, mais ils ont retrouvé dans le même temps une équipe marseillaise, flanquée de sa fière devise est caracolant avec un extraordinaire panache.

Les Cabassus, les Henri Conchy, les Crut, les Pironti en avaient les larmes aux yeux. Ils étaient redescendus dans l'arène sous les noms de Johansson, de Palluch, de Marcel, d'Andersson.

Car pour leurs retrouvailles, les Olympiens du jour avaient choisi Saint-Étienne. C'est au plus fort qu'ils voulaient s'adresser, c'est face aux plus forts qu'ils voulaient affirmer leur volonté nouvelle.

Tout cela, depuis des mois, quarante mille fidèles l'attendaient. Ils attendaient que leurs idoles taillent enfin un chemin de gloire dans les ornières de quelques saisons ratées.

Mission accomplie, peuvent dire aujourd'hui ceux qui avaient promis de vaincre, quel que soit le prix.

Enfin diront les autres.

Un fulgurant départ

On peut dire de ce match qu'il fut émouvant, les exploits déroulèrent en cascade, les situations changeaient à la vitesse d'un décor fixé sur scène tournante. L'un des meilleurs "suspenses" de football tourné à Marseille, et dont tous les acteurs avaient pris hautement conscience de leur rôle. Aux minutes euphoriques concédèrent des moments d'angoisse. Quand Rachid Mekloufi, ce diable brun au pied aimantés, eut secoué pour la troisième fois les filets de Domingo, la stupeur se figea sur le visage. À cette même minute, Andersson n'était plus seul roi de la marque. Mekloufi l'avait rattrapé, il venait d'altérer une célébrité retrouvée en trois coups de pied. Mais le même Andersson n'était pas, hier, l'homme a cédé. Il arracha encore une balle à l'herbe sèche du stade et des pieds de Tylinski et pour la quatrième fois Abbès regarda comme une curiosité ce garçon à l'allure frêle, le seul à l'avoir battu quatre fois cette année dans un match.

Avec ce but, le 7me et dernier, une immense ovation déferla dans le creuset hurlant depuis le début de la rencontre.

Andersson avait rendu à son public ce que Mekloufi lui avait ravi avec tant de malice et d'adresse.

La finale homérique

La bataille finale toucha quelque fois au drame. Les Marseillais défendant avec une énergie de grognards leur précieuse avance, les Stéphanois se ruant en toute volonté dehors à la conquête de l'égalisation et peut être bien de leur futur titre.

Rien n'y fit. Au centre des lignes de protection, Mesas souverains, rejetait balle sur balle, Scotti, Johansson, Palluch, Gransart, de la tête ou du pied, relançaient leurs avants pour écarter le danger.

N'Jo-Lea, l'athlète d'ébène, Rijvers, anguille chaussé de crampons, Mekloufi semblant viser à travers une forêt de jambes, tous s'évertuaient à trouver la faille dans une forteresse d'autant plus imprenable que ses gardiens détenaient déjà la victoire.

Oui, ce fut un grand match dans ce domaine spectaculaire dont les côtés sont souvent mal exploités. Sur le plan technique, ce fut autre chose.

Pris au piège

Toute l'efficacité reconnue jusqu'ici du onze stéphanois tient dans la rapidité et le bon ordre de ses actions. En attaque, par ailleurs, tout est axé sur le trio Mekloufi, N'Jo-Lea, Rijvers. Il est évident que ces trois hommes n'ont plus rien à apprendre du jeu de football.

Mais en collant à leurs moindres gestes un Mesas, par exemple, leur travail se trouve singulièrement compliqué. C'est ce qu'il est arrivé pour Rijvers, durant la première mi-temps, N'Jo-Lea surtout a peut-être pu se mettre en évidence, mais en pure perte, car outre Mesas, la défense locale ne rechercha que l'efficacité dans la promptitude de ses interventions.

Saint-Étienne se trouva donc plus d'une fois contré et stoppé dans ses intentions.

En regard, les avants se débarrassèrent absolument du jeu latéral dans lequel ils s'intoxiquaient hier d'ordinaire. Et puis Andersson se plaça ou il fallait. Marcel s'en aperçut rapidement et lui donna ses deux balles en or, bien faites à sa pointure.

