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Résumé Le Provencal

du 12 décembre 1955

  

Stade Henri Jooris UN NOUVEL AUSTERLITZ POUR LE ONZE MARSEILLAIS

Trois buts d'ANDERSSON donnent une

Nette victoire à l'O.M. qui bat LILLE

Au terme d'une véritable démonstration

(D'un de nos envoyés spéciaux : Lucien D'APO)

LILLE (par téléphone) - Après 90 minutes d'un match qui eut tous les aspects d'une démonstration, l'O.M. a donc vaincu, hier après-midi à Lille, un adversaire dont la personnalité et l'autorité ne sont plus que des souvenirs.

Sur ce stade Henri Jooris, imbibé de brouillard, planté dans ce décor triste et sale du bassin minier, le onze lillois jouèrent une grosse partie. À tout prix, il lui fallait échapper aux spectres des dernières places et arracher les deux points rassurants.

En regard, l'O.M. abordait la rencontre avec une tranquillité morale autorisée par son excellente position du moment.

On le vit bien dès les premières mesures de la rencontre, lancées dans le crachin et accompagnées du piétinement classique que les spectateurs transis infligent aux gradins pour se réchauffer.

Tout de suite, l'O.M. fut en action. Chicha d'abord, Constantino ensuite, Jean-Jacques Marcel encore, venaient immédiatement faire comprendre au keeper lillois, Van Gool, qu'il serait invité lui, à se réchauffer rapidement.

De fait, la ligne des demis marseillais, alimentant ses avants à profusion, donner aux attaquants en ligne de nombreuses occasions de s'infiltrer.

On notait successivement un tir de loin d'Andersson, préparé par Constantino et Rustichelli ; deux corners que le centre avant marseillais fut à deux doigts de compliquer d'un but et d'une dangereuse poussée de Chicha au beau milieu de la défense nordiste.

L'O.M. sur le qui-vive

Tut cela sentait indiscutablement une prochaine conclusion. Mais on relevait aussi une sévère attaque de Vincent qui parachevait d'un tir splendidement repoussé du coude par Poncet.

La balle, un moment, alla de l'un à l'autre, au milieu du terrain (12e à la 18e minute). Puis un nouveau corner que Chicha et Marcel exploitaient parfaitement, donnait à Constantino une occasion de tir.

Ce dernier passait à droite du poteau et mettait un terme à ce que l'on peut dénommer la première période du match.

Premier but

C'est alors que Gunnar Andersson se présenta, jusque-là, il s'était confiné dans un rôle qu'il joue à merveille, et qui consiste à lui donner les apparences d'un calme promeneur égaré sur un terrain de football.

"Un enfant de choeur", disait-on autour de nous ; quand soudain, le tendre Gunnar, éclatant comme une bombe à retardement, bouscula Bieganski sur un dégagement de Poncet, que le demi centre lillois s'apprêtait à intercepter. Plus exactement il "souleva" un Bieganski une balle que le policeman lillois s'apprêtait à renvoyer.

À la vitesse d'un météore, Gunnar se présenta devant Van Gool pendant que Bieganski méditait le nez dans l'herbe, sur la vivacité de son adversaire. Une toute petite feinte ; Van Gool accourait - mal lui en prit - et Gunnar prenait très facilement à contre-pied cet ultime défenseur.

Un but à zéro pour l'O.M. (30e minute).

Andersson k.o.

La pluie succédait à la brume ; la déception gagnait maintenant les coeurs lillois. Çà et là, les encouragements à l'adresse des marseillais fusaient en manière de dépit. C'est l'O.M. que l'on acclamait.

Et Bieganski continuait dans son numéro de fautes et de loupés pour la grande joie de Gunnar.

Nous inscrivons encore, sur notre carnet de notes, deux ou trois incursions des Marseillais dans le filet relâché de la défense nordiste ; puis soudain, un choc un peu confus du centre du terrain, laissait Andersson k.o. sur la pelouse. On ramenait notre marseillais sur une civière. Rien de grave. Il lui fallut simplement le temps de retrouver ses esprits.

Mais pendant le même temps, une remarquable série d'exploits de Jean-Jacques Marcel, marquait une faste période pour Constantino, Rustichelli et Scotti avaient également ponctuée de leur empreinte.

La mi-temps survenait alors que Gransart et Palluch balayaient littéralement les avants lillois. Tout à fait correctement et élégamment soulignons-les.

Deuxième but

Les débats reprirent, sous la forme d'une attaque lilloise conduite par Vincent et Douis. Gransart stoppa net cette tentative, suivi d'une autre, repoussée par Poncet.

On notait aussi un tir de Cassar, au-dessus de la barre.

