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Résumé Le Provencal

du 17 février 1975

 

A GERLAND ou le jeu devint de massacre en fin de match...

RENE CHARRIER IMBATTABLE !

L'O.M. souffre et gagne, grâce à un but inespéré de Troisi

LYON - Le football nous surprendra toujours et c'est certainement pourquoi il continue à nous amuser.

Un match comme celui que nous venons de vivre intensément à la tribune de Gerland échappe à toute logique. Nous pourrions le commenter de dix façons consécutives et totalement différentes sans être sûr d'approcher une seule fois de la vérité.

Lupus qui fit la différence en est le meilleur exemple.

L'un de nos voisins venait de nous dire : "Votre Troisi est remarquablement doué pour le rugby" quand d'une quarantaine de mètres, alors que l'attaque olympienne se déployait dans l'espoir d'une pause, il tapa dans le ballon comme une mule. Ledit ballon, catapulté à la vitesse d'une fusée spatiale, eut le bon goût de toucher la pelouse et, le rebond vicieux qui en résultat, eut pour effet de tromper encore plus complètement l'infortuné Chauveau. But extraordinaire diront les uns, but fada penseront les autres.

Quoiqu'il en soit, l'important été fait et de prix argentin à réclamer, le bravo Alfonso devenait le héros du match.

C'est ça le football, comme devait nous le dire un peu plus tard l'entraîneur Lyonnais Mignot : "Il ne s'agit pas d'obtenir des corners à la pelle, mais de loger la balle dans le but".

LES JEUNES LOUPS LYONNAIS

N'AVAIENT PAS DE DENTS

On comprendra mieux la désillusion de Mignot si l'on se souvient de la première mi-temps. Il est rare, en effet, pour un entraîneur de voir son équipe aussi bien et aussi mal jouée à la fois.

Durant ces quarante-cinq premières minutes qui, pour Jules Zvunka représentèrent un long calvaire, le jeu fut tellement à sens unique, que l'on pouvait s'attendre à la réalisation d'un but presque à chaque minute.

Douze corners à zéro, une douzaine d'occasions franches de but et la moitié d'une, les jeunes loups lyonnais plus vifs, plus techniques et apparemment irrésistibles ne permirent pas à l'O.M. de s'exprimer.

D'un côté, une équipe déchaînée, brillante, maîtresse du jeu du ballon, de l'autre un Charrier transcendant, l'abnégation d'une défense sans cesse renforcée et toujours en état d'alerte. Que dans ces conditions Lyon n'est pas réussi à prendre l'avantage et pur miracle. Il ne faut jamais hésiter à appeler les choses par leur nom.

L'O.M. courageux, l'O.M. volontaire, l'O.M. combatif au plus haut degré à eu une "baraka" peu ordinaire. Mais le football est un jeu de réalisation et non d'intentions et il n'en est pas moins certain que les jeunes attaquants Lyonnais se battirent eux-mêmes en ne sachant pas réussir le dernier geste.

La deuxième mi-temps attrista tous les véritables sportifs présents à Gerland. L'arbitre M. Bancourt, n'ayant pas devancé les événements, se laissa complètement surprendre par eux.

Le jeu vif et normalement engagé de la première mi-temps tourna au massacre. Tout y passa ; les crocs multipliés, les charges dangereuses, des pieds qui tournaient dans tous les sens, les coups de coudes, les coups de boule... et, pour finir, des agressions caractérisées.

Jairzinho qui restait sans ballon depuis le début de la partie, fut proprement étendu par Domenech.

Lemée eut le nez cassé par un coup de Manero.

Mais il faut éviter de regarder le match par le petit bout de la lorgnette olympienne.

Chiesa fut victime d'une bonne douzaine de croc-en-jambe et Lacombe sérieusement touché au genou dès la première mi-temps.

Bref, on se serait cru revenu aux dix premières minutes de France-Ecosse. Ça pleuvait de tous les côtés et dans ce cas sportivement lamentable il faut toujours éviter de juger trop vite et de façon trop sommaire.

BRAVO ! MAIS IL RESTE

ENCORE BEAUCOUP À FAIRE

Il reste que l'O.M. vient de remporter une grande et précieuse victoire sans son buteur numéro 1 Paulo Cezar. Si cette victoire ne fut pas celle du beau football, ni même celle du football tout court, elle a finalement récompensé un groupe de copains qui ont su se battre le plus souvent le dos au mur, avec une énergie peu commune.

À l'image de son entraîneur, Jules Zvunka, cette équipe a fait étalage de qualités morales et physiques exemplaires.