Car nous avons revu M. Gunnar Andersson tel que les journalistes l'ont installé dans la légende : vif, net, soudain et marqueur de but.

Il avait quelque chose à nous dire et à vous dire depuis longtemps.

Il a choisi le 17 mars, avec 40.000 spectateurs et Saint-Étienne comme témoin pour nous raconter son histoire et marquer 4 buts un de plus que les trois promis.

Pas fou, Gunnar !

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10.439.490 francs

record de recette battu

On attendait, à l'occasion de cette confrontation, la chute du record de la recette à défaut de celui de l'affluence.

Si le second effectivement, n'est pas passé de vie à trépas, le trésorier olympien a enregistré avec la satisfaction que l'on devine, la disparition des tablettes de 9.589.330 francs qu'avait rapportés, le 24 février 1952, le match de Coupe Nîmes - Nice.

Les 36.596 spectateurs payants - on peut penser qu'il y avait 40.000 personnes au stade vélodrome - ont porté le record à 10  millions 439.490 francs.

Un chiffre qui sera difficilement battable.

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L'O.M. prend justement le meilleur sur SAINT ETIENNE

ANDERSSON marquant 4 buts et MEKLOUFI 3

Tout contribuait à faire de l'O.M.-Saint-Étienne un grand match : le temps quelque peu menaçant en début de matinée avait tourné franchement au beau, incitant le public à prendre place très tôt dans un stade où tout avait été mis en oeuvre pour recevoir cette affluence inhabituelle, l'ambiance créée par une foule séduite par le lever de rideau opposant les juniors de Nice à ceux de Gransac pour le compte de la Coupe Emmanuel Gambardella.

Andersson ouvre le score...

Aussi la fièvre se manifesta-t-elle dès le coup d'envoi (es visiteurs bénéficiant de l'engagement), Fouillen manquant de précision sur service de N'Jolea.

L'O.M. ne s'en laisse cependant pas imposer : à la 3me minute, Jensen déclencha un tir que repousse une forêt de jambes.

Coup sur coup Domingo (devant N'Jo-Lea) et Abbès (sur heading de Curyl) sont à l'ouvrage.

La partie est pleine d'intérêt, le jeu alerte, les "verts" opérant avec davantage de science pure face à des "blancs" plus hargneux.

À la 9me minute, Jensen très active depuis le début sert Andersson qui reprend la balle et tire. Abbès s'avance, plonge mais ne peut que renvoyer sur Andersson. Sans l'ombre d'une hésitation, Gunnar place un tir fulgurant :

O.M. : 1 - A.S.S.E. : 0.

...et marque encore deux fois

avant la pause

Saint-Étienne remet en jeu sans broncher et s'efforce d'égalisé.

À la 15me minute Rustichelli alerte Marcel lequel sollicite promptement Andersson, bien placé. L'ex-Suédois s'élance vers Abbès qui sort mais sans résultat et le "cuir" termine sa course dans les filets foréziens.

O.M. : 2 - A.S.S.E. : 0

Si aux minutes 24 et 26 N'Jo-Lea et Rijvers (à deux reprises gaspillées leurs chances) à la 36me, Andersson après avoir reçu la balle de Marcel (servi par Curyl) bat encore Abbès

O.M. : 3 - A.S.S.E. : 0

Trois buts de Mekloufi

Quand le jeu reprend Saint-Étienne se réveille ; la mi-temps la transfiguré.

Lefevre shoote d'abord au-dessus (48') puis N'Jo-Lea botte dans les bras de Domingo après avoir mystifié Johansson. Sur la même phase, Domingo doit plonger sur un tir de son homonyme et voit Rijvers shooter sur la barre.

À la 53me minute Mekloufi trompe successivement Scotti, Andersson (replié) et Johansson pour battre le goal olympien dans sa foulée :

O.M. : 3 - A.S.S.E. : 1

Cinq minutes plus tard Mekloufi lancé par N'Jo-Lea descend au sprint attire Domingo le avance et tire.

O.M. : 3 - A.S.S.E. : 2.