C'est alors que commença la 2ème phase, qui devait transformer ce match en une démonstration de l'équipe marseillaise. Et quelle démonstration ! On eut dit une phalange de collégiens rassemblés le jeudi après-midi pour une leçon de football et ce n'était qu'un début.

De nouveau, cinq marseillais se retrouvaient devant les buts lillois à la 49e minute. Il y avait là Marcel, Constantino, Chicha, Mesas et Andersson, qui se passaient et se repassaient la balle.

Les Lillois affolés, n'avaient d'yeux que pour celui qui les avait déjà trompés une fois. Le voilà avec la balle dans les pieds ; premier tir, qui heurte Zamparini ; la balle revient à Gunnar qui ne laisse le temps à personne de respirer. Et c'est le tableau d'habituel : un shoot droit, nette, sifflant ; des filets qui s'agitent et un goal à genoux, battu, regardant tristement la balle inerte. Deuxième but.

"L'enfant de choeur" a fait place à "Satan".

Gaston Barreau, dans la tribune, note sur son carnet : "Gunnar redevient l'angélique Gunnar pour recevoir les joyeuses bourrades de ses camarades et pour regagner placidement le centre du terrain".

Plus de démonstration

un canter

L'O.M. menait donc par 2 à 0 après 49 minutes de jeu. Tout aussi bien, deux ou trois buts auraient pu s'ajouter au crédit des Marseillais. Le désastre s'abattait sur le onze lillois désemparé, haletant, perdu, outrageusement dominé, avait d'autant plus d'ampleur que Bieganski d'abord, Delepaut ensuite, rejoignaient la touche pour recevoir des soins. La démonstration devenait un canter pour l'O.M. et pour Lille une terrible épreuve, qui le rendait parfois ridicule.

C'est ainsi que les Olympiens en arrivaient à jouer à la "baballe" devant les buts de Van Gool. Zamparini, Delepaut, Clawns, Strappe, absolument médusés, devaient s'incliner pour se retrouver chaque fois "dans le vent".

Il serait superflu de vous compter par le détail ce que furent toutes les occasions que les Marseillais laissèrent échapper jusqu'au coup de sifflet final. Deux, trois, quatre, dix miracles sauvèrent Van Gool... Mais pas le onzième, car Andersson - lui encore - était à la réception d'une belle passe qui lui adressait Chicha, lequel avait été lancé impeccablement par Scotti. Le centre net du Marocain, Andersson n'allait pas le gaspiller. Un crochet, un seul, et le keeper nordiste était battu pour la troisième fois (65e minute).

La dose semblait suffisante aux Marseillais qui, dès lors, nous parurent pris de pitié au spectacle du naufrage de l'équipe lilloise.

Ainsi s'achevait ce match éloquent du onze marseillais. Les heures roses de l'O.M. sonnaient, dans la grisaille du Nord, comme pour confirmer l'indiscutable valeur actuelle des Marseillais.

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Jean-Jacques Marcel : "La valeur de notre équipe me parait indiscutable"

(D'un de nos envoyés spéciaux : Jean Pallard)

LILLE (par téléphone) - La bonne humeur, les exclamations joyeuses et animées qui nous accueillirent dans les vestiaires marseillais du Stade Henri Jooris dépeignaient, hier soir, combien était goûté le magnifique succès des joueurs olympiens sur leurs adversaires lillois.

À nos questions, les réponses jaillissaient, spontanées et avec persuasion :

"Succès d'équipe qui ne laisse planer aucun doute sur la valeur indiscutable de l'O.M. "nous a confié Jean-Jacques Marcel.

Le brillant demi du onze tricolore, souriant, détendu et nullement marqué par l'effort extériorisait sa satisfaction en tant que capitaine.

"Bien franchement, reconnaissez que nous n'avons pas une équipe de "Charlot". Notre jeu à la fois brillant et soudée a totalement décontenancé les Lillois et à l'issue de cette victoire, aucune restriction ne s'impose. J'espère que le sélectionneur, M. Gaston Barreau, ne demeurera pas insensible au punch de Gunnar Andersson, aux remarquables qualités de Rustichelli et aux extraordinaires moyens du blond (lisez Gransart) qui fut débordant d'activité.

Allons, l'avenir de l'O.M. est entre de bons pieds, devait conclure Jean-Jacques Marcel.

Constantino comblé

Le brun Constantino était littéralement comblé après la rencontre.

"Si j'ai été plus brillant que les dimanches précédents, la seule explication tient à ce que l'entraîneur m'a confié le rôle qui me convient, c'est-à-dire : jouer en retrait, afin de faire office de distributeur. Jusque jusqu'ici, je pratiquais en pointe et je ne pus jamais m'extérioriser. À ma demande, M. Rolhion a bien voulu accéder à mon désir : évoluer en retrait. Voilà qui est fait et j'espère avoir convaincu".

