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Résumé Le Provencal

du 31 octobre 1955

  

Un premier but nettement hors jeu et la passivité

de Gunnar Andersson ont précipité la défaite

du onze olympien

L'O.M., qui attaque le premier, est nettement battu

à SAINT ETIENNE (3-1)

(De notre envoyé spécial : Lucien D'APO)

SAINT-ETIENNE (par téléphone) - De longues cheminées d'usines, qui s'étirent vers le ciel, des gazomètres géants, des hauts-fourneaux qui semblent affaissés sur le côté, des câbles, des charpentes partout et, au milieu de cet ensemble, un rectangle vert pour adoucir ce paysage alanguissant, aussi triste qu'une galerie de mine.

Tel est le Stade Geoffroy Guichard.

Il fait froid, une bonne petite température à surprendre un Méridional.

Pas d'explosion de joie à l'entrée de l'équipe stéphanoise sur le terrain. L'O.M. est accueilli poliment. On a horreur ici, des protocoles. On préfère rapidement en venir au fait.

Saint-Étienne, dont on avait trop hâtivement annoncé les forfaits de Foix et Rijvers, se présentent dans sa composition idéale.

Par contre, l'O.M. qui ne pouvait déjà pas compter sur les services de Rustichelli, doit se passer de la participation de Constantino.

La ligne d'attaque est donc composée de : Palluch, Tivoli, Andersson, Mercurio et Luzy.

Équipe olympienne n'en quitte pas moins son vestiaire animé des meilleures intentions.

Et les premières mesures du match nous offrent d'ailleurs le spectacle d'une équipe marseillaise décidée à tout. Palluch qui joue 4e demi, est le premier à attaquer la cage blanche que défend Abbès. Son tir passe au-dessus.

Pendant sept minutes, on peut remarquer les efforts d'une équipe stéphanoise qui recherche son équilibre.

Les cartes sont brouillées par la tactique qu'applique l'O.M.

Pas pour longtemps d'ailleurs, puisque à la 7e minute sur un service de Vernier, le centre avant forézien Rachid Mehloufi, manifestement hors-jeu, va fusiller Poncet à bout portant.

Gransart et Johansson lèvent les bras au ciel, mais le juge de touche n'a pas agité son drapeau. Étonnamment, déception puis colère. L'arbitre M. Mourat, va consulter son adjoint et accorde le but.

Cette incontestable décision touche indiscutablement le moral des joueurs olympiens qui, dès la reprise, bafouillant, tâtonnant et se confondant dans des erreurs de jeu dans les Stéphanois, animés par l'incomparable Rijvers, savent en profiter au maximum.

Après sept minutes, Saint-Étienne mène donc par un 1 but à 0.

Les Olympiens se reprennent...

Peu à peu, l'ensemble marseillais se reprend. Si bien même qu'on notera sa très nette domination, de la 10e à la 30e minute. Un bon bout de temps, pendant lequel Jean-Jacques Marcel absolument remarquable, impose sa facilité et ses goûts pour l'offensive.

On verra tout d'abord un tir de Mercurio sur une très belle combinaison composée par Luzy, Tivoli et Scotti, que Mercurio achève (18e minute).

On notera ensuite une solide intervention de Palluch, qui permet à Tivoli de tenter sa chance.

On appréciera enfin toute une série d'interventions de l'attaque marseillaise, appuyés par Marcel et Scotti et donc Tivoli, Luzy et Mercurio savent tirer le meilleur parti sans que pour cela Abbès soit battu.

... mais ne marque pas

Il n'en demeure pas moins vrai que le quatuor attentif (ce n'est plus un quintette) ne marque pas. Andersson aussi pâle qu'un soleil de minuit, et méconnaissable. En une seule occasion, il se montrera dangereux, quand à la 26e minute, sur une très belle offensive menée par Palluch, lui-même et Mercurio, il se retrouve vainqueur de Wicart, qu'il a contourné, et manque son shoot qui part au petit trot.

Pendant ce temps, Poncet doit cueillir la balle sur corner (27e minute) et stopper une dangereuse percée, suivie de tir de Mehloufi (29e minute).

La domination des Marseillais prend fin. C'est miracle si le score n'est pas aggravé.

Mehloufi attaque encore, donne en retrait à Foix, qui centre sur Rijvers. Le Hollandais, tout seul, manque sa reprise de volée.

Ouf ! et Molla peut dégager.

2e but de stéphanois

Maintenant des coups de boutoir du onze de Snella se multiplient sous les encouragements d'une foule qui a fini par ce dégeler et que le diabolique Rijvers fusant de toutes parts, jonglant comme s'ils se trouvaient sur la piste de Médrano, s'ingénie à préparer.

Un premier assaut de l'inter-droit Vernier et sans conclusion (31me minute). Par contre, deux minutes après, lancé toujours par Rijvers, il recommence, s'infiltre dans la défense de l'O.M., et vient finalement battre Poncet, qui ne pouvait rien sur ce tir.

Johansson, puis Gransart et Molla, frappés d'immobilité, ont tout benoîtement laissé passer notre homme.

2 à 0 pour Saint-Étienne.