À la 60me minute Mekloufi donne un coup franc à ras de terre pour fauchage de N'Jo-Lea : le keeper marseillais s'incline encore.

O.M. : 3 - A.S.S.E. : 3

Andersson signe

le succès de l'O.M.

L'intérêt du jeu atteint une rare intensité et l'issue du match devient incertaine.

À 61me minute, sur coup franc botté par Scotti près du drapeau de corners, R. Tylinski rate son dégagement et Andersson surgissant, donne la victoire aux siens :

O.M. : 4 - A.S.S.E. : 3.

La marque en restera là malgré les efforts de Fouillen (69'), Rijvers (70', 71' et 78'), N'Jo-Lea (87') et Mekloufi (88'), donnant à l'O.M. une victoire amplement méritée.

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Les meilleurs ?

ANDERSSON et MEKLOUFI

(Par Jean PEYRACHE)

Technique, que d'erreurs on commet souvent en on nom.

O.M.-Saint-Étienne laissa-t-il de ce côté-là parfois à désirer ? Si oui, abandonnons les puristes à leurs regrets et remercions deux hommes : Mekloufi (le vaincu) et Andersson (le vainqueur) de nous avoir fait intensément vibrer par leurs exploits individuels qui, tout de même, mirent le point final à d'autre exploit collectif ceux-là.

L'avant-centre marseillais fut l'homme de toute la partie car, après avoir réussi son coup de chapeau de la 9me à la 36me minutes, il signa la victoire à la 61me !

On ne vit presque pas, par contre Mekloufi, durant les 45 premières minutes sinon à l'occasion de criantes maladresses.

Par contre, quel déchaînement dès la reprise !... L'inter droit stéphanois reconquit tout à coup l'estime de ses co-équipiers et... renforça la sollicitude de ses adversaires.

Puisque le jeu de football consiste à marquer des buts (et autant que possible plus que l'adversaire) accordons donc nos meilleurs suffrages aux puncheurs du jour.

Mais il y a les autres qui brillèrent du côté marseillais particulièrement avant le terme des 45 premières minutes.

Marcel et Jensen d'abord qui appuyèrent Andersson et surent "éparpiller" l'attention des défenseurs stéphanois.

Rustichelli ensuite qui mieux que Curyl, déborda son garde de corps pour le plus grand intérêt de l'ensemble olympien.

Rude fut dernière, la tâche de Mesas aux prises avec l'insaisissable Rijvers et de Scotti chargé de surveiller le redoutable Mekloufi et d'organiser sa défense dans les moments critiques.

Johansson fut Johansson.

Dernier rempart, Domingo eut, après le repos, trois arrêts de grande classe et fut supérieure à Abbès son vis-à-vis.

Un confrère stéphanois nous disait à l'issue du match que l'équipe de Jean Snella était surtout à juger sur sa dernière mi-temps.

Cette mi-temps refléta, paraît-il, tout ce qui a pu se voir depuis août 1956 de la part de l'A.S.S.E. sur les terrains de France et de Navarre.

Nous comprenons mieux alors le classement de cette équipe en tête de toutes celles de Division Nationale.

Hier, une monumentale erreur de tactique (insensée défense de zone de R. Tylinski devant un Andersson des grands jours) nous empêcha pourtant d'admirer 90 minutes durant le leader de football français devenu depuis un co-leader.

Le "détachement" de l'arrière central forézien provoqua-t-il de la nervosité chez son goal ?

Toujours est-il que nous ne pouvons voir en Claude Abbès un possible gardien de l'équipe de France.

Domingo fut plus régulier dans son action que Ferrier et Wicart n'eut pas toujours la partie belle avec Rustichelli.

Heureusement l'attaque...

Elle brilla par Mekloufi bien sûr les mais par le remuant technicien Rijvers et l'incisif Njo Lea.

Elle brilla par son homogénéité et par la condition physique de ses composants.

En bref, l'O.M. n'a pas vaincu un leader décadent, bien loin de là.

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ROBIN :"Nous avons battu les stéphanois avec leurs propres armes"

(Recueilli par Maurice GOIRAND)

Les cardiaques ont dû terriblement souffrir hier après-midi au Stade Vélodrome. C'est du moins ce que nous a dit Jean Robin

Toujours pince-sans-rire, le coach des "blancs" ajouta ensuite :

"Pour ma part, je reconnais que Mekloufi, avec son air de ne pas y toucher, m'a fait passer une mauvaise demi-heure.