Cependant, il est bon dans l'intérêt même de l'O.M. de faire la part des choses :

Il y eut dans cette victoire trop d'aléas pour qu'elle serve d'exemple et d'encouragement à persévérer dans cette voie.

Le football finit toujours à plus ou moins longue échéance par se venger quand on ne veut voir en lui que l'art de détruire. Car, et c'est ce qui nous chagrine, sur le plan offensif l'O.M. n'a absolument rien prouvé et Jairzinho, qui ne reçut pas une seule bonne passe de toute la partie, doit en être le premier persuadé.

Il ne faut pas se faire d'illusions malgré la joie que nous procure ce succès, O.M. doit encore travailler d'arrache-pied pour être digne de sa réputation et de son impact publicitaire sur les foules sportives.

Maurice FABREGUETTES

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Juste retour des choses

Quelques minutes à peine avant le coup d'envoi un confrère lyonnais, avec qui nous parlions de la pluie et du beau temps, nous fit cette remarque : "Alors, votre équipe aujourd'hui a amené le soleil et le mistral de Marseille..."

Quant tout fut consommé notre ami, que nous avions retrouvé dans les couloirs de Gerland, ne put s'empêcher d'ajouter "Je crois bien que vos olympiens avaient également emporté la Bonne Mère..."

Ce pourrait être la conclusion de ce match musclé, nerveux, tendu, au delà même des limites permises, selon bien entendu le point de vu où l'on se place et surtout le camp où l'on se trouve. Cependant, sans vouloir être taxé de chauvinisme, nous ne partageons pas tout à fait cette opinion. C'est vrai que l'O.M. a eu de la chance, une chance parfois insolente, mais c'est vrai aussi que les Marseillais avaient su s'aider comme dit e proverbe, avant d'être aidés par les dieux du football. Nous préférons en tout cas cette morale à la première qui laissait sous-entendre que l'O.M. n'avait absolument rien fait pour mériter sa victoire.

Or, c'est loin d'être le cas. Il suffisait, dans les vestiaires, de faire le compte des plaies et bosses, pour se rendre compte que les joueurs, soi-disant archi-dominés, avaient largement payé de leur personne.

C'est justement à ce sujet que le match Lyon - O.M. nous a rappelé la rencontre France - Ecosse de samedi dernier. Toutes proportions gardées, le scénario fut à peu près le même et il n'est pas déplacé à notre avis d'établir un parallèle : les olympiens marseillais, comme les quinzistes tricolores eurent le mérite de répondre du tac au tac à la méthode d'intimidation mise en pratique par les Lyonnais, tous, sans exception se sont battus "bec et ongles", comme des lions, et c'est précisément pour cela que leur victoire n'a rien de scandaleux. Nous préférons celle-là par exemple à celle obtenue sans gloire à Angers. Elle est d'une autre trempe et force le respect.

Les Lyonnais ont trouvé la pilule amère ! C'est qu'ils avaient la mémoire courte. À Marseille, la brutalité en moins, ils avaient remporté le même genre de victoire. En football aussi il existe souvent un juste retour des choses.

J.F.

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Jules ZVUNKA : "Une victoire qui coûte cher"

Le président Meric, rouge, d'une colère que rien ne pouvait calmer ; Jules Zvunka, les traits tirés, les lèvres tremblantes qui avaient du mal à contenir la cigarette, un cortège d'éclopés qui sorti du terrain comme les poilus de 14 d'une tranchée : voilà à peu près le spectacle qui nous attendait dans les vestiaires marseillais. La bataille avait donc été sévère. Mais avoir toutes ses blessures sanguinolantes, on était en droit de se demander si les Lyonnais l'avaient vraiment mené de façon régulière. On imagine, en tout cas, la réaction "à chaud" de M. Meric, président pas tellement réputé pour avoir sa langue dans sa poche. "C'est un véritable scandale, lançait-il à qui voulait l'entendre. Puis à notre adresse : "Je n'ai jamais autant vu de sang dans un vestiaire. Si les Lyonnais appellent cela du football, je leur répondrai moi qu'ils n'ont pas à en être fiers. Ils se sont conduits sur le terrain comme de véritables sauvages et leur comportement n'avait rien à voir avec le sport. Je le dis tout haut, car il faut que de telles pratiques soient dénoncées et réprimées comme il se doit. Comprenez pourquoi, poursuivait alors le président, Paulo Cezar n'a pas joué à Lyon. Je lui avais donné la permission de ne rentrer que lundi en toute connaissance de cause. Aujourd'hui je m'en félicite. Quant au résultat du match, et bien, il prouva l'évidence que la justice immanente n'est pas un vain mot. À aucun moment, la façon de procéder des Lyonnais ne méritait la victoire".