Il faudra, par la suite, deux ou trois exploits de Gransart pour stopper Foix, dont les actions ont été, jusqu'ici assez limité.

C'est la mi-temps, sifflée peu après sur un tir aux buts de Palluch.

À la recherche du miracle

Il n'est plus question de rechercher le vainqueur de ce match.

L'O.M., néanmoins, va essayer de réussir un but de surprise, à la reprise. En fait, la surprise viendra sous la forme d'un troisième but réussi par Saint-Étienne à la 57me minute.

On attendait Andersson. On retrouve Foix et Rijvers.

Ces Mehloufi qui a fait le trou. Il attaque sur la droite, réussit une très belle feinte devant Johansson, talonne en outre en retrait vers Foix, qui s'avance comme une flèche, passe entre Gransart et Johansson, va vers la ligne de but et centre en retrait, sans même se retourner.

Domingo, qui a suivi, se trouve seul et mitraille une fois encore Poncet, impuissant.

Saint-Étienne 3 - O.M. 0.

C'est fini, ou presque.

Mercurio essaie bien, par la suite, de larges ouvertures, mais sans effet. Andersson, auquel elles sont adressées, reste impassible. On le dirait figé, sans réflexe, sans volonté. Autant dire qu'en face, les avants stéphanois s'en donnent à coeur joie. Rijvers, que Marcel marque de loin, prépare tout. Il provoque un tir de Domingo (64e minute), de Vernier (69me minute), de Goujon (72me minute), que Poncet bloque ou qui va chercher à l'extérieur.

Gransart, à son tour, ira tenter sa chance. Abbes devra retourner sa tentative en corner. Ce dernier ne donne rien et pourtant la balle danse trois ou quatre fois devant les buts stéphanois sans être dégagée.

Marcel sauve l'honneur

Enfin, Jean-Jacques Marcel, dont le match jusqu'ici, a été excellent, part tout seul depuis ses 18 mètres. Il traverse tout le terrain pour lancer impeccablement Luzy. Ce dernier redonne à Marcel, démarqué : shoot !

La balle heurte De Cecco et revient. Deuxième shoot de Marcel. Cette fois, Abbès est battu, malgré Ferry et Fellahi, accourus (79e minute).

Saint-Étienne 3 - O.M. 1.

L'ailier stéphanois Goujon quitte le terrain. Peu après Mercurio s'avance, va shooter. Non il est hors-jeu.

En regard, nouvelle combinaison Rijvers - Foix. Puis une occasion de marquer échappe à Marcel (85me minute). C'est trop tard malgré les efforts des Marseillais qui se ruent à l'attaque. Saint-Étienne conservera le score acquis... et la foule ovationnera Rijvers et Marcel avec d'autant plus de sportivité que la victoire à combler ses désirs.

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Du grand RIJVERS, mais aussi Jean-Jacques MARCEL dans sa forme de Moscou

SAINT-ETIENNE - Deux hommes ont dominé les débats, hier, à Saint-Étienne : Rijvers, du côté des vainqueurs, et Jean-Jacques Marcel du côté des vaincus.

L'un et l'autre ont joué telles des artistes, ciselant leur oeuvre dans ses moindres détails.

Et ce ne sont pourtant les deux hommes qui devaient se neutraliser Jean-Jacques Marcel était, en effet désigné pour marquer l'impétueux Hollandais. Il s'acquitta de cette fonction, comme d'ordinaire, c'est-à-dire avec assez de largesse. On pourrait dire qu'il y a faute, erreur de marquage plutôt. En effet, le Brignolais est d'autant plus dangereux lorsqu'il s'écarte de son adversaire direct, qu'il se trouve lui-même dans la position qu'il préfère, pour jouer l'offensive.

De plus hier en fonction de la tactique qui était appliquée, le capitaine olympien avait un rôle tout aussi important à jouer en arrière.

Rijvers le compris fort bien, puisque lui-même ne s'avança jamais dans cette zone où évoluaient Marcel, Johansson et Scotti. Il préféra servir par de longues ouvertures ses avants de pointe.

Reconnaissons sa réussite, puisque à plusieurs reprises, ses coups de pied vers Mekloufi, Foix ou Vernier mirent la défense olympienne dans des situations très difficiles.

Bien, Mercurio

François Mercurio a fait une très bonne rentrée. C'est ce qu'il faut retirer comme premier engagement de ce match, le second intéressant au plus haut point Gunnar Andersson.

Travail sobre mais solide pour Mercurio, rendement attendu de Luzy et de Tivoli.

Palluch se dépensa en position de quatrième demi d'abord puis d'avant-centre, et se replia ensuite.

Mais, en résumé, il faut bien dire que la carence de la ligne d'avants vient surtout de Gunnar Andersson, qui n'a pu su échapper, hier, à la critique. Son mauvais placement - on eut dit qu'il refusait la balle - son manque de combativité flagrant, coupable même, à briser toutes les conclusions possibles de l'O.M.

Gransart, de son côté, a réussi sauf sur la fin, a bouclé Foix, au demeurant moins brillant qu'il le fut d'après les critiques, à Moscou.