"Quel joueur, on le croit mort puis subitement il vous donne le frisson par ses déboulés et ses tirs sensationnels.

"Vraiment, si un jour j'attrape une maladie de coeur, ce diable d'homme sera pour quelque chose.

"Nous avons battu les Stéphanois avec leurs propres armes, car nous nous sommes toujours trouvés les premiers sur la balle au moment opportun.

Marcel encore "sonné" par le tir décoché à bout portant par Mekloufi, arborait aussi un nez rouge comme une tomate, conséquence directe du contact de son appendice avec la balle.

"Je suis rompu mais content - nous affirma-t-il, tout en s'asseyant - Je pense également que le public doit être satisfait puisqu'il a eu une avalanche de buts de part et d'autre.

"Saint-Étienne a une bien belle équipe mais nous méritions de gagné aujourd'hui".

Ce "nous méritions de gagné aujourd'hui" devait revenir souvent dans la conversation, d'ailleurs.

M. Zaraya, rayonnant de joie partager entièrement la vie de J.J. Marcel.

"Saint-Étienne est très fort, néanmoins notre succès est normal."

Dans leur coin habituel les "deux grands" de l'équipe nous employons le mot grand en regard à leur taille, Domingo et Palluch en l'occurrence discutaient entre eux.

Dès que nous nous approchons Palluch qui est un gagneur impénitent s'écria :

"Nous ne pouvions pas perdre car ils étaient... plus fatigués que nous".

Quant à Domingo, il nous avoua sans fausse honte :

"Le coup de sifflet final de l'arbitre m'a soulagé. J'avais peur de les voir égaliser in extremis.

St-Étienne c'est certain et un peu léger en défense mais son trio Mekloufi, Njolea, Rijvers, vaut largement son pesant d'or.

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"Notre goal nous a fait perdre le match !"

Dans les vestiaires stéphanois la consternation était totale.

À notre arrivée, le président du club M. Faurrand, nous déclara d'un temps net :

"Notre gardien de but nous a coûté le gain de cette partie. Sans la mauvaise partie d'Abbès, en effet, nous aurions probablement gagné.

Quoi qu'il en soit je reconnais volontiers que l'O.M. a fourni un match excellent"

Jean Snella, l'impeccable entraîneur de Saint-Étienne ne laissait pas voir suivant sa louable habitude sa déception :

"Si nous ne faisons pas deux cadeaux d'entrée aux Marseillais, la victoire ne nous aurait certainement pas échappé," nous a-t-il dit toujours aussi courtois. Signalons le en passant.

Mekloufi l'un des deux meilleurs sur le terrain était assez abattu.

Pour le consoler, nous lui rapportâmes les propos tenus par sur son compte par Pierre Pibarot l'entraîneur national. Il nous répondit alors sincèrement :

"Certes je suis satisfait d'apprendre que mon jeu a plu à M. Pibarot, mais j'aurais bien échangé mon éventuelle sélection dans le onze tricolores contre une victoire sur l'O.M.

Mekloufi on le constatera, a été peiné par la défaite de son équipe.

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SI L'O.M. PERDAIT

UN CERTAIN COMPLEXE

Les joueurs de l'O.M. ont souvent dit à quel point ils craignaient leur propre public.

Allaient-ils, face à Saint-Étienne ressentir une nouvelle fois ce complexe d'infériorité cette peur de mal faire qui les paralysa si souvent ? On connaît le résultat. On sait de quelle façon il fut acquis et nous louangeons en les hommes de Jean Robin pour ne pas avoir baissé les bras après le troisième but de Mekloufi (un but égalisateur qui en d'autres temps leur eut coupé les jambes) plutôt que pour s'être rendus maîtres de la situation dans les 45 minutes.

Ils médusèrent leurs adversaires et cela nous éblouit.

Ils ne se laissèrent pas abattre par un redoutable choc en retour et cela nous fit regretter un passé, qui ne date que de cette saison sur la même pelouse

 

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