JULES ZVUNKA :

"NOUS AVONS PAYÉS CHER"

Jules Zvunka était peut-être un peu moins expansif que son président, mais sa tension nerveuse était visible à l'oeil nu. "Voulez-vous que je vous dise, déclarait-il, la voix presque étouffée, après un match pareil, on ne sait plus ce qu'il est arrivé. Je crois qu'il me faut une heure ou deux avant de mettre mes idées en place et porter un jugement raisonnable sur ce match passionné. Je sais une seule chose, c'est que cette victoire, aussi méritoire et importante qu'elle soit, nous a tout de même coûté cher. Quatre blessés sévèrement touchés. Deux avertissements. C'est vraiment beaucoup pour une seule rencontre. Enfin, j'ai une consolation : l'équipe vient de gagner quatre parties consécutives. Quand nous aurons récupéré de nos émotions et pansé nos blessés, je crois qu'il restera tout de même quelque chose de positif".

Avant de donner la parole aux joueurs, donnons quelques précisions sur tous les blessés. Jairzinho souffre d'un coup pour genou, d'un autre au bras et une profonde coupure à la cuisse (faite vraisemblablement par des crampons).

Buigues, entre autres ecchymoses, à une forte entorse à la cheville et devra comme son ami brésilien, passer une radio de contrôle.

Bereta, lui avait la lèvre fendue et avait reçu un choc violent sur le nez. Un lourd bilan en vérité. Maintenant des impressions en vrac.

Troisi, buteur du jour : "C'est mon premier but depuis que je suis en France. Je me fait d'autant plus plaisir qu'il donne la victoire à l'O.M."

Emon : "Trop de coups ! Les Lyonnais ont oublié le football. Ils ont eu ce qu'ils méritaient".

Bereta : "Je savais qu'à Lyon, les matches étaient toujours virils, mais à ce point, pardon ! Quoi qu'il en soit, nous voilà avec un succès de plus à l'extérieur, et c'est important pour la suite".

Vannucci : "Entrer à froid dans une telle galère, croyez-moi, ce n'est pas du gâteau".

Buigues : " Nous avons gagné, mais en laissant des plumes. Serons-nous tous rétablis d'ici dimanche prochain ?"

Victor Zvunka : "Heureusement, nous avons tenu le coup en défense".

Trésor : "Avant la venue de Bastia à Marseille, voilà un résultat excellent pour le moral".

René Charrier : "Le type même du match que l'on a hâte de terminer".

Voulez-vous, enfin, une impression personnelle ? Et bien, la venue de Bastia, dimanche prochain, va faire pas mal de bruit du côté du boulevard Michelet, car, enfin, un O.M. malmené mais vaillant, meurtri mais vainqueur, ne laisse jamais ses supporters différents. Si vous avez un moment, n'oublie pas de retenir vos places au stade-vélodrome !

Jean FERRARA

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Mignot : "L'arbitre a tout gâché"

Nous n'avons pas besoin de faire de longs commentaires pour signaler que les Lyonnais n'étaient pas contents non plus.

"Je suis furieux après l'arbitre nous disais, pour sa part, Aimé Mignot. Il a tout gâché. S'il avait sorti avant son carton jaune, les choses n'en seraient pas arrivées là.

On accuse mes joueurs de brutalité, mais je ne suis pas certain qu'ils aient commencé les premiers. En un mot il a manqué un véritable directeur de jeu pour mettre bon ordre à l'anarchie qui régnait sur le terrain. Quant à la rencontre proprement dit, je crois que Lyon a laissé passer sa chance en première mi-temps. Ensuite, je savais que le résultat se jouerait sur un coup de dés.

Il a été favorable à l'O.M. Il faut s'incliner, c'est la loi du sport".

J.F.

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Les réponses aux questions que l'on se pose

Albert Batteux : "Il faut protéger les véritables footballeurs"

1re question : pourquoi le jeu dégénéra-t-il en deuxième mi-temps ?

Réponse : voici ce que nous a dit Albert Batteux, qui était sorti de l'hôpital où il vient de subir une opération au genou pour assister à la rencontre : "En tant que sportif et amoureux du football je s Nous n'avons pas besoin de faire de longs commentaires pour signaler que les Lyonnais n'étaient pas contents non plus.

Je suis furieux d'avoir après l'arbitre comme nous disait, pour sa part, et mes mignons. Il a tout gâché. S'il avait sorti avant son carton jaune les choses n'en seraient pas arrivées là.