Pendant que Rustichelli et Andersson tenaient le compte précis des occasions perdues (il était question d'une douzaine de buts !) l'inter Chicha également brillant comme tous ses co-équipiers d'ailleurs ne cachait point son contentement en même temps que des regrets :

"Dommage que les spectateurs marseillais n'aient pu assister à cette démonstration, car ils auraient vraisemblablement été séduits par notre jeu d'équipe".

Ce jeu l'équipe qui a su si bien concrétiser le canonnier Andersson et aux yeux de tous le fait principal de la rencontre.

M. Altieri, dirigeant qui accompagnait l'O.M., s'y attardait longuement, ainsi que le coach Roger Rolhion.

L'entraîneur des olympiens allait de l'un à l'autre en leur disant brièvement : "Bravo, petit !"

Puis s'accordant quelques minutes il précisa :

"L'exécution d'aujourd'hui démontre que l'O.M. possède bien une excellente formation. Chaque joueur, suivant ses moyens et sa classe, a su se mettre indiscutablement en relief. Et si Andersson a marqué les buts, toute l'équipe peut s'enorgueillir d'avoir oeuvré pour cette belle victoire".

Les Lillois anéantis

Dirigeants, entraîneur et joueurs lillois étaient complètement anéantis après le match.

Pour l'entraîneur lillois Cheuva, la supériorité des footballeurs marseillais était trop manifeste pour que ses joueurs aient pu un seul instant entrevoir un succès possible. Mais il était furieux en constatant :

"Mes joueurs souffrent d'un complexe d'infériorité incompréhensible et chaque dimanche il en est ainsi".

Quant à l'international Vincent, il était très déçu, mais ayant été l'un des rares Lillois à organiser le jeu de son équipe, on comprenait très bien cette déception.

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Lille trop inférieur devant une équipe

marseillaise en forme et bien inspirée

LILLE - Il serait vain ou presque, de rechercher dans la production réalisée hier par l'O.M. à Lille les raisons d'ordres stratégiques qui lui ont permis de signer un succès aussi net. Recherche vaine en ce sens que l'ensemble lillois était vraiment par trop inférieur pour qu'il provoque chez son adversaire la mise en place d'une tactique de sécurité rationnelle. Aussi bien, l'O.M., se rendit rapidement à l'évidence et remit aussitôt ses avants en ligne pour ne laisser que Constantino en retrait. Un retrait offensif si on peut dire puisque le Sud-Américain était souvent à porté de buts et organisait le jeu depuis cette position relativement avancée.

Mieux même : en deuxième mi-temps, J. J. Marcel, Scotti et même Gransart vinrent se mêler à la sarabande que leurs avants menaient devant la cage lilloise. Cette liberté de manoeuvre dont bénéficièrent ses joueurs précités démontrent bien quel fut le degré de sûreté supériorité de l'ensemble olympien durant la majeure partie du match. Des velléités lilloises qui se manifestèrent sous la forme d'assauts désordonnés et imprécis ne plongèrent jamais les défenseurs marseillais dans l'inquiétude. Et c'est ainsi que l'O.M. à Lille - chose presque incroyable - joua un match d'une extraordinaire facilité. En certaines occasions, il bafoua son adversaire. Les Lillois méconnaissables depuis plusieurs semaines, n'ont qu'une explication : "Nous avons la hantise de perdre tous nos matches avant même de les commencer".

L'équipe est aux abois. Cet état d'esprit a évidemment de funestes conséquences.

Ceci dit, il n'en demeure pas moins que l'O.M. a affirmé hier une forme excellente - aussi bien sur le plan moral que physique - l'équipe est vive, rapide et certaines de ses actions tenant de l'acrobatie et de l'adresse constituent des points indiscutables d'appréciation.

Quoi qu'il soit assez difficile de faire un tri, il convient toutefois de souligner la production hors de pair de Gunnar Andersson. L'avant-centre marseillais retrouve les extraordinaires moyens qui le rendirent si redoutable.

Avec lui, Marcel a soulevé plus d'une fois les applaudissements d'un public connaisseur. Ses interventions en attaque comme en défense furent souvent déconcertantes. Notons encore le bon rendement de Constantino et de Chicha, l'habilité de Scotti et l'hermétique défense dans la laquelle Palluch fit une rentrée remarquée, Poncet a très bien fait ce qu'il avait à faire.

À Lille seul Vincent, Douis et Lefevre par intermittence ont essayé de remettre de l'ordre au sein d'une équipe dominée, battue, puis archibattue.

Lucien D'APO

 

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