Pour Molla, Poncet, Scotti : bon match, dont les efforts furent mal payés par la ligne d'avants.

À Saint-Étienne, outre le grand Rijvers - quelque chose comme démon de la balle ronde - il y eut aussi Rachid, Mekloufi dont on reparlera davantage bientôt, et l'intérieur Vernier.

Ferry n'est plus ce qu'il était.

Quant à l'arbitre, en dehors de sa grossière erreur sur le premier but, nous dirons qu'il dirigea très bien le restant de la partie

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Les Stéphanois, plus vites sur la balle

SAINT-ETIENNE - L'O.M., nous l'avons dit, avait fort bien débuté dans ce match livrait à l'ardente équipe stéphanoise. Mais le but que M. Mourat accorda avec beaucoup trop d'injustice (le stade entier désapprouva sa décision) a eu pour premier effet de disloquer une mécanique qui n'était pas précisément solide, au fait de l'absence de Rustichelli et de Constantino.

Ce point acquis dans ces circonstances, eut des conséquences psychologiques dont il ne faut nullement nier la portée.

Il n'en reste pas moins vrai que le onze stéphanois obtint, par la suite, trois buts pour ne laisser aucune chance doutent sur sa supériorité.

Supériorité qui s'affirma par à-coups, car, en première mi-temps, les Olympiens avaient dominé leurs rivaux et à égalité. Ils avaient certes, eu moins de bonheur dans leur entreprise.

Menait par deux buts à zéro, à la mi-temps, on peut alors se demander si les Marseillais n'auraient pas eu intérêt à conserver leurs forces dans l'offensive. À la reprise, ils n'avaient plus rien à perdre et tout à gagner.

Palluch aurait dû fixer son attention sur Rivière par exemple ; Scotti poussait davantage en avant. Marcel et Scotti poussaient davantage en avant.

Certes, il y avait eu des risques. Mais Marcel prouva bien, en marquant ensuite l'unique but marseillais, que cette suprême solution avait ses chances de réussite.

De toute manière, il ne s'agit là que de suppositions tardives. Le foyer de la défaite marseillaise se trouvait dans la ligne d'attaque, et plus particulièrement chez Andersson.

Il nous est d'autant plus aisé de l'écrire, que l'ex-Suédois a toujours trouvé dans nos critiques les échos les plus favorables.

Les Stéphanois plus vites

Quoi qu'il en soit, la victoire des Foréziens ne souffre pas de discussion. La talentueuse ligne d'avants a su se montrer suffisamment incisive et, d'une manière générale, ils furent onze à se montrer plus vite et plus adroit sur la balle.

Tout le secret de la victoire des hommes de Snella et là.

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Jean-Jacques Marcel

"Qu'avons nous fait aux arbitres ?

Quand nous entrons dans les vestiaires, après le match, Jean-Jacques Marcel est sur la table de massage. Manu Giraud, un tampon d'ouate au bout des doigts, pense ses légères blessures.

Le Brignolais lève la tête. Dans ses yeux, on peut lire sa déception et sa colère. Puis il lui lance :

"Mais qu'avons-nous fait aux arbitres ? Faut-il que nous soyons ainsi marqués tous les dimanches ?"

Pas de réponse à ces deux questions.

Scotti, nu, court vers la douche. Au passage il soupire et dit un mot, un seul !

Pour Poncet, le premier but a été capital :

"Nous serions arrivés avec un seul but de retard à la mi-temps, tout pouvait changer".

Enfin, pour M. Alfiéri, l'arbitre à une lourde part de responsabilité dans le résultat final

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LES ENTRAINEURS COMMENTENT

L'entraîneur stéphanois Jean Snella est l'homme la plus mesuré du monde. Très calmement, il nous disait en rangeant ses maillots verts :

"L'équipe marseillaise vaut certainement mieux que cela. Son avant-centre n'a pas été suffisamment combatif dans ce débat".

"Par contre, quel grand joueur elle a en la personne de Jean-Jacques Marcel !

"J'ai cru, un moment, que votre défaite serait plus sévère."

Quant à Roger Rolhion, résigné, il n'eut que quelques mots :

"Que voulez-vous faire ?" En la circonstance, on le comprend fort bien.

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"J'AI MON OPINION SUR L'ARBITRE"

a dit le délégué du Groupement

SAINT-ETIENNE - Il est net que le but indiscutablement hors-jeu accordé par l'arbitre à la 7me minute a eu des conséquences sur le restant de la partie.

Les Marseillais, qui étaient partis très fort, eurent ensuite toutes les peines du monde à retrouver leur rythme.

Questionné en fin de match, l'arbitre a déclaré :

"J'ai tenu entièrement compte du point de vue de mon juge de touche, qui avait estimé que Mekoufi n'était pas hors-jeu".

Le délégué du Groupement, par contre, a déclaré au dirigeant olympien :

"J'ai mon opinion sur l'arbitre. Je n'en dirai pas davantage".

Nous non plus !

Par contre constatons que Saint-Étienne a ensuite marqué deux buts et si la discussion peut s'ouvrir autour du premier, on ne saurait le faire en ce qui concerne résultat final.

 

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