On accuse les joueurs de brutalité, 1000 jeu ne suit pas certain qu'ils aient commencé les premiers. En un mot, manquait un véritable directeur de jeu pour mettre bon ordre à l'anarchie qui régnait sur le terrain. Comme ta rencontre proprement dite, je crois que Lyon à laisser passer sa chance de avant la mi-temps. Ensuite je savais que résultat se jouerait sur un coup de dés.

Il était favorable à l'O.M. Il faut s'incliner, c'est la loi du sport. uis franchement désolé. Il y avait, aujourd'hui à Gerland, du soleil, du beau temps, la grande foule, et sur la pelouse deux des meilleures équipes de France. Or cette admirable occasion de faire une belle propagande pour le football, a été complètement gâché. Pour moi, qui ne suis ni Lyonnais ni Marseillais, le problème est assez simple : il y avait dans les deux équipes d'excellents joueurs de football qui ne demandaient qu'à jouer au football. Mais il y a aussi dans ces mêmes deux équipes, d'autres joueurs qui, eux, ne songeaient qu'à empêcher de jouer, et pour lesquels tous les moyens sont bons, à la seule condition qu'ils ne puissent pas coûter un penalty.

"C'est à l'arbitre qu'il appartient, et cela dès les premières minutes de la partie, de sanctionner, d'avertir, ou même d'expulser s'il le faut, les joueurs irréguliers, et, partant, dangereux pour leurs adversaires. Tant que les arbitres ne s'appliqueront pas à protéger les vrais joueurs de football contre les destructeurs, rien ne sera fait, et l'on reverra des matches scandaleux comme celui auquel nous venons d'assister. M. Baucourt connaît certainement le règlement sur le bout des doigts et de son sifflet, mais il n'a pas le sens des dures réalités du football. Enfin, donner un avertissement à Chiesa et un autre à Emon est pure plaisanterie, quand tout le monde sait qu'il s'agit de joueurs qui donnent un coup quand ils ont reçu dix !

"C'est une réforme arbitrage qui s'impose il faut permettre aux véritables joueurs de football de jouer au football, sans qu'ils aient en permanence la crainte d'être blessé."

2e question : le but de Troisi en appelle-t-il d'autres ?

Réponse : c'est bien difficile à dire. À Lyon, nous avons déjà vu Bracci marquer un but splendide de quarante mètres. Il n'en a pas marqué un autre depuis. Et Di Caro réussit le seul but de sa carrière sur corner direct. En football on a l'habitude de juger un buteur à la régularité de ses performances, à son total, si vous préférez, en fin de saison. Le tir heureux comparable à ce que l'on appelle "lucky punch" en boxe, existe et il fait souvent la décision. Pour ce qui est du but de Troisi, il convient donc d'attendre avant de conclure. Il n'en est pas moins certain que cet encore jeune joueur possède une force dynamique très au-dessus de la moyenne. Le tout est de savoir s'il pourra mettre cette force naturelle au service du football.

M.F.

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De la mesure, S.V.P.

Il n'est pas dans notre intention de relancer la polémique Paris - Marseille où Marseille - Reste du monde. Nous ne souffrons pas et c'est heureux du complexe de sous-préfecture.

Cependant pour avoir suivi sur France Inter le compte rendu (à la fois en direct et tortueux) du match Lyon - O.M. que l'on nous permet de reprocher au commentateur de service une partialité regrettable sur les ondes d'une radio nationale.

La prestation phocéenne à Gerland n'a sans doute pas été exceptionnelle, c'est d'accord, mais le professionnalisme étant ce qu'il est et les hommes ce qu'ils sont, les Olympiens ont joué à Lyon comme la grande majorité des équipes en déplacement : avec le seul souci de ne pas perdre.

Qu'ils aient même réussi à gagner voilà qui fait parti des règles du jeu sans que la moralité sportive soit pour autant bafouée.

Personne ne se comptait dans la défaite. Les Lyonnais pas plus que les autres. Ils n'ont d'ailleurs pas lésiné sur les moyens à employer en fin de match pour égaliser.

Demandez donc à Jairzinho, Emon, Bracci et Zvunka, les Phocéens sont ce qu'ils sont. Ni meilleure ni pire que les autres joueurs.

Une réalité qui semble avoir échappé à Paul Laporte.

Ce n'est pourtant pas tous les dimanches que le tandem Chiésa-Lacombe réussira à passer 8 buts à la défense adverse.

Et ce n'est pas une raison par souci de contraste de noircir systématiquement les hommes au maillot blanc.

De la mesure S.V.P.

Chacun y trouvera son compte. Et ce sont les bons comptes, c'est bien connu, qui font les bons amis.

André de ROCCA

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